Accès aux services en santé mentale: au-delà des plasters de la CAQ

Le gouvernement Legault a annoncé l’ajout de 100 millions $ pour des services en santé mentale en réponse à la tuerie de Québec qui a fait deux morts et cinq blessé·es le soir de l’Halloween. Si cet argent constitue un gain en soi, il est largement insuffisant pour régler les problèmes d’accès aux services fragilisés par des décennies d’austérité.

Cette annonce d’investissement se produit dans un contexte où le réseau public de santé et de services sociaux a désespérément besoin de financement. Plusieurs en concluront que le gouvernement veut réellement s’attaquer à ce problème. Regarder l’historique des actions gouvernementales sur le sujet et comprendre leurs contradictions nous oblige toutefois à aboutir à une conclusion différente.

L’investissement de 100 millions $ survient au moment même où des centaines de travailleurs et de travailleuses de la santé, en particulier les infirmières, quittent leur emploi pour cause de burn-out. La réponse du gouvernement Legault? Une « main tendue » pour répondre à la surcharge de travail et au temps supplémentaire obligatoire (TSO). Cette méthode de gestion du temps désastreuse – proche de la séquestration – affaiblit le personnel et le réseau depuis des années. Bref, le gouvernement ne propose rien de concret. En revanche, les augmentations de salaire des infirmières n’iront pas plus haut que l’inflation. Et les primes COVID-19 se termineront lorsque Legault le décidera, en plus de ne pas être calculées dans les fonds de retraite.

Même problème du côté des psychologues du secteur public. Les conditions salariales poussent 75% des nouveaux doctorants et doctorantes en psychologie à travailler dans le secteur privé. Cette situation engendre actuellement une pénurie de psychologues dans le secteur public.

Continuer sur la voie de l’austérité

Il est utile de se souvenir des réformes du gouvernement du Parti libéral (PLQ) de Philippe Couillard en 2016. Des demandes de coupes de 242 millions $ ont été imposées aux établissements de santé. Des centaines de gestionnaires ont été mis à la porte suite aux fusions de 182 établissements en 34. La tâche de travail n’a pas diminué, elle s’est plutôt alourdie. Le gouvernement a aussi éliminé 140 conseils d’administration où étaient actives environ 6 000 personnes. Ces « réformes » du système de santé font suite au virage ambulatoire des années 1990 sous le Parti québécois (PQ). À l’été 1997, 18 884 employé⋅es du secteur de la santé, dont 4 000 infirmières, ont quitté leur emploi suite à un programme de mise à la retraite massive. À travers toutes ces réformes – et bien d’autres – s’est dessinée une trajectoire précise pour les services en santé mentale: l’austérité budgétaire.

Mais en diminuant l’accessibilité aux services et aux soins, les coupes censées faire économiser de l’argent ont engendré de nouveaux problèmes qui nécessitent… davantage d’argent! Les investissements en prévention viennent habituellement régler des situations avant qu’elles ne dégénèrent. Par exemple, mieux vaut investir afin d’offrir l’accès à des services de soutien psychologique ou à des infrastructures de sport et de loisirs (ex. parcs, espaces verts,  gyms) qu’attendre que les gens « pètent une coche » et ramasser les pots cassés. Les coupes dans les services publics engendrent des conditions de vie toujours plus difficiles pour la majorité de la population. Cette situation produit plus de besoins de suivi psychiatrique à long terme, de multiples hospitalisations, un niveau d’habitudes de vie malsaines plus élevé, davantage de crimes violents, etc.

La couverture médiatique

Ces considérations ne sont pratiquement pas relayées par les médias de masse. Dans un contexte de compétition et de rentabilité maximale, les médias tentent d’intéresser le plus grand nombre de personnes possible. Par conséquent, ils tentent d’évacuer de leur discours les antagonismes entre les différentes visions politiques d’un même problème. En reconduisant l’approche des derniers gouvernements comme étant un phénomène naturel, intemporel et unanimement partagé, les médias favorisent un support passif au statu quo que représente l’austérité budgétaire. Mais les choses pourraient être gérées différemment.

Les médias couvrent des « faits objectifs ». Un homme tue et blesse des gens à Québec. Pourquoi cette personne a-t-elle fait ça? Pourquoi le gouvernement doit-il investir 100 millions $ supplémentaires? Est-ce que ce montant est suffisant? Qui a coupé les fonds de notre système de santé et pourquoi?

