République démocratique du Congo : 60 ans de pillage néocolonial

Lumumba et le Premier ministre belge Gaston Eyskens à la signature de la déclaration d’indépendance / photo : Wikimedia

Ce mardi 30 juin 2020, la République démocratique du Congo (RDC) célébrera le soixantième anniversaire de son indépendance du régime colonial belge. Mais soixante ans après son indépendance, la RDC est l’un des pays les plus pauvres du monde. Cette pauvreté trouve ses racines dans le pillage néocolonial qui a suivi l’indépendance, les dictatures et la guerre.

Ces célébrations devraient être modérées à la lumière de la pandémie de COVID-19. Le président Tshisekedi a annoncé que les fonds destinés à une grande célébration seront réorientés vers la lutte contre la pandémie et vers l’octroi de primes à l’armée congolaise pour sa « bravoure et son héroïsme ».

Mais soixante ans après son indépendance, la RDC est l’un des pays les plus pauvres du monde, se plaçant au 179e rang de l’indice de développement humain qui mesure l’espérance de vie, l’éducation et le revenu par habitant. En 2018, 72 % de ses 84 millions d’habitants vivaient dans l’extrême pauvreté avec moins de 1,90 dollar par jour.

Et pourtant, cette pauvreté existe au milieu de l’abondance. La RDC est le plus grand producteur mondial de cobalt : elle est responsable de 70 % de l’approvisionnement mondial du métal utilisé dans les batteries des téléphones et des voitures électriques. Elle est également le premier producteur de cuivre d’Afrique et elle produit 80 % du coltan mondial, un minéral essentiel à la production des microprocesseurs qui ont permis l’essor mondial des technologies de l’information au cours des deux dernières décennies.

Cette pauvreté dans l’abondance est ancrée dans l’histoire coloniale de la RDC dans le pillage néocolonial de l’après-indépendance, dans les dictatures et dans la guerre.

L’État Indépendant du Congo – 1885–1908

Avant la colonisation, le delta du fleuve Congo était une plaque tournante importante dans la traite transatlantique des esclaves de 1500 à 1850. Quatre millions d’esclaves ont été enlevés de la région, ce qui a détruit les structures sociales antérieures alors que le royaume côtier du Kongo s’intégrait dans les réseaux commerciaux européens.

De 1874 à 1895, le roi belge Léopold II a investi sa fortune personnelle et d’énormes prêts du gouvernement belge pour revendiquer ce qui est aujourd’hui la RDC dans le contexte de la ruée impérialiste européenne vers les colonies africaines. Lors de la conférence de Berlin de 1885, Léopold a monté les principales puissances coloniales les unes contre les autres, en promettant qu’il détruirait la traite des esclaves en Afrique de l’Est et transformerait la région en une zone de libre-échange. Léopold II a rebaptisé toute une zone l’État libre du Congo, en imposant donc une nouvelle identité collective à quelque 250 groupes ethniques différents parlant jusqu’à 700 langues et dialectes différents. Tout en cherchant à se présenter comme un humanitaire, Léopold a fait de toutes les terres situées en dehors des établissements humains sa propriété personnelle et a introduit un système reposant sur la terreur.

Le territoire a d’abord été pillé de son ivoire puis de son caoutchouc. L’armée de mercenaires de Léopold a imposé de sévères quotas de récolte, en brutalisant et en assassinant la population des zones qui ne s’y conformaient pas ou ne pouvaient s’y conformer. La course au caoutchouc a entraîné l’effondrement de l’agriculture, ajoutant la famine aux atrocités. La saisie des terres « vacantes » par Léopold a créé des tensions agraires et intercommunautaires à long terme, les agriculteurs quittant leurs terres épuisées pour s’installer sur les terres de la Couronne. Ce système a entraîné 3 à 5 millions de morts, les estimations les plus élevées de 10 millions étant basées sur des extrapolations incorrectes de l’explorateur-colonisateur Henry Morton Stanley.

Contrairement aux affirmations des apologistes coloniaux, Leopold était pleinement conscient de ces atrocités dans un territoire qu’il n’a jamais visité en personne. Une campagne humanitaire internationale a attiré l’attention sur les atrocités commises dans l’État libre du Congo. La propagande coloniale parlait d’une « campagne anglaise » puisqu’elle était menée par Edmund Morel, Joseph Conrad, Roger Casement et l’américain Mark Twain. Cette campagne a permis de recueillir des témoignages africains au sujet des atrocités commises par les forces de Léopold, de sorte que le roi et l’élite politique et la bourgeoisie belges savaient ce se passait. Léopold a même fait brûler plusieurs archives pour dissimuler sa complicité. Pour diverses raisons, Léopold a été contraint de céder le contrôle de l’État libre du Congo à l’État belge en 1908. L’héritage de Léopold II au Congo est une histoire de massacres et de construction artificielle d’une identité nationale qui a posé le premiers jalons de la longue histoire de pillage impérialiste du Congo.

