Manifestation CSN pour une réforme de la LSST (photo : CSN)
Le ministre caquiste du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a déposé le projet de loi 59 en octobre dernier pour réformer le régime de santé et sécurité du travail. Si cette réforme tant attendue semble intéressante à première vue, une analyse plus poussée nous fait vite changer d’avis.
La classe ouvrière attend depuis des années une réforme de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). En théorie, la nouvelle loi vise à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs. En réalité, ce projet de loi mammouth (193 articles sur 120 pages) privilégie les économies réalisées par les employeurs sur le dos de la classe ouvrière.
Avant la mise en place du régime d’indemnisation en 1979, les travailleuses et travailleurs du Québec étaient très mal protégé·es lorsqu’un accident survenait sur les lieux de travail. Même Boulet le reconnaît. Le Québec était un précurseur lorsque la LSST est entrée en vigueur. Toutefois, depuis que la LATMP a été adoptée en 1985, il n’y a eu aucune évolution dans les protections accordées aux travailleuses et travailleurs.
Pire, on remarque que la très grande majorité des personnes non-couvertes par le régime de prévention sont des femmes (commerce, services sociaux, enseignement, etc). La succession de gouvernements néolibéraux et austéritaires des dernières années n’a rien fait pour améliorer la situation.
Une réforme attendue
Le mouvement ouvrier, autant les syndicats que les groupes communautaires qui défendent les non-syndiqué·es, attendait depuis longtemps cette réforme. Plusieurs revendications avaient déjà été mises de l’avant. La réforme était attendue au printemps 2020, mais la pandémie a retardé son dépôt.
Les lois sur la santé et la sécurité sont divisées en deux volets principaux: la prévention (LSST) et la réparation (LATMP). La partie prévention précise qu’elles sont les mesures que les employeurs doivent mettre en place pour éviter des accidents. Le volet réparation prévoit les mécanismes d’indemnisation lorsque le pire survient.
Une prévention très limitée
La loi de 1979 prévoyait la mise en place de groupes prioritaires et de mesures de préventions qui seraient graduellement appliquées dans les différents groupes. Ce processus a été interrompu. Au final, c’est principalement l’industrie lourde qui bénéficie de ces mesures. Pourtant, les données démontrent que des mécanismes de prévention qui favorisent la participation des travailleuses et travailleurs sont particulièrement efficaces.
La réforme actuelle prévoit que tous les milieux de travail seront couverts par les 4 mécanismes de prévention existants. Or, elle limite le temps accordé pour faire les inspections et les interventions nécessaires à la mise en place d’une politique de prévention vraiment efficace. Les groupes prioritaires 1 et 2 verront leurs heures diminuer alors que le peu de temps accordé aux autres groupes sera tellement limité que les résultats risquent d’être largement insuffisants.
La santé mentale escamotée
Alors que l’Organisation internationale du travail reconnaît que différents troubles mentaux ou comportementaux peuvent être causés par le travail, PL59 n’ajoute que le choc post-traumatique dans la liste des maladies reconnues. Alors que même le gouvernement du Québec reconnaît sur son site que différentes maladies peuvent être aggravées ou causées par des facteurs de risques inhérents au travail, le projet de loi ne fait même pas un pas dans cette direction. C’est particulièrement inquiétant alors qu’on observe une hausse de la détresse psychologique dans la population, situation aggravée par la pandémie, en particulier chez le personnel de la santé.
Un projet de loi qui n’aide pas les travailleuses
Bien que le gouvernement laisse sous-entendre que ce projet de loi favorise les femmes, rien n’est plus faux. Oui, l’employeur serait tenu de mettre en place certaines mesures pour protéger les victimes de violence conjugale, mais, comme tout ce qui touche au harcèlement, il ne s’agit que d’une obligation de moyens, pas de résultats.
De plus, ces obligations sont limitées au cadre d’application de la LSST. La ministre Charest dit que les employeurs seront formés pour reconnaître les signes de harcèlement. Parmi les moyens mis en place, on préconise le changement de l’adresse courriel ou du numéro de téléphone pour éviter le harcèlement. Il s’agit bien évidemment de mesures purement cosmétiques qui ne contribuent que très peu à l’amélioration de la situation.
Une des mesures phares de la LSST actuelle, c’est le programme « pour une maternité sans danger ». Elle permet à la travailleuse enceinte ou qui allaite de bénéficier d’un retrait préventif si son travail ou son lieu de travail présente des risques pour elle ou pour son enfant. La réforme prévoit la mise en place d’un protocole qui précisera les raisons permettant à une travailleuse de bénéficier de ce programme. Ce genre de mesures ne tient absolument pas compte de l’évolution du travail ou des changements qui peuvent survenir avec les avancées technologiques.
Une indemnisation plus difficile
Les modifications apportées au régime d’indemnisation ne peuvent être qualifiées que d’anti-ouvrières. Le projet de loi permet d’exclure de façon très explicite certaines maladies (pour le moment, certaines atteintes auditives seulement). Cela signifie que les gens ayant contracté ces maladies au travail ne pourront bénéficier de la présomption et devront prouver que la maladie a bien été contractée au travail. Le processus de contestation d’une décision sera modifié de manière à ce que si la commission prend trop de temps pour émettre sa révision, le bureau d’évaluation médicale (BEM) pourra ignorer l’avis du médecin traitant et imposer celui du médecin de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNÉSST).
Ce dont nous avons besoin
Nous n’avons fait qu’un survol des modifications à la loi. Les quelques éléments positifs de cette réforme sont irrémédiablement entachés par les graves lacunes générées par la volonté du ministre de faire épargner de l’argent aux employeurs. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une réforme faite par et pour la classe ouvrière.
Qui de mieux placé que nous pour savoir quels sont les dangers qui nous menacent lorsque nous allons gagner notre vie? Il faut que les employeurs soient tenus entièrement responsables des conditions de travail et des risques qu’ils nous font courir.
En matière de santé-sécurité au travail, les intérêts des employeurs (protéger leurs profits) et ceux des employé·es (rester en santé) sont tellement contradictoires que les décisions prises par les comités paritaires (50% employeurs, 50% travailleurs·euses) sont toujours désavantageuses pour nous. Il faut mettre fin à ce système injuste! Luttons pour imposer des ratios où les représentants et représentantes du monde du travail seront majoritaires! Tous les syndicats présents dans un milieu de travail doivent avoir leur place sur les comités. Le nombre de représentants patronaux doit être réduit. Les décisions prises par ces comités doivent être exécutoires et si elles ne sont pas respectées, les pénalités devront être significatives pour les employeurs.
De plus, pour assurer une vraie représentativité des travailleuses et travailleurs non-syndiqué·es, une place doit être réservée pour au moins une personne provenant d’une organisation qui défend les droits des non-syndiqué·es au conseil d’administration de la CNÉSST. Pour nous protéger vraiment, il faut mettre fin au système de paritarisme de la CNÉSST immédiatement!
Notre santé et notre sécurité avant leurs profits!