Plus que jamais auparavant, la population du Québec commence à comprendre que les entreprises privées sont incapables de combler ses besoins essentiels. Que ce soit la production de masque N-95, l’accès au logement ou la prise en charge des personnes âgées, ces compagnies privées continuent de prioriser le profit plutôt que nos besoins. Cette situation est intenable pour de plus en plus de gens. C’est justement lorsque les contradictions d’un système en crise pèsent lourd sur la classe ouvrière qu’un parti de gauche comme Québec solidaire doit être à son plus fort.
Pour les membres de Québec solidaire (QS), il aurait été logique de s’attendre à ce que les efforts du parti soient à la hauteur de la crise sanitaire, économique, politique et sociale actuelle. Or, dès la mi-mars, la direction solidaire a annulé toutes les activités et assemblées du parti, ainsi que la campagne Ultimatum 2020. Dès le début de la crise, le parti a appuyé la fermeture de l’Assemblée nationale et a promis « sa pleine et entière collaboration » avec le premier ministre François Legault. La porte-parole de QS, Manon Massé, a défendu publiquement la nécessité d’une unité totale derrière le gouvernement populiste de la CAQ. Nous serions désormais tous et toutes dans « la même équipe ». L’aile parlementaire et les porte-parole de QS se sont ainsi coupées des militants et militantes de base en continuant, de manière complètement isolée, leurs activités de lobbying auprès de l’entourage du premier ministre.
D’un parti des urnes et de la rue, QS n’est maintenant ni l’un ni l’autre. Ce parti est supposé en être un d’opposition, doit-on le rappeler. Plusieurs militants et militantes solidaires ne se sont pas gênées pour exprimer sur les médias sociaux leur opposition à cette approche. Sans ironie, l’aile parlementaire croît-elle vraiment pouvoir convaincre un gouvernement néolibéral xénophobe et nationaliste de la justesse de ses idées?
Depuis, QS a essentiellement réagi aux événements politiques en étant à la remorque des groupes communautaires sur la question du logement, à la remorque du Parti libéral de Justin Trudeau sur la question de l’aide financière directe aux personnes ou encore à la remorque du Parti libéral du Québec quant à la réouverture du parlement québécois. Un mois après le début de la crise, la direction de QS a finalement fait une sortie sur Pharma-Québec, son projet de nationalisation du secteur stratégique des médicaments et du matériel médical. Une rencontre en ligne avec les deux porte-parole est prévue le 18 avril vise à faire le point sur la « posture politique qu’adopte Québec solidaire ».
Montrer une posture forte et avoir de l’initiative
QS n’a pas été conçu pour n’être qu’une aile parlementaire. C’est plutôt le rôle actif des membres dans la mobilisation militante de leurs communautés qui ont été pensé comme le moteur du parti. Le programme de QS souligne que :
L’exercice démocratique doit donc être repensé pour encourager la participation des citoyennes et des citoyens y compris les personnes plus exclues ou marginalisées, aux choix de société. C’est ce que nous appelons la démocratie participative.
Jusqu’à nouvel ordre, cette participation à la vie démocratique du parti a été supprimée. Sauf que le potentiel demeure. D’autres partis de gauche, comme La France insoumise, n’ont pas du tout pris le tournant complaisant du patriotisme. Ses membres et élu·es demeurent très critiques envers le gouvernement d’Emmanuel Macron et sont actifs dans la mesure du possible. De son côté, QS peut très bien faciliter la mise en contact des membres de la base à l’aide de logiciels interactifs. Des formations en ligne sont organisées depuis des années.
Après pratiquement un an de silence, la responsable nationale à la formation, Marie-Josée Forget, a présenté un projet de formation en ligne ouvert à toutes les personnes membres, l’École buissonnière. Voilà une très bonne initiative! Assurons-nous maintenant que ces formations servent d’abord et avant tout à organiser et mobiliser les membres afin de prendre part, le plus rapidement possible, aux luttes des travailleurs et des travailleuses
Voici le moment pour les membres qui sont en quarantaine de discuter sur des thèmes de campagnes, de former des cercles de lecture et d’échanger sur de potentielles actions politiques. On se sent mieux lorsqu’on est productif et productive. Les travailleurs et travailleuses essentielles risquent de se sentir davantage soutenus en sachant que nous nous efforçons maintenant de résoudre les problèmes de notre société, plutôt que de savoir que l’ont remet l’action du parti à une période « post-crise » l’automne prochain.
Il est temps pour les membres de QS de faire un état des lieux de ce qui se passe dans la cour de la majorité des travailleurs et travailleuses et de revendiquer ouvertement les solutions à long terme du programme de Québec solidaire. Arrêtons de penser à des demi-mesures temporaires qui visent à ne pas froisser les intérêts des riches et des puissants.