Le Congo belge : 1908 – 1960

L’État belge a réformé le système colonial afin d’ouvrir la voie à une exploitation économique à long terme. L’Église catholique a travaillé de concert avec le régime colonial pour qui le message d’obéissance du christianisme était une aubaine. Les écoles de l’Église censuraient tout ce qui était rebelle, en évitant, par exemple, de parler de la révolution française. Alors que l’obéissance chrétienne était encouragée, les mouvements religieux critiques subissaient une dure répression. Le prédicateur, Simon Kimbangu, a ainsi été arrêté en 1921. Il décéda en prison 30 ans plus tard. Ses disciples, les Kimbanguistes, ont été déportés et persécutés, mais ils constituent toujours un grand mouvement au Congo. À partir de 1937, des camps de travail forcé ont été construits pour les membres de la secte Kitawala, inspirée par les Témoins de Jéhovah, en raison de leurs sentiments anticoloniaux.

Contrairement à certaines colonies africaines telles que le Kenya et l’Afrique du Sud, l’établissement européen au Congo était étroitement contrôlé par l’État belge par crainte d’une agitation blanche, anticoloniale et communiste. Comme si les Congolais n’avaient eux-mêmes aucune raison de s’opposer à la colonisation !

Avec la découverte des vastes richesses minérales du Congo, le pays s’est industrialisé. La société minière dominante, l’Union Minière, dirigeait son propre appareil d’État totalitaire dans la province du Katanga, au sud-est du pays, en exploitant le cuivre, le manganèse, l’uranium, l’or, etc. Les plantations d’huile de palme fournissaient la matière première pour les savons sur lesquels s’est développé la multinationale Unilever actuelle.

La classe ouvrière est passée de quelques centaines de personnes en 1900 à 450.000 en 1929, puis à près d’un million pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’industrie minière a connu une gigantesque croissance. Les bombes atomiques américaines larguées sur le Japon ont utilisé de l’uranium extrait au Katanga. Le Congo est alors devenu le deuxième pays le plus industrialisé de l’Afrique subsaharienne, après l’Afrique du Sud, mais les conditions de vie des travailleurs et des pauvres sont restées terribles.

Le mécontentement a conduit à des grèves et des émeutes au début et à la fin de la guerre, avec 60 mineurs tués lors d’une manifestation de masse à Elizabethville, aujourd’hui Lumbumbashi, au Katanga. Les dirigeants des grèves étaient traqués. En 1944, l’armée a abattu 55 rebelles non armés de Kitawala, en utilisant la tactique de la terre brûlée sur leurs villages et leurs champs après qu’ils se soient soulevés contre le travail forcé en temps de guerre. Certains groupes ou tribus ont été désignés comme des « fauteurs de troubles » naturels, dan le cadre d’une stratégie visant à « diviser pour mieux régner ».

Les Congolais qui avaient enduré la brutale corvée de travail dans les mines et les plantations en temps de guerre s’attendaient à ce que leur vie s’améliore après la guerre. Les soldats congolais qui avaient lutté contre le totalitarisme avec les « Alliés » en Abyssinie, en Égypte et en Birmanie s’attendaient également à une amélioration de leurs conditions de vie. Le racisme a cependant persisté. Les Africains pouvaient toujours être fouettés en public, devaient se tenir debout au bout des files d’attente et se voyaient interdire les installations de bain. Les syndicats étaient illégaux. Des élections locales ont été organisées dans certaines villes, mais tout bourgmestre était subordonné au « premier bourgmestre » belge. De la même manière que les gouvernements capitalistes ont accordé des concessions et des réformes dans l’après-guerre pour éviter la révolution, les gouvernements coloniaux d’Afrique se sont engagés dans un « colonialisme de développement » dans l’après-guerre pour empêcher les mouvements indépendantistes. La Belgique a investi dans des projets de développement des infrastructures pour améliorer le niveau de vie, à l’instar du projet de barrage hydroélectrique INGA. Mais elle a également laissé la facture aux Congolais au moment de l’indépendance.

La décolonisation

Après la Seconde Guerre mondiale, des révolutions coloniales et des guerres de libération ont éclaté dans le monde entier. L’Inde, l’Indonésie et les Philippines se sont débarrassées du contrôle britannique, néerlandais et américain. En Algérie et en Indochine, la lutte armée se poursuivait contre les troupes coloniales françaises. En 1957, le Ghana fut le premier pays subsaharien à devenir indépendant, ce qui a déclenché une vague de décolonisation sur tout le continent.

Le Congo belge a eu sa part d’organisations religieuses opposées au régime colonial, mais jusqu’en 1955, aucune organisation politique nationale n’a réclamé l’indépendance. Tout cela a changé en 1956 avec la croissance de campagnes de désobéissance civile. L’Association des Bakongo (ABAKO), à l’origine une organisation tribale dirigée par Joseph Kasa-Vubu, a présenté un manifeste de liberté.

Deux ans plus tard, le Mouvement national congolais (MNC) fut créé, avec Patrice Lumumba à sa tête. Son objectif était de libérer le Congo de l’impérialisme et du régime colonial. Son écho fut énorme. Patrice Lumumba a visité le nouvel État du Ghana, où il a rencontré le dirigeant du pays, Kwame Nkrumah. A son retour au Congo, 7.000 personnes se sont rassemblées pour écouter son rapport. Le gouvernement belge prévoyait de devoir éventuellement accorder l’indépendance, mais jusqu’en 1958, le ministère des Colonies belge n’avait aucun plan pour l’avenir politique indépendant du Congo.

En janvier 1959, le Congo a explosé. Le premier bourgmestre belge a interdit une réunion de protestation à Kinshasa, puis à Léopoldville, ce qui a provoqué des émeutes. L’armée a été utilisée à pleine puissance, tuant jusqu’à 300 personnes et en blessant beaucoup d’autres. Les troubles se sont étendus au Kivu, au Kasaï et au Katanga.

