Le rôle de la classe ouvrière dans la lutte contre le racisme

Deux nuits après l’assassinat de George Floyd, des conducteurs et conductrices d’autobus de Minneapolis ont reçu une demande urgente pour fournir une flotte d’autobus au coin de 26th Street et Hiawatha Avenue dans le sud de Minneapolis. La demande est venue du département de police de Minneapolis (MPD) qui se préparait à faire des arrestations massives pendant une manifestation de Black Lives Matter. Il était prévu d’utiliser les bus pour transporter les manifestant·es vers la prison.

La direction du syndicat des chauffeurs d’autobus de Minneapolis, Amalgamated Transit Union (ATU) Local 1005, a refusé. Ils et elles ont déclaré leur soutien aux manifestant·es sur-le-champ et ont refusé d’être utilisé·es par la police comme des matraques contre le mouvement. La nuit suivante, les chauffeurs et chauffeuses de bus de New York ont emboîté le pas.

Les mesures prises par ces conductrices et ces conducteurs sont devenues virales. L’événement a été repris par les principaux organes de presse et s’est retrouvé sur les réseaux sociaux de millions d’Américain·es. Dans le contexte d’un mouvement ouvrier qui, depuis des décennies, boite derrière les mouvements sociaux, cet acte de solidarité de la classe ouvrière était un signe de ce qui est possible.

Solidarité avec Black Lives Matters

L’action prise par les chauffeuses et les chauffeurs d’autobus de Minneapolis a lancé une vague limitée, mais importante de solidarité avec le mouvement #JusticeForGeorgeFloyd. À Minneapolis, les travailleuses et les travailleurs des postes syndiqué·es ont organisé un rassemblement de solidarité à l’extérieur d’un bureau de poste incendié avec le slogan principal « vous pouvez reconstruire un bureau de poste, mais pas une vie ».

Le 19 juin (Juneteenth), journée qui commémore la fin de l’esclavage aux États-Unis, des actions ont été entreprises par de grands syndicats. L’International Longshore and Warehouse Union (ILWU), un syndicat qui soutient depuis longtemps les mouvements sociaux, a fermé des ports le long de la côte ouest en solidarité avec les manifestant·es. Les Travailleurs unis de l’automobile (UAW) ont exhorté leurs membres à organiser des ralentissements de neuf minutes symbolisant les neuf minutes pendant lesquelles le policier Derek Chauvin s’est agenouillé sur le cou de George Floyd. George Floyd est mort après les cinq premières minutes.

Bien que ces actions soient importantes, elles sont plutôt isolées et ne sont pas liées à une stratégie globale de lutte contre le racisme chez les directions syndicales. L’AFL-CIO a organisé un panel virtuel après que le mouvement ait éclaté alors que plusieurs dirigeantes et dirigeants syndicaux clés ont tou·tes émis des déclarations avec peu de mordant à l’effet que le racisme est réel et que oui, il est mauvais. Bref, les gens devraient voter en novembre. Étant donné que les rangs des syndicats aux États-Unis sont maintenant plus diversifiés que jamais auparavant, cette approche nonchalante équivaut à un abandon complet de leurs propres membres.

En 1981, les travailleuses et les travailleurs noir·es, latinos et asiatiques représentaient de 15 à 16% de l’ensemble des travailleurs·euses des secteurs de la production, du transport, la manutention de matériaux et de l’industrie des services. Aujourd’hui, dans chacune de ces catégories, c’est 40%. Dans les métiers de la construction, les ouvrières et ouvriers racisé·es représentent aujourd’hui 37% de la main-d’œuvre totale contre 15-16% en 1981.

La classe ouvrière racisée fait maintenant face à des mises à pied massives, à des coupures dans les services sociaux, à des loyers trop élevés et à des salaires trop bas. Ces attaques dévasteront de façon disproportionnée les travailleurs·euses noir·es et latinos, en particulier les femmes. Tout cela s’inscrit dans une approche systématique des riches propriétaires capitalistes pour trouver toutes les manières possibles d’extirper le plus de richesses à notre classe.

Lutter pour nos emplois, nos écoles et des soins de santé adéquats exigera un mouvement ouvrier qui est uni au-delà des frontières raciales. La classe ouvrière tire son pouvoir social de sa capacité à limiter les profits des capitalistes en refusant de travailler. Exploiter pleinement ce levier de force exige la participation la plus large possible des travailleurs·euses, ce qui est impossible si nous nous laissons être divisé·es.

Construire un mouvement uni ne signifie pas que les revendications des travailleurs·euses noir·es et latinos devraient être englobé·es dans les revendications économiques les plus élémentaires. Cela signifie que la classe ouvrière en général doit répondre aux demandes des travailleurs·euses noir·es et latinos. Bâtir l’unité nécessaire pour gagner les batailles à venir nécessitera la construction d’un mouvement ouvrier engagé à lutter pour des revendications économiques globales aux côtés des revendications contre la police, les politiques ségrégationnistes dans le logement et l’éducation, et contre la suprématie blanche et la violence des milicien·nes de droite contre les communautés racisées.

Au Québec, il y a un potentiel de mouvement de masses à travers les luttes antiracistes. Les personnes racisées se font exploiter davantage par la classe dirigeante qui n’hésite pas à tirer avantage des conflits raciaux pour marginaliser, isoler, discriminer. Le patronat se retrouve à payer moins cher ou limite les embauches. Les propriétaires ne rénovent pas les appartements, car ils savent que les immigrant·es n’iront probablement pas se battre pour leurs droits. Les compagnies savent que s’ils mettent à la porte une personne immigrante, son statut d’immigration peut être à risque. Donc, on se permet de couper les coins ronds en ce qui concerne les conditions de travail. Bref, le racisme bénéficie au profit des grandes entreprises. Ces mêmes entreprises qui vont supporter le mouvement Black Lives Matter sur les médias sociaux. Le néolibéralisme se dit vertueux, mais n’agit que pour ses intérêts matériels.

Au moment d’écrire cet article, plusieurs groupes d’avant-garde se battent pour de meilleures politiques d’immigration, des logements abordables, un meilleur salaire minimum, pour augmenter les investissements dans les services de santé et encore d’autres campagnes. Toutes ces campagnes touchent davantage les personnes racisées, car elles sont les premières victimes du racisme systémique. La conclusion logique d’un problème systémique est d’organiser la classe ouvrière en son entier pour se battre pour ses propres intérêts. Car, se donner le pouvoir d’aller chercher un meilleur salaire, des logements abordables, le respect des conditions de travail pour tou·tes, le respect des travailleurs et travailleuses issu·es de l’immigration sont des luttes qui bénéficient à toute la classe ouvrière. Bref, comme le disait Marx « une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses ». Le mort du racisme ne peut arriver dans une société de classe, car c’est dans l’intérêt matériel des propriétaires de le reproduire. Bien que le socialisme ne signifie pas que le racisme s’éteint automatiquement, la lutte vers le socialisme et la solidarité de classe qui est nécessaire pour l’accomplir nous permet de l’attaquer comme une pratique anti travailleuses et travailleurs. Les groupes anti-racistes, incluant Alternative Socialiste, ont besoin de votre aide. Considérez joindre pour nous aider à faire le travail nécessaire pour changer la société.

Tiré de l’article de Keely Mullen, Socialist Alternative (ISA aux États-Unis)


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