Mario Dumont (Photo : Daniel Daignault)
Les populistes et les nationalistes de droite se sont passé le mot pour se porter à la défense de la direction de Québec solidaire, critiquée lors de son dernier Conseil national. Pour tout ce beau monde, la politique doit se faire comme elle s’est toujours faite: entre parlementaires, en suivant le chef et en toute loyauté envers le gouvernement en place.
Il est plutôt ironique de lire et d’entendre les Dumont, Dutrizac, Grégoire et Lisée de ce monde se porter au secours des leaders de Québec solidaire. Ils ont habituellement la gachette facile pour descendre ce parti trop «radical». Or, on se comprend entre gardiens de la parole médiatique.
Comment de simples membres peuvent avoir l’outrecuidance de critiquer leurs chefs, d’autant plus en temps «d’urgence nationale»!? Sous cette indignation de façade se cache la défense de la realpolitik des puissants. Ces personnes savent très bien que pour se maintenir en place le plus longtemps possible, une direction politique doit se reposer sur la passivité de ses membres. D’où la nécessité de faire taire les critiques internes.
L’appui de ces populistes et nationalistes de droite devrait gêner tout le parti.
Malheureusement pour certains d’entre eux, ce sont encore les mêmes critiques qui se font entendre, celles des membres d’Alternative socialiste. Les mêmes qui ont participé à faire dérailler à plusieurs reprises les tentatives de certains à établir des ententes électorales avec le Parti québécois (PQ).
La complaisance de QS
Dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, l’aile parlementaire et la direction de Québec solidaire ont tu sa propre critique envers le gouvernement de François Legault. Les espérances étaient grandes d’être entendu en coulisse, d’être invité au grand party de l’unité nationale. Cette unité de façade, c’est le discours fallacieux qui tente d’asseoir tout le monde autour de la table des puissants. Si vous n’appuyez le projet «d’urgence nationale» du gouvernement, c’est que vous êtes d’irresponsables «petits frustrés».
Cette approche s’inscrit dans la même logique de fausses oppositions visant à «serrer les rangs» pour sauver le Québec telles que Austérité ou crise économique ou entre Lois des mesures de guerre ou terrorisme du FLQ1. Dans tous les cas, l’employé·e serre la main du boss sous le poids des mesures sauvages déployées pour sauver un système de profits à la dérive. Dans la situation actuelle, toutes les entourloupes seront tentées par Legault pour «relancer l’économie» dans le sens des grandes compagnies
Les leaders de QS ont une peur bleue d’être perçus comme des «frustrés» par les médias des élites. Toutefois, QS a manqué un nombre incalculable d’opportunités de dénoncer les mensonges, les incohérences et la gestion catastrophique, voire criminelle, de la pandémie par la CAQ.
Le repli économique nationaliste
On a plutôt eu droit à une stratégie de communiqués de presse éclectiques visant à faire réagir ces médias. Un thème récurrent s’est pourtant dégagé – le même que celui du gouvernement – le nationalisme économique. Pour éviter de s’enfoncer dans la crise, la solution consisterait à consommer localement et à investir dans les PME2 bien de chez nous.
QS s’est ainsi porté à la rescousse – en mots – des petits médias régionaux, des petits propriétaires d’immeuble, des petits microbrasseurs ou des moins petits producteurs serricoles. Cette approche a tellement encastré le discours du parti dans la dépendance à l’argent d’Ottawa ou aux diktats des multinationales que la nécessité de l’indépendance politique du Québec n’a même pas été formulée.
Pendant ce temps, les travailleuses et les travailleurs ont perdu leur emploi par centaines de milliers. D’autres ont été forcés de travailler au salaire minimum sans équipement de protection adéquat parce que devenus «essentiels». Plus de 4 400 personnes âgées sont mortes, dont l’écrasante majorité vivait dans des résidences privées. Le quart des cas de COVID-19 au Québec a touché le personnel de santé. Il s’agit du record historique de salarié·es malades dans le réseau, conséquence de la mauvaise gestion et du manque d’équipement de protection adéquat.
Des opportunités manquées
Le débat public sur la nationalisation des CHSLD3 n’a pas intéressé QS qui a décidé de faire cavalier seul avec une solution de décentralisation mésadaptée. L’idée de Pharma-Québec4 a toutefois réussi à se faufiler dans un communiqué de presse durant le printemps. L’aile parlementaire tentera d’ailleurs de faire adopter un projet de loi en ce sens cet automne.
De leur côté, les 500 000 employé·es du secteur public, en renouvellement de convention collective depuis la fin mars, n’ont même pas l’appui officiel de QS. Ces personnes ont toutefois organisé une bonne centaine d’actions de protestation partout au Québec depuis le début de la pandémie.
Enfin, les grandes manifestations contre le profilage racial et les violences sexuelles n’auront entraîné que des demandes symboliques de la part de l’aile parlementaire solidaire.