Au début de l’année 1960, le gouvernement belge a annoncé qu’il convoquait une table ronde dans le but de négocier la transition congolaise du régime colonial à l’indépendance. L’économie congolaise de l’après-guerre se détériorait, en partie parce que la Belgique développait davantage de services publics dans la colonie. La dette publique de la colonie est passée de 4 à 46 milliards de francs belges entre 1949 et 1960, une dette dont la Belgique a gracieusement laissé le Congo hériter à l’indépendance après des décennies d’exploitation coloniale. Le roi Baudouin s’est rendu au Congo belge pour réduire les tensions politiques, mais n’a réussi qu’à se faire voler son épée de cérémonie. Le mouvement populaire croissant au Congo, les émeutes à Kinshasa et les luttes mondiales contre le colonialisme ont tous contribué à la décision d’accélérer le rythme vers l’indépendance jusqu’au 30 juin 1960 !

Le Congo devait avoir une indépendance politique formelle, mais les sociétés multinationales devaient opérer comme auparavant, en agissant conformément à la loi belge. Le Parlement belge, sapant encore davantage toute puissance économique congolaise réelle, a aboli le contrôle congolais sur l’Union Minière trois jours avant l’indépendance. Tous les officiers de l’armée et les plus hauts fonctionnaires devaient rester belges. L’indépendance n’était que purement formelle.

Néanmoins, les espoirs de changement réel étaient grands et le MNC de Lumumba a remporté les premières élections. Cependant, les partis régionaux avaient également bénéficié d’un grand soutien : le MNC-K dissident dirigé par Albert Kalonji au Kasaï, la Confédération des associations tribales du Katanga (CONAKAT) sous la direction de Moïse Tshombe au Sud-Katanga et l’ABAKO au Bas-Congo. Kasa-Vubu est devenu président, avec Lumumba comme premier ministre.

Le décor était planté pour une lutte aux multiples facettes : un combat congolais pour une véritable indépendance, une guerre civile, les tentatives belges de garder le contrôle du pays et un conflit par procuration dans le cadre de la guerre froide.

« La crise du Congo » : 1960 – 1965

Une semaine après le début de l’ »indépendance » du Congo, une mutinerie dans l’armée contre les officiers belges a conduit à l’africanisation du corps des officiers. La violence a éclaté entre les civils noirs et blancs. La Belgique a envoyé des troupes, officiellement pour protéger ses citoyens mais en réalité pour protéger ses ressources minières. Le Katanga et le Sud-Kasaï ont fait sécession avec le soutien de la Belgique. Des milliers de personnes sont mortes au cours des combats.

Lumumba n’est resté que deux mois au pouvoir dans un pays qui se défaisait sous ses pieds. Il a fait appel aux Nations unies pour qu’elles interviennent, mais les soldats de la paix de l’ONU ont activement empêché le gouvernement congolais de reprendre les régions séparatistes. Il a également fait appel à Nikita Khrouchtchev, qui a envoyé de la nourriture, des armes et des véhicules. La crise du Congo a frappé au cœur de la guerre froide entre les États-Unis et la Russie stalinienne et, en septembre, il a été déposé par Kasa-Vubu.

Joseph Mobutu, à la tête de l’armée, a mené un coup d’État soutenu par la CIA, établissant un nouveau gouvernement à Kinshasa sous son contrôle. Lumumba a été placé en résidence surveillée. Le gouvernement belge et le président américain, Dwight Eisenhower, ont donné le feu vert à son assassinat. Après avoir été torturé et transporté au Katanga, Lumumba a été abattu devant des dirigeants locaux, dont Tshombe.

Lumumba a clairement représenté une menace pour les intérêts de l’ancienne élite coloniale de même qu’il faisait obstacle à une nouvelle élite noire désireuse de devenir les gardiens privilégiés des richesses congolaises. Les autorités belges ont planifié son exécution car son appel à la nationalisation des richesses du Congo au profit du peuple congolais allait à l’encontre de leurs projets de garder le contrôle de ces richesses. Dans le contexte de la guerre froide, les États-Unis craignaient que Lumumba ne finisse comme Fidel Castro, que la révolution coloniale ne le fasse passer d’une position libérale à une position « communiste ».

L’imprévisibilité de Lumumba, les attentes qu’il a suscitées et le discours révolutionnaire de ses partisans ont effrayé les puissances impérialistes. L’africanisation du corps des officiers de l’armée congolaise a desserré l’emprise de la Belgique sur le Congo, ce qui a conduit les puissances occidentales, la Belgique, la CIA, l’ONU et leurs complices à Léopoldville, au Kasaï et au Katanga, à décider que Lumumba devait être supprimé. De plus, la vision panafricaine de Lumumba pour le Congo, l’unité au-delà des divisions ethniques et tribales, allait à l’encontre des élites tribalistes congolaises comme Tschombe et Kasa-Vubu qui ne cherchaient qu’à défendre les intérêts de leurs propres groupes ethniques. Lumumba menaçait de réveiller les masses congolaises derrière un programme répondant aux demandes sociales, économiques et démocratiques de la population, ce qui aurait nécessité la nationalisation des richesses minières du Congo. Cela s’opposait aux intérêts des élites congolaises et du capitalisme international.