Nationalisons pour combler nos besoins essentiels!
Les compagnies privées n’en ont que pour leurs profits. Que ce soit en construction ou dans les résidences privées pour personnes âgées, plusieurs entreprises obligent les employé·es à travailler sans les équipements de protection individuelle requis. Certaines directions profitent de la situation pour faire des économies sur le dos des employé·es. Elles obligent des horaires de travail étendus, ce qui annule les heures supplémentaires qui auraient été payées davantage.
En d’autres mots, une entreprise dont le seul horizon est de maximiser son chiffre d’affaires est incapable de considérer d’autres enjeux qui pourraient lui nuire, comme les dépenses en santé du personnel. Comment le pourrait-elle? Si elle est n’est pas la plus compétitive, soit elle ferme, soit elle se fait avaler par plus grand qu’elle. Pour que notre économie réponde à nos besoins, nous devons nous débarrasser de la soif de profits de la toute petite élite capitaliste.
Dans son programme, QS propose une bonne approche :
Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. Ce processus de transformation sociale reposera, notamment, sur une économie publique forte (secteur des services publics, société d’État et nationalisation de grandes entreprises dans certains secteurs stratégiques) et sur une économie sociale.
Cette approche casse radicalement avec celle de tous les autres partis politiques. Il est temps de défendre la nationalisation des secteurs clés de notre économie. Est-ce qu’il y a une compagnie qui peut produire des masques N-95? Il est temps de la placer sous contrôle démocratique des travailleurs, des travailleuses et de la communauté. On a besoin de transporter les gens en taxi vers les hôpitaux? Intégrons une flotte de taxi électrique au système de transport en commun. Des criminels notoires et des incompétents gèrent des résidences pour personnes âgées où s’accumulent dramatiquement les décès en raison de la COVID-19? Nationalisons-les! Les exemples sont nombreux où seul l’État est en mesure d’assurer des emplois durables, de qualité et écologiques.
Personne ne devrait perdre son logement après avoir perdu son emploi!
Les gens perdent leurs emplois par centaines de milliers et ne peuvent plus payer leur loyer. Le porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, s’est contenté de proposer au gouvernement d’offrir une période de grâce d’un mois aux locataires du Québec afin de payer leur propriétaire. Face à la crise du logement et à la crise économique qui jettent les gens à la rue, notre réponse se limite-t-elle vraiment à tenter de garantir un loyer aux propriétaires de capital immobilier!? On peut, et on doit faire mieux. Encore une fois, le programme est là pour nous aider.
QS dit que le parti :
Mettra en place des mesures afin d’éviter que des personnes consacrent plus que 25% de leurs revenus à leur loyer : contrôle du prix des loyers, accroissement de l’accessibilité aux logements sociaux, contrôle du coût de chauffage, etc.
Voilà des revendications qui peuvent faire une différence dans la vie des gens. Des membres de QS peuvent se mobiliser et organiser des campagnes locales basées sur de telles revendications concrètes. Une pétition pancanadienne pour l’annulation des loyers du 1er avril a reçu une énorme vague de soutien avec pas moins de 737 000 signatures. Avec ses dix député·es réparti·es dans quatre régions, QS dispose du poids politique et des ressources qui seraient en mesure de populariser et d’organiser une campagne nationale de gel et d’annulation des loyers et des hypothèques.
QS doit aider la lutte des employé·es du secteur public!
La lutte la plus saillante est bien celle des employé·es de la santé et des services sociaux aux prises avec une pénurie de matériel, une surcharge de travail et un manque de personnel. Ces employé·es ont besoin d’une amélioration immédiate de leurs salaires et conditions de travail.
Les membres de QS ont un rôle à jouer. Dans son programme, QS reconnaît « l’importance des mouvements sociaux, communautaires et syndicaux, ainsi que les autres formes d’organisation des citoyennes et des citoyens ». Dans cette optique, QS doit se mobiliser rapidement pour soutenir le personnel du secteur public et intervenir dans les luttes. C’est de cette manière que QS pourra révéler la dimension politique de ces problèmes aux personnes en lutte et leur proposer un projet de société alternatif, une société bâtie dans l’intérêt des travailleurs et des travailleuses.
Une vision à long terme
Ces efforts s’inscrivent dans une lutte soutenue qui doit gagner en force au fur et à mesure que des gains, même tous petits, sont réalisés. Pour penser remporter de grandes luttes futures, nous devons nous activer dès maintenant. Réactivons nos associations de circonscription et tentons d’entrer en contact avec les personnes en lutte! C’est seulement avec la mobilisation de masse, soutenue et organisée sur la base de revendications claires, que nous pourrons dépasser le capitalisme et bâtir le socialisme.