Violences faites aux femmes : Passer des commémorations aux moyens d’agir

Du 25 novembre au 6 décembre, journée de commémoration du féminicide à la Polytechnique de Montréal, s’étalent 12 journées de sensibilisation contre les violences faites aux femmes. À ces commémorations doivent s’ajouter des revendications politiques et économiques claires pour qu’un réel changement s’opère dans nos milieux de travail, à notre domicile et dans la rue.

Soutenue par l’Organisation des Nations unies (ONU), la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes est soulignée le 25 novembre partout dans le monde. Au Québec, il s’agit de 12 journées d’actions et de sensibilisation, jusqu’au 6 décembre, journée de commémoration du féminicide à la Polytechnique de Montréal. 

Cette année, la journée du 25 novembre s’inscrit dans un contexte bien particulier. Adresser la réalité des violences faites aux femmes n’est pas un luxe ou un sujet superflu. Au contraire. Il s’est passé à peine deux mois depuis le décès tragique de Joyce Echaquan, qui a levé le voile sur le manque de soins adaptés aux réalités autochtones et au racisme qui en découle. En pleine ronde de négociations avec les syndicats du secteur public, le gouvernement Legault gère une pandémie qui exerce une pression énorme sur le personnel de la santé, majoritairement composé de femmes. Les actes violents s’accumulent, en particulier dans les établissements de soins psychiatriques. Le confinement a aussi entraîné une hausse marquée de la violence conjugale envers les femmes.

Les femmes sont surreprésentées dan­s les emplois précaires (ex. salaires minimum, contrats de courtes durées et milieux non syndiqués) qui ont pourtant été déclarés essentiels en pandémie. Elles sont également majoritaires dans les secteurs de la santé et de l’éducation: les secteurs les plus touchés par la COVID-19. Par conséquent, lutter pour des gains considérables en matière de salaires et de conditions de travail n’est pas anodin. D’autant plus qu’avec une base économique plus solide, bon nombre de femmes seraient en mesure de quitter un milieu familial violent.

Pandémie et violence domestique

Les violences faites aux femmes peuvent prendre des formes psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques. Cela s’exprime concrètement par des données qui font frissonner. Dans le monde, une femme sur trois a subi au moins une fois des violences physiques ou sexuelles. Au Canada, une femme est tuée tous les six jours par un ex ou son partenaire. Au Québec en 2015, 19 406 infractions contre la personne ont été commises dans un contexte de violence conjugale. Ces infractions représentent un tiers de tous les crimes envers la personne commis au Québec.

Bien que les violences faites aux femmes étaient dramatiques avant la COVID-19, la pandémie a levé le voile sur cette réalité. Elle y a aussi ajouté son lot d’incertitudes. Les situations précaires mènent à d’autres formes de violences. Au printemps 2020, alors que nous étions dans le cœur du confinement, SOS violence conjugale a noté une augmentation de 20% des appels, comparativement à la même période en 2019. Le confinement a placé ces femmes dans un cycle de violence de plus en plus fréquent et de plus en plus intense. 

Bien que le nombre de femmes se tournant vers les refuges d’hébergement n’ait pas augmenté de façon significative, la situation n’est pas plus stable. La directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement, Manon Monastesse, a partagé que les femmes qui se présentent en refuge sont souvent accompagnées de policiers et ont subi des violences plus sévères qu’avant la pandémie.

Au niveau canadien, la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, Maryam Monsef, reconnaît que la hausse de la violence conjugale pendant la pandémie serait la même que dans d’autres pays comme l’Italie et la France, soit entre 20% et 30%. Avec ce constat, la ministre s’adresse à « tous ceux qui sont sous pression, qui sont sur le point de perdre patience, de flancher ». Elle les invite à y penser « à deux fois avant de faire quelque chose que vous pourriez regretter. Appelez une ligne d’aide, il y en a. Ça prend beaucoup de courage pour demander de l’aide ».