Contrairement aux apologistes du colonialisme, la crise du Congo n’est pas née d’un départ trop précoce de la Belgique. Le colonialisme belge existait pour exploiter économiquement le Congo et non pour préparer le pays à son indépendance. La Belgique a délibérément accéléré le rythme vers l’indépendance parce que le Congo allait avoir un nouveau gouvernement instable et que la nation n’avait pas eu le temps de développer un mouvement ouvrier avec un programme clair visant à répondre aux besoins de la population. Lumumba n’était pas un socialiste explicite. Il lui manquait des armes ainsi qu’un mouvement socialiste démocratique national implanté parmi les travailleurs et les pauvres des zones rurales, ce qui aurait pu bénéficier du soutien de la classe ouvrière au niveau international. L’héritage de l’indépendance accélérée du Congo est que la classe ouvrière congolaise n’a pas pu obtenir de gains au moment de l’indépendance. Au lieu de cela, la classe ouvrière congolaise a subi une série de défaites et une dictature qui ont entravé le développement d’organisations de la classe ouvrière jusqu’à ce jour.

Le gouvernement central a battu le rival pro-Lumumba, la République libre du Congo soutenue par l’Union soviétique dans l’est du Congo en 1962, a vaincu les mouvements sécessionnistes du Katanga et du Sud-Kasaï en 1963 et, avec le soutien de la Belgique, a écrasé la République populaire du Congo proclamée par les Simba en 1964, aux côtés de laquelle Che Guevara a brièvement combattu. L’Union soviétique et la Chine n’ont apporté qu’un soutien limité, puisqu’ils ne voulaient pas voir une région du monde développer une véritable démocratie ouvrière hors de leur contrôle. Tshombe, qui soutenait désormais le gouvernement central, a remporté les élections de 1965 avec le soutien des États-Unis et de l’Occident. Cependant, il était trop peu fiable et Mobutu a mené un second coup d’État pour finalement s’assurer que le Congo soit ouvert aux affaires avec les puissances impérialistes occidentales.

Les années Mobutu

Mobutu est devenu un dictateur brutal et corrompu qui est resté au pouvoir jusqu’en 1997, à la tête du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). Il est devenu un proche allié des États-Unis et d’Israël, en luttant contre le « communisme » en Afrique centrale. Washington dépendait du Zaïre comme voie d’approvisionnement pour le mouvement rebelle de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), soutenu par les États-Unis, qui a mené une guérilla de 17 ans contre le gouvernement de l’Angola voisin, soutenu par l’Union soviétique et Cuba.

Dans le même temps, Mobutu a également entretenu des relations amicales avec la Chine. Il a adopté un culte de la personnalité avec des heures d’hommages musicaux et une politique culturelle nationaliste pour renforcer son règne. Seuls les noms et les musiques indigènes étaient autorisés. Le pays a été rebaptisé Zaïre en 1971 et l’année suivante, Mobutu s’est rebaptisé Mobutu Sese Seko Nkuku Ngbendu Wa Za Banga (qui signifie « Le guerrier tout-puissant qui, en raison de son endurance et de sa volonté inflexible de gagner, va de conquête en conquête, laissant le feu dans son sillage »).

En 1968-69, un mouvement étudiant congolais s’est développé, avec Lumumba comme héros, parallèlement aux protestations étudiantes en Europe et aux États-Unis. Mobutu a fait écraser violemment le mouvement en 1969. Officiellement, 6 étudiants sont morts lors des manifestations, mais en réalité, 300 ont été tués et 800 autres condamnés à de longues peines de prison.

Malgré cette violence répressive, ou peut-être à cause d’elle, l’Occident s’est plié au régime de Mobutu pour avoir accès aux ressources minérales du Congo. Les États-Unis ont fourni plus de 300 millions de dollars en armes et 100 millions de dollars en formation militaire pour la dictature.

Le régime corrompu et inepte de Mobutu a dilapidé le potentiel agricole du Congo, rendant le pays dépendant des importations alimentaires. Dans les années 1970, l’inflation a atteint des sommets et les prêts représentaient 30 % du budget de l’État. Comme beaucoup d’autres pays africains, le Congo s’est retrouvé dans les griffes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Leurs programmes d’ajustement structurel ont imposé des privatisations et des coupes budgétaires. En peu de temps, le Congo a réduit le nombre d’enseignants de 285.000 à 126.000, transformant son taux élevé d’alphabétisation en la situation actuelle, où 30 % de la population sont analphabètes.

Entre-temps, le terme « kleptocratie » – un gouvernement de ceux qui cherchent à s’enrichir aux dépens des gouvernés – a été inventé pour décrire l’utilisation des fonds de l’État par Mobutu. À la fin de son règne, il avait amassé une fortune personnelle estimée à 4 milliards de dollars, tout en accumulant une dette extérieure de 12 milliards de dollars.

La position de Mobutu s’est compliquée dans les années 1980 et 1990. En 1982, son allié de longue date et membre du comité central du MPR, Étienne Tshisekedi, a rompu avec Mobutu, formant le premier parti d’opposition du pays appelant à un changement démocratique non violent, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). À la fin des années 1980, des mouvements de protestation contre les politiques du FMI et les dictatures ont vu le jour dans toute l’Afrique, suscitant la formation de nouveaux partis politiques, associations et syndicats.