Dans un brûlot mesquin, Joseph Facal soutien que le discours moralisateur de la direction de QS s’adresse uniquement à la petite-bourgeoisie montréalaise, pas aux travailleurs et aux travailleuses ordinaires. Il n’a pas tort. Toutefois, il existe au sein de QS une opposition socialiste à cette tendance intellectuelle à la rectitude politique. Une tendance marxiste révolutionnaire qui défend un enracinement des militants et des militantes dans la classe ouvrière et dans ses luttes.
Le pôle d’opposition socialiste dans QS
Ce n’est pas un hasard si les deux critiques de la direction de QS citées dans les médias sont des membres d’Alternative socialiste (AS). Elles ont su résumer clairement – en 2 minutes chronométrées – la grogne qui existe parmi les membres face à ses leaders plus ou moins déconnecté·es de la réalité du monde ordinaire. Ce n’est pas un hasard si cette critique a ensuite été reprise par plusieurs personnes.
Ce mécontentement repose sur une situation qui dure depuis des années. Les membres veulent simplement que leurs élu·es et leurs porte-paroles défendent publiquement les éléments déjà contenus dans le programme du parti. Il y a amplement de matériel pour intervenir sur le terrain de manière efficace et pertinence.
Plusieurs député·es solidaires ont rétorqué avoir été sur le terrain durant la pandémie. Entendons-nous bien: Lorsque AS défend une approche d’enracinement dans les communautés (grassroot), cela va au-delà des appuis passifs lors de manifestations ou des visites autopromotionnelles dans les banques alimentaires. Les député·es des autres partis font déjà cela, depuis des décennies, sans prétendre «faire de la politique autrement».
D’un point de vue socialiste, un «parti de la rue» sert à aider les travailleurs, les travailleuses et la jeunesse à s’organiser et à mener des luttes concrètes. Il s’agit d’outiller les gens à bâtir un rapport de force en identifiant leurs vrais ennemis ainsi que les stratégies pour gagner, même de tous petits gains. Au-delà des discours des porte-paroles, il est question d’assurer un leadership politique actif des membres, peu importe où, peu importe quand. Et en particulier en temps de crise.
Les membres d’AS qui s’impliquent dans QS appliquent cette approche avec succès depuis plusieurs années. À titre d’exemple, mentionnons la pétition de 22 000 noms de la campagne 15plus.org pour hausser le salaire minimum à 15$/h, les mobilisations climatiques historiques à Victoriaville ou les assemblées pour la défense du droit au travail des personnes portant des signes religieux (Option B).
Un pas dans la bonne direction
Lors du Conseil national le 12 septembre, les personnes déléguées ont réussi à faire adopter, contre la volonté de la direction, une nouvelle campagne politique axée notamment sur la mobilisation de la population. Toutefois, cette orientation n’a même pas été considérée lors du dévoilement, le lendemain, de la nouvelle tournée de relations publiques des porte-paroles QS. Déjà prévue avant le CN, cette tournée s’effectuera auprès des travailleuses et des travailleurs essentiels.
Plusieurs membres craignent que les décisions du CN soient prises à la légère par la direction. Ou que cette dernière conduise les membres à agir que comme une force d’appoint au travail parlementaire. L’échec de la campagne Ultimatum 2020 (U2020), conçue de cette manière, démontre qu’un sérieux coup de barre doit être donné.
La gang de Mario Dumont s’est d’ailleurs réjouie que la direction de QS abandonne l’objectif final de U2020, bloquer les travaux parlementaires en octobre 2020. Le fait que personne ne se soit opposé à l’abandon unilatéral de U2020 par la direction témoigne de la faiblesse de cette approche d’instrumentalisation des membres.
Pour éviter de continuer de chuter dans les intentions de vote, QS doit assumer son programme de rupture avec le capitalisme extractiviste. Le parti doit aller de l’avant pour poser les bases d’une économie socialiste et verte, seule solution à la crise économique, sociale et environnementale actuelle.
Sinon, QS risque d’être balayé aux prochaines élections ou de se retrouver dans une coalition gouvernementale à appliquer des politiques d’austérité. Si la crise économique s’aggrave et que la polarisation politique continue, la CAQ et la droite populiste en sortiront gagnantes. Les grandes mobilisations des anti masques devraient nous servir de leçon.
Agir immédiatement
N’en demeure pas moins qu’en ce moment, les seules structures politiques démocratiques dont peut se saisir la classe ouvrière pour se battre contre l’exploitation léguée par les Facal, Lisée, Grégoire et Legault de ce monde sont les instances locales et régionales de QS.
L’orientation très large de la nouvelle campagne politique de QS ouvre la porte à une défense ouverte des intérêts des travailleurs et des travailleuses. Mettons l’accent sur les prochaines étapes qui nous permettront de sortir de la crise, de sortir du capitalisme!
- Taxons et imposons fortement les riches pour financer des services publics gratuits, accessibles et de qualité!
- Luttons pour des augmentations salariales à taux fixe et indexées au coût de la vie dans le secteur public!
- Luttons pour des ratios patient-infirmière/préposée sécuritaires et l’abolition du temps supplémentaire obligatoire!
- Luttons pour la gratuité du transport en commun et la nationalisation du secteur des transports!