Menace d’expropriation à Châteauguay : Pour la défense du territoire Kanien’kehá!

Depuis plus d’une semaine, quelques membres de la communauté Kanien’kehá:ka (Mohawk) se sont installés sur la rue Old Chateauguay pour contrer un effort d’expropriation de terrain piloté par le maire de la ville de Châteauguay, Pierre-Paul Routhier.

Simon-Pierre d’Alternative socialiste est allé au camp s’entretenir avec Farn Kaherihshon Beauvais afin d’en apprendre davantage sur la lutte visant à empêcher le projet de développement de la ville. 

Alternative socialiste (AS). Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle vous avez érigé un camp?

Farn Kaherihshon Beauvais (FKB). Le maire de Châteauguay parle de modifier le zonage de la terre sur laquelle nous sommes. Nous ne sommes pas dupes, nous savons qu’il doit y avoir une ambition de développement derrière cette soudaine motivation. Ce n’est pas la première fois ; la ville coupe tous les arbres pour ensuite construire des condos de luxe. Mais regardez autour de nous, est-ce que d’après vous, des condos de luxe sont ce dont nous avons le plus besoin ici?

AS. Comment la ville de Châteauguay peut-elle s’accaparer du territoire dans la réserve mohawk?

FKB. Cette terre fut conférée au Roi Louis XV, mais a été administrée par le peuple mohawk. Depuis, les gouvernements municipal et provincial ont commencé à vendre certaines parties du terrain de manière progressive. Le problème est qu’en aucun cas le peuple mohawk n’a été inclus dans ces décisions. Lorsque les ventes se sont matérialisées, nous n’avons eu accès à aucun argent. Ensuite, les terres sont expropriées et des développements en tous genres s’ensuivent. 

Mais, en réalité, même si nous avions eu droit à l’argent de ces échanges, nous aurions refusé. Cette terre est plus importante que l’argent. Nous avons besoin de cet espace pour élever les générations futures. Nous n’avons pas de pays d’origine. Si nous perdons notre territoire, nous perdons qui nous sommes. 

De plus, nous ne voulons pas l’utiliser pour des développements. Notre planète souffre et il est de notre devoir de la maintenir. Il est plus important que jamais de protéger la nature et notre territoire. C’est pour toutes ces raisons que nous sommes ici. 

AS. Quelle est votre stratégie et quelles sont vos perspectives de lutte pour stopper les efforts de développements immobiliers de la ville de Châteauguay? 

FKB. Nous luttons contre les ambitions politiques du maire Routhier. Nous savons que si nous attendons les bulldozers pour agir, il sera trop tard. Nous voulons éviter le plus de confrontations possible. Si nous nous mobilisons tout de suite, c’est justement pour éviter de se rendre là où la résistance deviendrait plus dangereuse. Il faut mettre la pression sur le maire: faire des pétitions, appeler ses élus, parler de notre situation le plus possible. 

Nous allons continuer notre camp. Mais dans le futur, si les gens hors de notre réserve veulent se mobiliser pour nous aider, vous pourriez aller manifester devant le bureau du maire dans sa ville. Mais nous voulons éviter les conflits le plus possible. 

AS. Nous sommes dans un contexte politique mouvementé au Canada en lien avec les Autochtones. Les camps Wet’suwet’en contre les pipelines, les pêcheries Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse, la mort de Joyce Echaquan ainsi que le meurtre de centaines d’enfants autochtones produisent des luttes partout sur le territoire. Comment situez-vous votre situation dans les relations globales canadiennes avec les autres autochtones?

FKB. Le plan des gouvernements est toujours le même. Ils veulent nous déposséder de nos terres, de notre culture ainsi que de notre langue. S’ils arrivent à leurs fins, alors nous n’aurons plus de droit de propriété sur aucune ressource. Après 500 ans, nous sommes encore au même endroit. Les gouvernements ne veulent pas admettre qu’il s’agit de nos territoires. 

Lorsqu’on accepte leur offre, on se retrouve sans moyens. Il y a encore 56 nations autochtones au Canada qui n’ont toujours pas accès à de l’eau potable. Le premier peuple qui a sonné l’alarme à ce sujet est aujourd’hui dans une situation encore pire qu’au moment où les médias ont commencé à en parler.

Lorsqu’on résiste, ils envoient l’armée. Ensuite, on nous blâme pour tout. En ce moment, des églises se font brûler et c’est nous qui nous faisons pointer du doigt. Il y a des familles qui aimeraient savoir ce qui est arrivé à leurs enfants. Nous devons retourner les corps dans leurs communautés pour qu’on puisse faire les cérémonies ancestrales. Ces églises contiennent probablement de la documentation sur la provenance de ces enfants, sinon des informations importantes pour prouver l’ampleur de leurs crimes!


La situation rappelle celle de la crise d’Oka de 1990. Un conflit a alors éclaté entre les Mohawks de Kanesatake et le maire d’Oka qui voulait s’approprier une partie du territoire ancestral pour permettre l’agrandissement d’un terrain de golf. En solidarité, les Mohawks de Kahnawake ont bloqué le pont Mercier. Ils ont essuyé une pluie d’attaques et d’insultes, mais très peu d’appui de l’extérieur.

Trente et un ans plus tard, le même manège recommence, mais avec des acteurs différents. Cette lutte est une autre expression de la crise du logement et de l’exploitation du territoire faite par des capitalistes et leurs élus dans le but de faire du profit, non pas de répondre aux besoins réels des gens.

Organisons-nous ensemble contre les projets des promoteurs capitalistes, autant dans les villes que dans les réserves autochtones. Nos ennemis sont communs : les capitalistes et leurs élu⋅es qui sont aux commandes des États extractivistes canadiens et québécois.


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