Avec la fin de la guerre froide, les alliés impérialistes occidentaux de Mobutu ont fait pression sur lui pour faire évoluer le Zaïre dans une direction plus démocratique, ou au moins vers un capitalisme néocolonial à visage humain. Mobutu a autorisé le multipartisme en avril 1990, mais a provoqué la colère de ses alliés occidentaux, en particulier la Belgique, lorsque ses soldats ont attaqué un foyer d’étudiants la même année, tuant des dizaines de personnes. La Belgique a temporairement coupé son aide en réponse à cette attaque, et l’opposition de masse au régime de Mobutu s’est accrue jusqu’en 1991.

Dans le même temps, l’économie basée sur les minéraux s’est effondrée, la production des mines de cuivre vitales du Katanga ayant chuté de façon précipitée. Des milliers de soldats congolais, furieux de ne pas recevoir d’augmentation de salaire, se sont livrés à des pillages à Kinshasa, tuant au moins 250 personnes. Le 16 février 1992, des prêtres et des églises ont organisé la « marche de l’espoir » dans plusieurs villes pour protester contre l’annulation d’une conférence sur la démocratisation. Plus d’un million de Congolais y ont participé. Trente-cinq manifestants ont été tués au cours de la répression. En 1993, Mobutu a mis un terme à toute discussion sur la démocratisation, a déjoué une tentative de destitution de Tshisekedi et a repris le contrôle de la situation. L’inflation a explosé, atteignant 9.769 % en 1994. Mobutu a été obligé d’introduire un billet de cinq millions de dollars du Nouveau Zaïre.

Après des décennies de répression politique et dans un contexte d’aggravation de la crise économique, la violence ethnique a éclaté. Au Katanga, des groupes ont exigé que les travailleurs migrants d’autres provinces « rentrent chez eux » et dans la province du Kivu oriental, les milices nativistes Maï-Maï ont commencé à menacer les Tutsis, dont certains avaient été installés dans la région par les Belges pendant l’ère coloniale. Comme les groupes rebelles actifs dans l’est du Congo aujourd’hui, ils se sont battus pour les terres agricoles et le contrôle des mines. Les opposants à la dictature de Museveni en Ouganda ont également pris pied dans l’est du Congo, en organisant des bandes rebelles.

En 1994, après la guerre civile et le génocide rwandais, une grande partie du régime Habyarimana, vaincu, s’est réfugiée dans l’est du Congo, sous la protection de la France. Mobutu a accueilli les Rwandais, scellant ainsi son destin et déclenchant un conflit transnational qui persiste encore aujourd’hui.

Les guerres du Congo

Les présidents Paul Kagame du Rwanda et Museveni de l’Ouganda ont soutenu l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (ADFLC) qui a tué jusqu’à 300.000 Hutus, dont des réfugiés rwandais qui avaient participé au génocide rwandais. Laurent Kabila, citoyen congolais et ancien dirigeant maoïste Simba, était à la tête de l’ADFLC. Il a fait défiler son armée sur 2000 km à travers le pays. Fatigués par des décennies de corruption, de pauvreté et d’une armée indisciplinée, le soutien à Mobutu a rapidement disparu et les Zaïrois ont accueilli les soldats de Kabila comme des libérateurs. Kabila a renversé Mobutu à son arrivée à Kinshasa.

Kabila a été déçu par ses anciens partisans impérialistes (principalement les États-Unis) parce qu’il n’était pas docile. D’autre part, son idée stalinienne d’une révolution en deux étapes lui a fait rechercher le soutien de ce qu’il appelait les « bons capitalistes », des capitalistes qui étaient prêts à participer au « développement national ». Le Congo devait devenir un pays capitaliste stable, doté d’une constitution, de droits individuels, d’une propriété privée et d’un État de droit, avant de pouvoir tenter une deuxième révolution socialiste, dans laquelle les ouvriers et les paysans s’empareraient du pouvoir économique et politique. Cette politique n’a cependant pas permis de réaliser des progrès fondamentaux pour la population, car il n’y avait pas de « bons capitalistes ». Il n’y a pas eu de réforme agricole ni de nationalisation des secteurs clés de l’économie.

Kabila s’est également brouillé avec ses bailleurs de fonds rwandais et ougandais, qui voulaient une partie des richesses du Congo. Les troupes rwandaises et ougandaises ont fait la guerre à Kabila, mais aussi entre elles pour les ressources naturelles du Congo. Les interventions militaires angolaises et zimbabwéennes ont sauvé le régime de Kabila. L’ONU a envoyé une force de maintien de la paix massive en 1999. La RDC, tel que la pays a été rebaptisé, a sombré dans le chaos.

La guerre du Congo a été alimentée par les énormes richesses minérales de la région, toutes les parties, y compris les multinationales, profitant du chaos pour piller le pays et financer encore plus la guerre. A mi-parcours de la guerre en 2001, un rapport du Conseil de sécurité des Nations unies a estimé que le Rwanda à lui seul avait gagné au moins 250 millions de dollars grâce aux exportations illégales de coltan. Les États-Unis, la Belgique, la Grande-Bretagne et la France se sont également bousculés pour défendre leurs intérêts économiques, en fournissant des millions de dollars d’armes aux différentes parties en guerre.

La guerre a tué plus de 5 millions de personnes de 1998 à 2006 par la violence et la famine, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Des millions d’autres personnes ont été déplacées. Le gouvernement de Kabila était faible, divisé et corrompu, et ne contrôlait pas entièrement ses forces armées. L’armée congolaise a participé à de nombreux massacres ethniques, exécutions, tortures, viols et arrestations arbitraires.

