Camps VS condos de luxe : nous avons besoin de solutions durables!

Immeubles en construction le long du canal Lachine dans Pointe-Saint-Charles

Durant la dernière année, des personnes itinérantes ont dressé des campements de fortune dans plusieurs quartiers de Montréal. Ces campements sont un symptôme du manque chronique de logements abordables, alors même que poussent des dizaines de tours à condos de luxe partout sur l’île.

La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer le fossé qui se creusait déjà entre les personnes qui spéculent dans l’immobilier et celles qui ne peuvent plus payer leur loyer. Selon TVA Nouvelles, le nombre de personnes itinérantes à Montréal a doublé avec la pandémie, passant de 3 000 à 6 000.

Record de construction depuis 30 ans

Pourtant, l’année 2019 a été une année record pour la construction du logement locatif au Québec. À Montréal, la construction d’environ 13 000 unités a été entamée, soit 52% de toutes les mises en chantier sur le marché résidentiel de la région métropolitaine. La construction résidentielle y a même connu une hausse de 48% au début de l’année 2020.

Puis, la pandémie n’a même pas freiné le marché de l’immobilier. Avec les mines, le secteur de la construction a été stoppé le dernier et déconfiné le premier. Les ventes ont toutefois baissé à Montréal, ce qui n’a pas empêché les prix d’augmenter.

Record de campements de fortune

Or, la plupart des nouvelles unités construites ou en construction sont des condos de luxe hors de prix pour les travailleurs et les travailleuses ordinaires. Le long du Canal Lachine, où l’on peut apercevoir une quinzaine de grues à l’œuvre, des campements de fortune sont apparus aux pieds mêmes des tours en construction.

Le campement le plus médiatisé est toutefois le « camping Notre-Dame », dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, comprenant une soixantaine de tentes. Certaines personnes se sont retrouvées à la rue suite à des difficultés de payer leur loyer. D’autres ont été évincées d’un immeuble insalubre. Parfois, c’est carrément le manque de place dans les refuges qui les ont poussées vers cette solution. Malgré l’ouverture de nouveaux refuges, il y aurait maintenant moins de places qu’il y en avait au printemps dernier.

Les refuges ne sont pas une solution viable

Les restrictions imposées aux gens qui ont besoin d’aller dans les refuges sont nombreuses. Les animaux sont interdits, les horaires sont stricts, les gens n’ont pas ou peu d’intimité. De plus, le nombre de places pour les femmes est très limité. Déjà, en 2018, un cri d’alarme était lancé pour subventionner des refuges pour femmes. Et ce, sans compter les nouvelles règles essentielles pour respecter les mesures sanitaires.

Les refuges sont largement subventionnés par les dons des grands donateurs. Ces derniers sont souvent haut placés dans des entreprises qui, par le biais de la philanthropie, pratiquent allègrement l’évasion fiscale. Ces philanthropes, pour se donner bonne conscience, font des dons (qui nous semblent pharaoniques) aux organismes communautaires qui aident les « bons pauvres ». En évitant de payer leurs taxes et leurs impôts, les philanthropes privent la société québécoise de revenus essentiels pour subventionner ce qui serait réellement nécessaire : des logements abordables publics.

Des besoins urgents en logement abordable

Le droit au logement fait partie des droits fondamentaux, tout comme le droit à l’intégrité physique, à la sécurité alimentaire ou à l’éducation. Alors que le coût des loyers monte en flèche au Québec, sans que les salaires suivent, de plus en plus de personnes se retrouvent dans une situation de logement précaire.

En 2018, 25 000 familles attendaient leur tour pour obtenir un logement abordable rien qu’à Montréal. Le parti de la mairesse Valérie Plante, Projet Montréal (PM), a pour sa part promis la création de 12 000 logements communautaires (construits ou rénovés) lors des élections municipales de 2017, soit la moitié moins.

Projet Montréal ne livre pas la marchandise

Or, la vérificatrice générale de la Ville de Montréal a constaté qu’aucun logement social ou abordable du programme AccèsLogis Montréal n’était habité ou en construction lors de l’automne dernier. Depuis, le FRAPRU1 a constaté que seulement 783 logements sociaux ont été livrés à Montréal entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2020. En outre, l’association mentionne que « 12 immeubles HLM, représentant près de 300 logements, sont vacants faute de financement nécessaire pour les remettre en état ».