En plus de remettre le poids sur les épaules des individus, la ministre Monsef ne semble pas au courant que les lignes d’écoute n’arrivent pas à répondre à la demande. Il en va de même pour les lignes d’écoute avec des services d’aide psychologique plus générale. Vu l’importance de ces services, les lignes d’écoute devraient être prises en charge par le système public, relayant ainsi directement les cas les plus urgents aux spécialistes du réseau. Cela permettrait une prise en charge au niveau de la santé publique, plutôt qu’une assistance privée reléguée au rang des plasters de fond de tiroirs par une ministre qui ne veut pas sortir le réel attirail!

Contre les violences domestiques, du logement public

L’enjeu du manque de services d’écoute est similaire à celui des refuges pour femmes violentées. Ils ne suffisent pas à la demande grandissante. Ces refuges doivent être financés et gérés par le public afin d’assurer la sécurité des femmes et des enfants qui s’y retrouvent. Le personnel professionnel doit avoir les moyens d’accompagner et d’outiller les femmes pour qu’elles se construisent une vie sans violence. Ce n’est pas simple. Cette situation pose la question du logement sécuritaire!

Les refuges ne sont pas des milieux de vie à long terme. Mais où se loger en pleine crise du logement? La construction de logements publics, écoénergétiques et à loyer modique est essentielle pour régler cette situation! Non seulement ce type de logement serait un obstacle en moins pour les femmes souhaitant quitter une situation de violence conjugale, mais il serait bénéfique également à l’ensemble des travailleuses, des travailleurs et de leur familles.

Selon une étude réalisée par l’IRIS l’an dernier, les familles doivent consacrer près du quart de leur revenu réel moyen pour louer un logement comprenant trois chambres et plus. Ça, c’est dans la mesure où elles réussissent à en trouver un! Pourtant, les ressources sont là: les immeubles non utilisés ou mal utilisés, les terrains, la main-d’œuvre, l’expertise, etc. 

Et les compagnies privées de construction de condominiums dispendieux s’en donnent à cœur joie! Sur l’île de Montréal, 17% des chantiers de construction sont de catégorie résidentielle. La Commission de la construction du Québec a confirmé que 49 500 unités de logements devaient être mises en chantier en 2019 et 47 500 en 2020. Organisons-nous pour que ces ressources et le secteur de la construction servent l’intérêt de la majorité de la population, pas d’une minorité de riches! Nationalisons le secteur de la construction résidentielle!

Contre les violences économiques, un travail décent

La précarité économique nous rend plus vulnérable aux autres formes de violences. Avoir accès à un logement abordable n’est toutefois pas suffisant pour s’en sortir. Il faut lutter pour des emplois de qualité, pour de bons salaires. Lutter pour notre indépendance économique afin d’avoir un réel choix et une réelle emprise sur nos vies.

Les salaires des femmes canadiennes sont encore de 13.3% inférieurs aux salaires des hommes. Pourquoi? Parce que les femmes sont plus nombreuses à occuper des emplois précaires et à temps partiel. Elles forment la majorité des « anges gardiens » sur la ligne de front des épiceries, des résidences pour personnes âgées, des hôpitaux, etc. 

Avec la pandémie, elles ont aussi été les premières à perdre leur emploi. Seulement en mars, deux fois plus de femmes que d’hommes ont perdu leur emploi au Québec. La pandémie de la COVID-19 a accentué les inégalités auxquelles les femmes sont confrontées, dont une grande partie découle de leurs obligations familiales. Leur participation au marché du travail est à son plus bas niveau depuis 30 ans.

Lutter pour une hausse du salaire minimum de 15$/h indexé automatiquement au coût de la vie est un minimum. Une hausse sérieuse des salaires et des conditions de travail des employé·es du secteur public – personnes les plus touchées par la COVID-19 – est essentielle pour améliorer la qualité de vie de centaines de milliers de femmes.

Pour des droits reproductifs: prendre le contrôle de nos corps!

En plus d’une indépendance économique, un accès libre et gratuit à l’avortement est un élément essentiel pour que les femmes aient une réelle emprise sur leur vie et leur corps. Interdire ou limiter l’accès à l’avortement constitue une violence physique, psychologique et économique aux femmes et aux familles de la classe ouvrière.