Joseph Kabila

En 2001, Laurent Kabila a été assassiné par un de ses gardes du corps. Son fils Joseph Kabila a pris le pouvoir, soutenu par l’UE, les États-Unis et la Chine. Son parcours politique rappelle davantage l’enrichissement personnel du mobutisme que le lumumbisme.

Au sommet de sa popularité, Joseph Kabila a remporté l’élection de 2006 contre l’ancien seigneur de guerre et vice-président Jean-Pierre Bemba. Le premier tour des résultats de l’élection a conduit à trois jours de combats entre les armées de Kabila et de Bemba. Ces divisions au sein de l’armée congolaise n’ont jamais été véritablement surmontées, enracinées dans la formule d’un président et quatre vice-présidents de 2001-2006 destinée à résoudre les tensions armées dans le pays.

Kabila a poursuivi l’augmentation des investissements étrangers et a promis le développement d’infrastructures dans un pays dont la superficie équivaut aux deux tiers de celle de l’Europe occidentale, mais qui ne dispose que de quelques centaines de kilomètres de route goudronnée. La soif insatiable de la Chine pour les ressources brutes et son ascension au rang de premier partenaire commercial et bailleur de l’Afrique se sont fait sentir en RDC. En 2009, le gouvernement Kabila a signé un accord d’investissement de 9 milliards de dollars avec la Chine, autorisant les entreprises chinoises à développer les mines de cuivre et de cobalt congolaises en échange de la construction de routes, de chemins de fer, de barrages hydroélectriques, d’universités, d’aéroports et d’hôpitaux.

L’économie de la RDC a connu un boom durant les années de pouvoir de Kabila, avec une croissance du PIB comprise entre 2,5 % et 9,5 % selon les années. Cependant, l’essor de la production de cuivre et de cobalt n’a pas permis de réduire l’écrasante pauvreté dont souffre la majorité de la population.

À l’approche de l’élection de 2011, les espoirs de changement se sont regroupés autour du candidat de l’opposition, Étienne Tshisekedi. Kabila a été réélu, tandis que Tshisekedi a immédiatement contesté les résultats et s’est déclaré président. L’UDPS a appelé le peuple congolais à se mobiliser et à protéger la victoire de Tshisekedi. Les manifestants ont inondé les rues de Kinshasa, fatigués de la pauvreté, du chômage, de l’effondrement des infrastructures, de la violence à l’Est et de la corruption.

La police a affronté les partisans de l’UDPS, tuant des dizaines de personnes. Les manifestants étaient en colère contre la perte d’une occasion de changement, mais aussi encouragés par des mouvements similaires de changement de régime au Sénégal et en Tunisie. Bien que Kabila n’ait pas pu être destitué, 2011 a contribué à la formation de réseaux clandestins d’information et de formation pour l’activisme politique dans tout le Congo.

Comme sous Mobutu, la corruption massive s’est poursuivie sous Kabila. Au moins 750 millions de dollars versés aux organes fiscaux et à la société minière d’État du Congo ont disparu en 2013-2015, 1,3 milliard de dollars si l’on inclut les autres organes de l’État et un organe fiscal provincial aujourd’hui disparu. Dans le même temps, le manque chronique de financement des services publics s’est poursuivi.

En 2015, les protestations ont de nouveau éclaté lorsque Kabila a annoncé qu’il se représenterait, bien qu’il ait dépassé la limite de mandats fixée par la Constitution. Les manifestants, pour la plupart des jeunes, sont retournés dans les rues, inspirés par le rôle des jeunes dans le mouvement du Balais Citoyen qui avait évincé Blaise Compaoré du pouvoir en 2014 au Burkina Faso. La police et l’armée ont utilisé des balles réelles, tuant 42 personnes et en arrêtant des centaines. Le gouvernement a coupé internet et bloqué les SMS pour contenir le mouvement, mais les manifestations se sont étendues à l’est du Congo, à Goma et à Bukavu. Le gouvernement, voyant l’ampleur du mouvement, a déclaré les mouvements de jeunesse illégaux, a déclaré ses dirigeants terroristes, les a traqués, kidnappés et emprisonnés. Beaucoup se sont exilés ou se sont cachés dans des villes isolées. Un charnier a été découvert en dehors de Kinshasa.

Cependant, les protestations ont forcé le gouvernement à battre en retraite. Le Sénat a amendé le projet de loi visant à accorder à Kabila un troisième mandat, lui permettant de rester en fonction jusqu’à ce que le recensement national ajoute des électeurs plus jeunes. Les partis d’opposition ont annulé les manifestations, mais les jeunes sont restés mobilisés pour exiger la démission de Kabila.

Kabila est resté au pouvoir pendant deux ans encore, en attendant prétendument le recensement, tandis que le mouvement en faveur de son renvoi se poursuivait. « Villes mortes » était le slogan principal de l’opposition lors de la grève générale organisée en août 2016. Les rues des grandes villes du Congo se sont vidées, les travailleurs et les employeurs restant chez eux.

Les manifestants ont arrêté la circulation à Goma tandis qu’à Kinshasa ils ont érigé des barricades près du siège de l’UDPS après que la police les ait attaqués. La violence policière s’est intensifiée en septembre avec 53 tués, 127 blessés et 368 personnes arrêtées selon l’ONU.