L’administration municipale vient toutefois d’utiliser en septembre – pour la première fois du mandat de PM – son droit péremptoire2 pour acheter la Plaza Hutchison. Une fois rénovée, elle permettrait d’offrir une quarantaine de logements. Néanmoins, la création et la pérennité de tous ces logements sociaux dépendent du financement provenant des gouvernements fédéral et provincial.

C’est d’ailleurs cet argument que PM mobilise pour légitimer son piètre bilan en termes de logement social. Les promesses électorales de Valérie Plante reposent presque entièrement sur les investissements de Québec et d’Ottawa. Voilà que le gouvernement fédéral vient tout juste d’annoncer une entente de principe avec Québec sur le logement. Elle vise le transfert de 1,8 G$ sur 10 ans pour le logement social.

Les élu·es de PM sont peut-être soulagé·es, mais les faits demeurent. Depuis maintenant 10 ans, PM érige l’embourgeoisement des quartiers comme projet de société.

Du logement abordable public, maintenant!

Montréal connaît sa pire crise du logement depuis 30 ans. PM a sa part de responsabilité là-dedans. C’est sous l’administration de Luc Ferrandez que le Plateau Mont-Royal s’est transformé en gigantesque Airbnb. C’est sous l’administration de Benoit Dorais que les milliers d’unités de condos de luxe ont été construits dans le Sud-Ouest. C’est sous l’administration Plante que la course à « la tour la plus haute » du centre-ville a été inaugurée.

Nous avons immédiatement besoin d’un minimum de 22 500 unités de logements abordables pour répondre à la pénurie actuelle. La ville de Montréal ne sortira pas de cette crise en faisant les yeux doux aux spéculateurs immobiliers, en demandant que les promoteurs construisent du logement abordable ou en implorant l’argent des autres paliers de gouvernements. Une administration municipale au service du monde ordinaire s’attaquera justement aux puissantes forces de l’immobilier et de la construction.

Il est clair que le marché privé ne répond pas aux besoins des ménages locataires et de ceux qui veulent accéder à la propriété. Il faut donc voir au-delà des programmes qui visent à compenser les propriétaires privés avec l’argent de l’État pour qu’ils acceptent de loger des locataires sous le prix du marché. L’aspect « abordable » d’un logement ne doit pas être fixé en fonction du marché, mais bien selon les revenus des gens.

Une propriété et une gestion publiques

Une administration responsable mettra sur pied sa propre réserve de terrains et construira son propre parc immobilier, à ses propres conditions. Un tel programme passe par l’expropriation des propriétaires qui laissent leur immeuble vacant, à l’abandon ou qui sont coupables de comportements véreux. Les condos de luxe vides, qui ne servent qu’à la spéculation, doivent être saisis pour y loger des familles.

Pour qu’un tel projet se réalise, il faudra la mise sur pied d’un vaste programme de construction et de rénovation de logements 100% publics et écoénergétiques. L’ampleur gigantesque de cette tâche souligne la nécessité de nationaliser le secteur de la construction afin d’enrayer la corruption, la collusion, les mauvaises conditions de travail et les pratiques polluantes.

Se réapproprier nos villes et notre environnement

Ce n’est pas quelques élu·es progressistes qui pourront remporter un tel combat, même à la tête de la ville. Pour y arriver, il faudra un mouvement de masse dans lequel les organisations et les syndicats militants auront un rôle central à jouer. Il faudra un combat acharné, dans les quartiers et dans les conseils municipaux, pour se réapproprier le contrôle de nos villes et de notre environnement.

Le logement est un droit fondamental et non négociable. Il est tout à fait inadmissible qu’en 2020 certaines personnes se retrouvent à la rue, alors qu’il y a des logements vides dans des tours à condos de luxe. Joignez-vous à Alternative socialiste pour mener cette lutte avec nous!


1 Front d’action populaire en réaménagement urbain
2 Permet à la ville d’acquérir un immeuble mis en vente en se substituant à un autre acheteur, aux mêmes conditions


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