Une crise sur le dos des femmes : S’organiser et lutter!

Participantes à la manifestation du 8 mars 2020 à Montréal

Un an de crise sanitaire et économique a engendré un important recul des conditions de vie des gens, en particulier des femmes. Le bilan 2020 montre de manière flagrante comment la gestion catastrophique de la pandémie par les gouvernements se fait sur le dos des travailleuses au bénéfice du patronat. 

L’Institut de la statistique du Québec soutient que 208 500 emplois ont été perdus au Québec en 2020. Il s’agit d’une baisse du taux d’emploi de 5% par rapport à 2019, la plus forte notée depuis 1976, soit depuis que les données sont disponibles. Environ 85% des emplois perdus l’ont été dans le secteur privé, en particulier dans les industries davantage occupées par des femmes (commerce de détail, restauration, hébergement, etc.) En conséquence, la baisse de la population active a été presque deux fois plus grande chez les femmes que chez les hommes.

Les chiffres sur les emplois perdus ne tiennent pas compte du nombre de femmes ayant quitté leur emploi par obligation. Elles s’occupent alors des enfants ou d’autres membres de leur famille en confinement. Elles sont des milliers à s’être repliées dans la sphère domestique, souvent car elles gagnent moins que leur conjoint. Et plusieurs risquent de ne pas retourner travailler.

Cette pression du marché renvoie ainsi les femmes et les hommes à leur rôle traditionnel de domestique et de pourvoyeur. Ce stress amène entre autres les conjoints à être encore plus violents avec leur partenaire.

Selon une étude réalisée par Statistique Canada pendant la pandémie, les tâches domestiques étaient plus susceptibles d’être accomplies par les femmes, en particulier l’école à la maison. Cette pression s’est accentuée avec la diminution nette de 837 garderies privées en milieu familial entre mars et novembre 2020 au Québec.

Ces femmes effectuent gratuitement un travail qui devrait être réalisé par des personnes formées et rémunérées décemment qui œuvrent dans des services publics adaptés et sécuritaires.

L’écart dans l’emploi s’agrandit

Selon les données actuelles, le niveau d’emploi des femmes s’est presque rétabli à son niveau prépandémique. Toutefois, l’écart avec celui des hommes s’est agrandit entre novembre 2019 et novembre 2020. Et la situation ne semble pas s’améliorer. Uniquement pour janvier 2021, Statistique Canada souligne que les pertes d’emploi chez les 25-54 ans sont deux fois plus importantes chez les Canadiennes que chez les Canadiens.

Si les chiffres sur l’emploi exposent l’incapacité du secteur privé à résoudre les inégalités hommes-femmes, les données sur la dégradation des conditions de travail le démontrent pour le secteur public. Déjà charcutés par des décennies d’austérité, les services publics  ̶  où les femmes sont majoritaires  ̶  ont été ébranlés par la pandémie. En plus d’avoir vu son salaire stagner, le personnel travaille dans des conditions constamment à la baisse.

La mauvaise gestion gouvernementale a surexposé les employé⋅es aux dangers de la COVID-19. Manque d’équipement de protection individuelle (EPI), mouvement de personnel et manque d’aération qui propage le virus, temps supplémentaire obligatoire (TSO) qui épuise, les exemples abondent.

Surexpositions et démissions

Près de 37 000 travailleurs et travailleuses de la santé ont contracté la COVID-19 depuis l’an dernier. Quatorze personnes en sont mortes. La majorité étaient des préposé·es aux bénéficiaires (PAB) à bas salaire. Pas surprenant que des 10 000 nouveaux PAB en CHSLD promis par le gouvernement Legault pour l’automne, près de 3 000 avaient démissionné au début septembre. Aucun plan n’a été dévoilé afin de trouver les 32 500 PAB supplémentaires dont le réseau public à besoin d’ici 5 ans.

Les conditions lamentables font en sorte qu’environ 10% des 76 000 membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) se trouvent en arrêt de travail. Il s’agit d’une hausse de 28% par rapport à 2019. La FIQ est composée à 90% de femmes. Plusieurs n’attendent pas d’être sur le carreau et démissionnent. Le réseau a connu une hausse des démissions d’infirmières de 43% entre mars et décembre 2020. Un grand nombre a préféré se tourner vers les agences privées qui offrent des conditions de travail et des salaires plus avantageux, sans toutefois offrir de couverture syndicale.

Foyers d’infection

La situation n’est pas plus reluisante en éducation, où les femmes représentent 75% du corps enseignant. Au Québec, plus de la moitié des écoles sont en mauvaise condition. Plusieurs n’ont aucun système de ventilation. Il y a plusieurs mois déjà, l’Organisation mondiale de la santé ainsi que l’INSPQ ont reconnu la propagation par aérosol de la COVID-19. Faut-il se surprendre si les écoles représentent maintenant 20% de tous les foyers d’éclosion, en 2e position derrière ceux des milieux de travail (54%)? 