Les discours de 2016 d’Étienne Tshisekedi n’ont pas suscité le même engouement qu’en 2011. Il a appelé ses partisans à avoir foi dans le processus électoral, à croire en la constitution et à avoir confiance dans les négociations avec Kabila. Il n’a délibérément pas appelé à un mouvement de masse pour agir. En conséquence, l’UDPS n’est pas descendue dans la rue comme auparavant, mais les protestations des jeunes ont continué. Lorsque les élections ont finalement eu lieu à la fin de 2018, au moins 320 personnes avaient été tuées et 3.500 blessées à Kinshasa après trois ans de protestations.

Félix Tshisekedi : un nouveau départ pour une vieille situation

Les élections congolaises ont finalement eu lieu en décembre 2018, mais une fois de plus, elles se sont enlisées dans la controverse. En apparence, Félix Tshisekedi, le fils d’Étienne, a assumé la présidence dans le cadre du très attendu « premier transfert pacifique depuis l’indépendance ». Félix Tshisekedi a suscité de grands espoirs après 18 ans de Kabila, en s’engageant à poursuivre la « réconciliation nationale » et à lutter contre la corruption et la pauvreté. Il a fait libérer certains prisonniers politiques et a lancé son « Programme des 100 jours », doté de 304 millions de dollars, qui visait à développer les routes, la santé, l’éducation, le logement, l’énergie (eau et électricité), l’emploi, les transports et l’agriculture.

L’efficacité de ces programmes sera limitée si les richesses minières de la RDC ne sont pas nationalisées et utilisées au profit des paysans et de la classe ouvrière du pays. Dans les dernières années du pouvoir de Kabila, les multinationales ont fait campagne contre les propositions du gouvernement d’augmenter légèrement les impôts sur les entreprises. Après des menaces de réduction des investissements, le gouvernement a fait marche arrière et a accepté une part de 10 % dans les nouveaux projets, contre les 30 % proposés. La taxe sur les mines d’or a été bloquée à 6 %. A moins que Tshisekedi ne morde les mains qui le nourrissent, le gouvernement du Congo reste aux mains des multinationales minières.

Les résultats des élections de 2018 ont également été fortement contestés. Tant les observateurs internationaux que l’Église catholique congolaise, qui a envoyé 40.000 observateurs, soutiennent que le pro-occidental et ancien dirigeant d’ExxonMobil Martin Fayulu est sorti vainqueur. Fayulu a probablement été le vainqueur ; mais il ne représentait guère une alternative pour le peuple congolais, étant un ami proche de certains des hommes les plus riches du Congo. L’annonce des résultats électoraux a coïncidé avec un renforcement des forces de sécurité dans les villes, une interruption du service internet pour contenir les mobilisations de protestation et des affrontements avec les forces de sécurité. Des troubles sporadiques ont fait 34 morts, 59 blessés et 241 « arrestations arbitraires » dans la semaine qui a suivi l’annonce, selon le bureau des droits de l’homme des Nations unies.

L’État n’est pas un arbitre neutre, servant les besoins de la classe dirigeante. La Cour constitutionnelle a confirmé la victoire de Tshisekedi, permettant à Kabila de rester dans le coin. Tshisekedi a conclu un accord de partage du pouvoir avec Kabila, qui n’est plus président, mais tient toujours les rênes de nombreux secteurs clés depuis son poste de « sénateur à vie ». Kabila a refusé d’exclure une nouvelle candidature à la présidence en 2023, lorsqu’il ne sera plus limité par le nombre de mandats. Pendant ses 18 années au pouvoir, Kabila a installé ses loyalistes dans toute la bureaucratie fédérale, et sa coalition au pouvoir a remporté une majorité parlementaire retentissante, 342 des 485 sièges. Il n’est donc pas surprenant que Tshisekedi ait finalement annoncé un gouvernement de coalition, avec 23 membres de l’UDPS et 42 membres de la coalition du Front commun pour le Congo (FCC) de Kabila, sept mois après son investiture.

La coalition UDPS-FCC au pouvoir a déjà été frappée par un scandale de corruption très médiatisé, à la veille des célébrations de la fête de l’indépendance. Le chef de cabinet présidentiel Vital Kamerhe a récemment été condamné à 20 ans de prison pour avoir détourné 49 millions de dollars destinés au logement social dans le cadre du programme de construction de 100 jours. Kamerhe a soutenu Tshisekedi dans sa campagne électorale réussie de 2018 en échange du soutien de Tshisekedi lors de la prochaine élection en 2023. En conséquence, son arrestation et sa condamnation ont provoqué une onde de choc dans tout le Congo, alimentant les spéculations selon lesquelles l’affaire est politiquement motivée pour l’empêcher de défier Tshisekedi en 2023. Au début du mois, le ministre de la justice a révélé que l’ancien président de la Cour suprême, qui était censé être mort d’une crise cardiaque le mois dernier, avait en fait été assassiné. En conséquence, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance, les choses continuent de se dérouler comme d’habitude dans les cercles dirigeants de la RDC.

L’Est du Congo et la MONUSCO

La MONUSCO est la mission de « maintien de la paix » des Nations unies, forte de 20.000 hommes, active dans l’est du Congo depuis 1999, avec un budget d’un milliard de dollars par an. D’abord déployée dans le contexte de la deuxième guerre du Congo, la mission s’est concentrée sur la dispersion des FDLR et a depuis lors entrepris d’engager d’autres groupes rebelles opérant au Congo. On estime que 160 groupes rebelles, avec un total de plus de 20.000 combattants, opèrent dans la seule province du Nord-Kivu, contrôlant les principales mines d’or et de cobalt.