L’avortement est un acte légal et décriminalisé au Canada, mais n’est toujours pas reconnu comme un droit fondamental par l’État. L’arrivée d’un gouvernement conservateur à la Chambre des communes pourrait faire basculer la situation très rapidement. Malgré les luttes massives des femmes et des hommes de la classe ouvrière durant les années 1970 et 80 pour légaliser l’avortement et le rendre accessible, nous devons nous préparer à nous battre pour défendre son statut actuel et gagner ce droit une bonne fois pour toutes. 

Être pro-choix ne se limite pas à lutter pour le droit à l’avortement. C’est aussi y ajouter les notions de gratuité, d’accessibilité et d’intervention sécuritaire, avec les suivis physiques et psychologiques qui répondent aux besoins des femmes. Les moyens de contraception doivent également être gratuits, accessibles et sécuritaires. Une éducation sexuelle qui aborde la notion de consentement, de genres et d’orientation sexuelle est nécessaire pour développer de saines habitudes.

Prendre le contrôle de nos corps et de nos vies, c’est aussi avoir la possibilité de faire des enfants sans s’appauvrir. C’est le droit de choisir si on en veut et quand on en veut. Cette lutte ne peut pas être seulement celle des femmes. Elle concerne l’ensemble de notre classe, l’ensemble de nos familles et des personnes avec lesquelles évoluent nos enfants.

Investir massivement dans le secteur public!

Lutter contre les violences faites aux femmes, c’est inévitablement lutter pour un investissement massif dans le secteur public.

Le réseau de la santé est crucial pour l’amélioration de nos conditions de vie. Des ressources concrètes telles les lignes d’écoute, les refuges, le personnel professionnel en santé et en intervention, les services d’aide aux victimes d’agressions ou de viols, les installations d’avortements sécuritaires, etc. doivent être gratuites et accessibles à tout le monde!

Construisons une société à la hauteur de nos besoins!

L’élimination des violences faites à l’égard des femmes nécessite d’aller au-delà des journées de commémoration. La lutte est nécessaire à longueur d’année, sur plusieurs fronts et par l’ensemble de la classe ouvrière. On ne peut pas se contenter des réformes superficielles des gouvernements actuels qui en ajoutent sur les épaules des individus.

C’est tout un système politique et économique qui est coupable de ces violences. Les mobilisations actuelles dans l’État d’Israël, en Belgique ou en Pologne sont toutes en lien avec la nécessité de changer le système. C’est nécessaire pour s’assurer – enfin! – de répondre aux besoins matériels et sociaux de la majorité de la population!

Lutter pour les droits des femmes, c’est lutter pour le droit de vivre et d’être logé·e en sécurité. C’est le droit de faire le métier qu’on a envie de faire, avec un salaire décent. C’est lutter pour une réelle autonomie financière et pour le respect dans nos milieux de travail, de vie et d’implication. C’est lutter pour des services publics qui répondent aux besoins des gens qui les utilisent et des personnes qui y travaillent!

Pour en savoir plus sur les revendications mises de l’avant par Alternative socialiste, signez notre pétition pour taxer les riches afin de financer les services publics, consultez l’onglet Femmes et LGBTQIA+ et rendez-vous sur le site de la campagne ROSA de notre organisation internationale.


Violences faites aux femmes: c’est tout le système qui est coupable!
Samedi 5 décembre 2020 de 15h
Lien Zoom : https://us02web.zoom.us/j/83107252442

Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (25 novembre) et à la veille de la Journée de commémoration du féminicide de Polytechnique (6 décembre), Alternative socialiste organise une rencontre publique virtuelle pour aborder le sujet et discuter des perspectives de luttes à venir.

Les violences faites aux femmes ont de multiples facettes: violences conjugales, harcèlement et agression physique et sexuelle, violences psychologiques et violences économiques. Ce n’est pas une mince affaire et s’organiser pour y faire face est plus que nécessaire!


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