Des variants du virus, plus résistants et faciles à transmettre, se répandent actuellement dans plusieurs écoles de la province­. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, parle d’une période de «calme avant la tempête».

Les défis de gestion des EPI, de la distanciation, du travail en ligne, etc. se sont ajoutés à la situation déjà précaire des enseignants et enseignantes. Le nombre d’élèves par classe augmente de manière régulière, tandis que le nombre de profs et d’inscriptions au baccalauréat en enseignement baisse. Selon la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), 80% de leurs membres croient maintenant que leurs collègues démontrent des signes de détresse psychologique. Dans ces conditions, les rentrées scolaires d’automne et d’hiver ont été des décisions gouvernementales irresponsables et dangereuses.

La CAQ nuit aux femmes

Cette crise se déroule alors que les travailleuses et travailleurs du secteur public sont en négociation depuis un an pour renouveler leur convention collective. Le gouvernement de François Legault, par le biais du Conseil du trésor, s’obstine à vouloir maintenir le personnel dans les conditions actuelles.

La mise à jour budgétaire de novembre 2020 a bien montré quelles sont les priorités de relance de la CAQ: 1,8 milliard $ sur trois ans dont 90% ira aux entreprises privées. «Créer de la richesse», c’est offrir la possibilité aux entreprises et aux investisseurs privés de dégager un maximum de profits. L’envahissement du privé dans les services publics, en particulier dans les soins à domicile et les résidences pour personnes âgées, a eu des conséquences catastrophiques ce printemps. Le premier ministre l’a reconnu lui-même du bout des lèvres en flirtant avec l’idée de «nationaliser» les CHSLD. Mais on ne peut pas s’attendre à un autre type de gestion de la part d’un gouvernement de banquiers.

Il faut en finir avec cette logique qui fait prévaloir les profits du privé sur notre santé et nos besoins! C’est cette logique qui a mené le Québec a avoir le pire taux de mortalité dû à la COVID-19 au Canada, avec près de la moitié de tous les décès du pays. Les annonces de faibles investissements promis par la CAQ dans les services publics n’y changeront rien.

Notons encore une fois que ces décisions nuisent davantage aux femmes. Ce sont elles qui travaillent et utilisent le plus le système de santé et les services sociaux.

S’organiser et combattre!

Cette année, la manifestation québécoise pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes porte le titre Femmes au front et en lutte ici comme ailleurs. Le groupe qui organise l’action, Femmes de Diverses Origines, fait le lien entre les luttes femmes, la crise du capitalisme mondial et celle de la COVID-19.

Malgré les risques sanitaires, les mobilisations massives pour les droits des femmes se sont poursuivis en 2020, notamment en Argentine et en Pologne. Les femmes ont également joué un rôle d’avant-plan lors des soulèvements en Thaïlande, en Biélorussie ou encore au Chili. Les revendications spécifiques aux femmes ont fusionné et nourri les revendications économiques et politiques plus larges qui visaient à se débarrasser des gouvernements à l’origine des inégalités puisqu’ils servent les intérêts des capitalistes.  

Être violentée, sous-payée, déconsidérée et surchargée de travail est inacceptable, même en pandémie. Ici aussi, les travailleuses sont sur la ligne de front. Ici aussi, elles peuvent prendre l’initiative d’une lutte massive contre la CAQ et ses amis du patronat. Après un an d’actions de visibilité, des mandats de grève commencent d’ailleurs à s’accumuler dans le domaine de l’éducation.

Pour ce 8 mars 2021, luttons ensemble pour l’indépendance financière des femmes. Luttons pour des conditions de travail et des salaires décents, dans le privé comme dans le public. Ça passe minimalement par une hausse immédiate du salaire minimum à un niveau décent et par l’obtention des revendications des employé⋅es du secteur public.

Pour garantir aux femmes une pleine participation à la vie sociale, luttons pour un investissement massif dans les services publics ainsi que pour leur extension. On parle notamment de garderies, d’écoles, d’infrastructures récréatives, sportives et culturelles ainsi que de cliniques accessibles et gratuites. 

Des services publics de refuges pour personnes battues, de soutien social et psychologique et surtout de logement abordable sont essentiels pour lutter contre les situations de violence vécues par les femmes.

Pour avoir les moyens financiers d’un tel programme, il est nécessaire de se débarrasser de l’élite qui dirige la société et de prendre le contrôle des principaux leviers économiques. Il sera alors possible de nationaliser les secteurs clés, comme les banques et la finance, afin de planifier la production de manière démocratique dans l’intérêt de la classe ouvrière dans toute sa diversité.

C’est de cette façon que nous pourrons élaborer une stratégie de vaccination rapide et universelle: en plaçant toutes les entreprises pharmaceutiques et médicales dans les mains du public. Sous le contrôle des travailleurs et travailleuses, nous aurons l’assurance que l’activité de ce secteur repose sur les besoins de la vaste majorité de la population.

Ensemble, nous pouvons bâtir un mouvement international de féministes socialistes! Contactez-nous pour continuer la lutte ensemble!


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