La MONUSCO est controversée depuis le début, les soldats de l’ONU apportant un soutien important aux soldats du gouvernement congolais, accusés de viols et de meurtres à grande échelle (les mêmes crimes que ceux commis par les rebelles FDLR). Les soldats de la MONUSCO ont eux-mêmes été fréquemment accusés d’avoir agressé sexuellement des civils, sans pour autant empêcher l’exploitation des mineurs par les multinationales ou protéger efficacement les civils des attaques des rebelles.

En 2013, le groupe rebelle M23 a pris la capitale provinciale du Nord-Kivu, Goma, discréditant ainsi la mission de l’ONU. L’ONU a réagi en autorisant ses soldats à tirer les premiers, ce qui constitue une rupture avec les règles traditionnelles de maintien de la paix de l’ONU.

La victoire sur les forces rebelles est restée insaisissable, car les rebelles contrôlent des régions très lucratives et riches en ressources. En outre, plusieurs groupes rebelles bénéficient du soutien actif du Rwanda de Kagame et de l’Ouganda de Museveni, qui ne sont pas soumis à la pression internationale pour qu’ils renoncent, car ils sont des alliés occidentaux dans la guerre contre le terrorisme. Il y a également un nombre important de réfugiés rwandais toujours dans l’est du Congo, dont certains sont des criminels de guerre, ce qui complique encore les tensions ethniques, les ressources et les terres dans l’est du pays. Enfin, l’incapacité du gouvernement et de la MONUSCO à protéger les civils ainsi que l’absence de responsabilité pour les crimes commis par les forces gouvernementales encouragent, de manière compréhensible, les habitants de l’est du Congo à former leurs propres groupes armés.

Depuis l’automne 2019, la violence a de nouveau augmenté dans l’est du pays, les groupes rebelles attaquant les civils en représailles à une nouvelle offensive gouvernementale. À Beni, des frustrations ont éclaté à propos de l’incapacité des Nations unies à protéger les civils massacrés par les forces rebelles. Les manifestants ont attaqué un complexe de l’ONU après que des soldats de l’ONU aient tué deux manifestants. Cette manifestation s’est accompagnée d’une semaine de fermeture d’entreprises et de manifestations de solidarité à Goma.

En 2020, la violence s’est encore aggravée et n’a jusqu’à présent bénéficié d’aucune couverture médiatique. Les attaques des rebelles, notamment les meurtres et les viols de masse, ralentissent les interventions des travailleurs humanitaires et du gouvernement contre le virus Ebola et le COVID-19 dans la région. En Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, plus de 1.300 personnes ont été tuées et plus de 500.000 personnes ont été déplacées au cours des huit derniers mois par les massacres de la population civile perpétrés par les rebelles. L’armée a exercé des représailles contre les rebelles, mais les soldats continuent de tuer et d’agresser sexuellement des civils de façon régulière. Ces actions empêchent toute forme de confiance entre le peuple congolais et les représentants de l’État, tant sur le plan sécuritaire que politique.

Quelle issue ?

Malgré son histoire tumultueuse de colonialisme et de néocolonialisme, le Congo n’est pas dans une situation désespérée. La solution à la pauvreté, à la guerre et à l’impérialisme réside dans le peuple congolais, et non dans le gouvernement actuel, ses alliés internationaux ou l’ONU. Les troubles du peuple congolais ne cesseront pas tant que le pays sera géré sur la base de politiques néolibérales et anti-pauvres, telles que dictées par le FMI/Banque mondiale, et tant que les énormes richesses minérales du Congo seront pillées par les multinationales et les troupes rebelles.

Les organisations de travailleurs sont faibles en RDC en raison des années de guerre et de dictature. Pourtant, ce n’est qu’en construisant des organisations indépendantes de travailleurs et de pauvres que l’on pourra briser l’emprise des pillards et des impérialistes locaux. La campagne soutenue pour la démission de Kabila et la grève générale « villes mortes » montrent la puissance émergente de la classe ouvrière congolaise. Ce genre de mouvements permet de tirer des leçons sur la manière d’élargir les protestations et les mouvements de grève, sur la manière de lier les questions sociales, les questions de sécurité et les questions démocratiques, sur la manière de s’organiser démocratiquement et sur la manière de lutter pour le droit de construire des syndicats indépendants et un parti des travailleurs et des opprimés.

Une lutte socialiste est nécessaire en RDC et c’est la seule façon de briser le cycle sans fin de la pauvreté, de la corruption, de la guerre et de l’exploitation. Les droits des minorités doivent être protégés. Les travailleurs doivent s’organiser pour se défendre contre l’exploitation et pour la nationalisation des ressources naturelles et du capital sous le contrôle démocratique des travailleurs, avec le soutien des pauvres des zones rurales. Les bénéfices des richesses minières du Congo doivent être investis dans l’éducation et les soins de santé. Les dettes de la RDC doivent être abolies. Les gouvernements et les politiciens du Congo bloquent le développement, car leurs intérêts sont ceux des multinationales, et doivent être renversés. Les travailleurs du monde entier doivent être solidaires des travailleurs du Congo pour atteindre ces objectifs.

Martin LeBrun, Socialist Alternative (ISA au Canada)


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