Lutte des sans statut: bâtir un rapport de force, ensemble

Des tentes installees par des itinerants bordent la rue Notre-Dame (Photo : Josie Desmarais)

Le 14 août dernier, les libéraux fédéraux et les caquistes au Québec ont annoncé d’une même voix la régularisation du statut des demandeurs et des demandeuses d’asile travaillant dans les services essentiels. Le hic, c’est que cette régularisation est conditionnelle à une série de critères arbitraires ce qui ignore et laisse vulnérable toutes les travailleuses et les travailleurs exposés à la COVID-19 qui n’ont pas prodigué des soins directs.

Il n’y a là rien de vraiment surprenant venant de la part de partis traditionnels qui, fidèles à leurs habitudes, nous divisent et nous utilisent comme de la main-d’œuvre jetable bon marché. Pourtant, ce sont ces personnes qui ont assuré notre qualité de vie collective durant la pandémie. Elles ont livré la nourriture, travaillé dans les abattoirs, servi dans les épiceries, pris soin des aîné·es ou encore surveillé l’application des mesures sanitaires. Ce manque de reconnaissance envers les autres «anges gardiens» sans statut était si prévisible que des gens se mobilisaient déjà avant même l’annonce du 14 août.

L’enjeu est maintenant de maintenir la pression afin d’élargir cette régularisation et offrir un statut permanent pour toute personne qui demande asile. Cette lutte fait partie de celle, plus générale, pour l’amélioration des conditions de travail de tout le monde. Toute personne qui mérite qu’on la paie pour un boulot mérite d’avoir une résidence permanente pour le faire! C’est dans cette optique qu’Alternative socialiste s’est joint au mouvement de contestation et continuera d’y prendre part.

L’hypocrisie des élites dirigeantes

Les gouvernements et le patronat ont passé des semaines à remercier tous les corps professionnels qui ont prouvé leur utilité en ces temps de crises. Leur «reconnaissance» a toutefois été bien courte et limitée. L’incapacité à bonifier les aides financières d’urgence, l’abandon de la prime COVID dans les magasins à grande surface ou l’arrivée tant tardive que chaotique des mesures de protection pour les travailleurs et travailleuses de première ligne en sont des exemples flagrants.

L’obtention d’une résidence permanente est la moindre des choses pour les travailleurs et travailleuses de l’étranger qui font fonctionner la société malgré les risques et les conditions difficiles. Après avoir fait miroiter l’idée d’une régularisation large, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau s’est dédouané du projet à la première occasion. Il a jeté la faute sur le dos du gouvernement de François Legault, encore plus fermé au projet.

La crise économique mondiale a pourtant révélé une réalité bien présente, et ce, même avant la pandémie. Celle des personnes issues de l’immigration œuvrant dans des secteurs névralgiques comme l’entretien ménager, la sécurité, le commerce, la transformation alimentaire, l’agriculture, le transport, etc.. À cette réalité s’ajoutent des conditions de travail précaires passées sous silence pour ne pas nuire aux profits des «entreprises de chez nous».

Comble de l’hypocrisie, les travailleurs et les travailleuses sans statut, malgré leur production et leur consommation au Québec, ne sont la majorité du temps pas couverts par les services publics. Ces personnes n’ont pas accès gratuitement aux services médicaux, par exemple. Une autre manière de faire de l’argent sur le dos les plus vulnérables!

Ces manigances discriminatoires n’ont pour but que de créer des sous-emplois et d’alimenter les divisions dans la population. Les élites politiques n’ont aucune intention de s’attaquer réellement aux lacunes de leur système, qu’elles concernent les personnes qui travaillent et sont nées ici ou celles venues d’ailleurs.

De plus, les gouvernements pro-patronat ont un immense rôle à jouer dans les crises qui frappent les populations d’autres pays. Leurs politiques d’ingérence et de pillage des ressources sont à la base des problèmes sociaux qui poussent des milliers de personnes à fuir leur pays en quête d’un avenir meilleur.

Bâtir un rapport de force, ensemble

Sans lutte pour établir un rapport de force, nous n’avons rien à espérer de Legault ni de Trudeau. Les partis traditionnels ne sont pas là pour défendre les intérêts de la classe ouvrière d’ici, encore moins ceux des travailleurs et travailleuses qui viennent d’ailleurs. C’est pourquoi nous devons compter sur nos propres moyens puis nous organiser et nous mobiliser.

Plusieurs activités de visibilité ont récemment vu le jour à différents endroits au Québec, donnant un nouveau souffle au mouvement de solidarité avec les sans statut. Les différentes initiatives de Solidarité sans frontière, du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants et de Debout pour la dignité doivent être saluées.

À l’instar de Québec solidaire, d’Extinction Rebellion et de la Coalition Courage, Alternative socialiste a tenu à contribuer politiquement au mouvement. Une prise de parole et un bref passage à CTV ont même été effectués, en plus de la grande réceptivité des personnes présentes lors des actions à notre dernier journal et à notre pétition Taxons et imposons les riches pour financer les services publics.

La conscience que nous formons une seule et même classe sociale ayant la capacité de changer les choses était au rendez-vous. Plusieurs interventions ont souligné le rôle essentiel de toutes les personnes qui travaillent. D’autres ont avancé la possibilité d’initier une grève de 24h des sans statut. Dans cette perspective, la possibilité de bâtir ensemble un rapport de force victorieux devient un objectif concret.

Des luttes interreliées

Cette combativité est très inspirante. Elle est essentielle pour affronter la crise économique qui gronde et une nouvelle dégradation dans nos conditions de travail. Cette volonté est contre-balancée par le besoin d’organisation des sans statut. En revanche, les syndicats peuvent jouer un rôle déterminant. En pleine période de négociations dans le secteur public, l’inclusion des sans statut et de la revendication d’un statut pour tous les «anges gardiens» serait un vecteur de convergence et de renforcement des luttes.

Le combat pour stopper la destruction des services publics passe prioritairement par une hausse des salaires et des conditions de travail des personnes bas salariées. Les tactiques gouvernementales de sous-traitance et de privatisation – visant à embaucher des personnes sans statut pour moins cher – doivent être combattues jusqu’au bout. Cela implique d’exiger un statut de permanence, un salaire décent et des conditions de travail sécuritaires pour toute personne qui travaille en sol québécois. Cette lutte fait partie intégrante du combat général contre l’austérité capitaliste.

L’existence même de différents statuts de citoyenneté est à la base du racisme systémique que nous connaissons. C’est cette approche de droits à deux vitesses qui contraint les personnes vulnérables venues d’ailleurs à demeurer dans des emplois précaires, des logements insalubres ou à prendre des risques pour assurer leur subsistance.

Luttons ensemble pour rehausser les salaires et les conditions de travail de tout le monde, syndiqué ou pas, avec sa résidence permanente ou pas!

D’ici là, plusieurs autres activités continueront de voir le jour, dont une manifestation à Montréal le 20 septembre à laquelle nous participerons.

Le droit à un travail digne passe par l’obtention d’un statut pour tous et toutes de même que par une lutte conjointe pour l’amélioration de nos conditions de travail et de vie!

Si participer à ce mouvement populaire vous intéresse, considérez joindre Alternative socialiste aujourd’hui!


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