La plupart de ces questions, essentielles pour comprendre le contexte de la tuerie, sont évacuées des « faits objectifs » rapportés. L’acte meurtrier est mis de l’avant comme unique et sans connexion à d’autres phénomènes de notre société. Est-ce que cette violence est de même nature que celle subie, par exemple, par les femmes victimes de violence domestique depuis le début du confinement? Est-ce que des investissements seront aussi réalisés dans des secteurs visant à prévenir et éviter ce type de violence? On ne le sait pas.

Les événements sont traités en silos. Ce discours représente les événements comme des exemples de problèmes ponctuels d’une société qui fonctionne généralement bien. Bref, si la violence sociale est un problème systémique, il est très difficile d’en prendre conscience à travers la couverture qu’en font les médias.

Les vraies priorités des partis politiques

Les partis politiques pro-patronaux, comme le PLQ, le PQ ou la CAQ, misent tous sur la performance des grandes industries privées pour dynamiser l’économie québécoise. Les gouvernements formés par ces partis sont prêts à tout pour attirer l’investissement des grandes compagnies, notamment pour qu’elles emploient notre population. Ces gouvernements s’engagent dans une compétition vers le bas contre d’autres gouvernements. L’offre la plus intéressante sera celle qui présentera le moins d’entraves au profit. Celle avec le moins de taxes, d’impôts, de restrictions environnementales, avec les salaires les moins élevés et sans engagement pour les départements non rentables comme celui de la prévention.

Les accords capitalistes internationaux vont tellement loin dans cette logique que la nationalisation d’un secteur industriel comme celui de la production de matériel médical et pharmaceutique risquerait à l’État du Québec un procès international pour « concurrence déloyale » envers les multinationales étrangères. Drôle de manière de répondre aux besoins de santé des populations. Ça fonctionne, mais pour une infime élite qui ne fait que rétrécir.

Pour financer le système à la hauteur des besoins des travailleurs et des travailleuses, il faut regarder où se trouve l’argent. Il faut réfléchir à comment aller chercher cet argent et quelle stratégie prioriser pour y arriver. Il s’agit de penser une société au service des travailleurs et des travailleuses, pas des capitalistes aux commandes des compagnies privées et de leurs amis en politique.

S’unir pour défendre notre santé mentale

En attendant des investissements supplémentaires en santé mentale, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux du Québec, Lionel Carmant, n’a rien de mieux à faire qu’encourager les personnes en détresse à utiliser le guide d’auto-soins du gouvernement, Aller mieux à ma façon. La pandémie de la COVID-19 donne pourtant lieu à une épidémie de détresse psychologique sans précédent dans l’histoire.

Le nombre de réclamations pour des antidépresseurs auprès d’assureurs privés a augmenté de 20% au Québec depuis le début de la pandémie. L’Ordre des psychologues du Québec constate que chez 86 % des psychologues consultés, une hausse de la détresse psychologique est observée chez les gens. Près de 70 % des psychologues répondants ont noté des retours d’anciens et d’anciennes patientes dont l’état s’est fragilisé en raison de la pandémie.

Plus du tiers des adolescents et des adolescentes du Québec sont maintenant en détresse psychologique. À Montréal, ce chiffre monte à près de 50% pour les 18 à 24 ans.

Ni le gouvernement de François Legault, ni aucun autre gouvernement sympathique au secteur privé en santé, ne sera en mesure d’administrer l’économie dans l’intérêt de la santé mentale des gens. En ce moment, les travailleurs et les travailleuses de la santé sont en colère. Ces personnes mènent une lutte qui connecte l’amélioration de leurs conditions de travail, les choix politiques d’investissements en santé et l’état de santé général de la population.

Voilà un axe sur lequel les employé⋅es du secteur public, leurs syndicats, les associations étudiantes, les militants et militantes de Québec solidaire et la population en général peuvent s’unir pour mieux combattre le gouvernement Legault. Plus souvent qu’autrement, la détresse psychologique et les comportements violents découlent d’un contexte qui leur a permis de se développer. Attaquons-nous à la racine du problème! Offrons à tous et à toutes des services de santé accessibles, gratuits et adaptés à nos réalités!

Alternative socialiste mobilise ses membres pour aider les luttes là où elles se déroulent. Si vous avez besoin d’aide pour mobiliser et politiser votre lieu de travail, contactez-nous. Pour construire une force socialiste en mesure de connecter entre elles les différentes luttes de notre classe sociale, rejoignez notre organisation! C’est à travers la formation d’un rapport de force unissant tous les travailleurs, les travailleuses et la jeunesse dans leur diversité que nous pourrons changer la société!


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