Primaires démocrates aux États-Unis : L’establishment démocrate en guerre contre la gauche

9Alors que la poussière retombe suite à un Super mardi frénétique, une chose est claire. La course se livre désormais entre un candidat gaffeur soutenu par les milliardaires, Joe Biden, et « l’organisateur en chef » des mouvements de la base, Bernie Sanders.

La surprise du Super mardi (Super Tuesday), c’est le sprint de dernière minute de l’élite du Parti démocrate pour saper la révolution politique de Sanders.

Joe Biden, comme candidat démocrate faible au programme « modéré », peu inspirant et adapté aux intérêts des corporations, offre maintenant une réelle occasion à Trump de remporter quatre autres années à la Maison-Blanche. Comme Bernie l’a souligné dans son discours, les options pour les travailleurs et les travailleuses ne pourraient être plus évidentes.

À la veille du Super mardi, après une victoire éclatante de Biden en Caroline du Sud, l’establishment s’est montré prêt à tout pour se débarrasser de Sanders. Amy Klobuchar, sénatrice au Minnesota, ainsi que le candidat Pete Buttigieg se sont retirés de la course pour endosser Biden. Bloomberg était le dernier en liste pouvant offrir une opposition à Biden. Il s’est aussi désisté de la course pour soutenir Biden après une piètre performance.

Les médias corporatifs ont consciencieusement couvert la « réémergence » de Joe Biden. Comme l’a dit son adjoint de campagne : « Ce fut un tsunami médiatique mérité jusqu’au Super mardi. Tout ce que vous voyez, c’est Joe Biden. Et ce n’est pas un accident ». En plus d’une couverture positive pour Biden, un Comité d’Action Politique (PAC) obscur appelé le Big Tent Project, possédant des liens avec l’élite démocrate, a dépensé près de 1 million $ en publicité anti-Bernie. Cela s’ajoute aux dizaines de millions $ dépensés par Bloomberg pour des publicités sauvages anti-Bernie, y compris celles intitulées Comment la NRA (National Rifle Association) a pavé le chemin pour Washington à Sanders.

Quels sont les résultats?

Au moment d’écrire ces lignes, Biden dispose de 643 délégué·es contre 566 pour Sanders. Bernie est de loin le plus populaire chez les moins de 30 ans, tout comme chez l’électorat latino. Selon les sondages effectués à la sortie des bureaux de vote en Californie, 50 % de l’électorat des primaires a demandé une « refonte du système économique aux États-Unis ». C’est 55 % qui appuient un système de santé universel et 73 % qui appuient la gratuité des études collégiales. De plus, 53 % de cet électorat dit avoir une « vision favorable du socialisme ».

Dans les États du Sud, Biden a eu un net avantage dans l’électorat plus âgé et plus conservateur. Sa capacité à invoquer avec nostalgie l’ère Obama est l’une des raisons de ses victoires dans certains de ces États. Dans les sondages de sortie en Virginie, en Caroline du Nord, au Tennessee et en Alabama, près de la moitié de l’électorat dit vouloir « revenir aux politiques de l’ancien président Barack Obama ».

Une grande partie du vote de Biden provient d’électeurs et d’électrices qui ont fait leur choix à la dernière minute. Ce n’est pas surprenant et indique le défi auquel Biden fait face à mesure que la course progresse. Les dernières semaines ont sans aucun doute été le sommet de sa campagne présidentielle. Il a été couvert par les médias corporatifs, soutenu à la dernière minute suite aux abandons de Buttigieg et Klobuchar, et couvert du tir direct en raison d’une course électorale bondée de candidatures. Puisqu’il est maintenant seul sur scène à s’opposer à Bernie, celui-ci pourra dorénavant pointer du doigt les différences nettes entre ses espoirs de révolution politique et le statu quo procorporation de Biden.

Biden n’est pas notre « ami »

Le blitz de Biden au Super mardi s’est produit malgré sa grande faiblesse comme candidat. Non seulement il représente ouvertement la poursuite du statu quo ayant contribué à mener Trump à la victoire, mais il n’est même pas un représentant éloquent de cette politique. Malgré sa victoire, rien ne garantit que Biden remportera la victoire dans une course effrénée contre Sanders.

Biden s’oppose au Medicare for All, à un Green New Deal et soutient des accords de libre-échange désastreux qui entraînent vers le bas tous les travailleurs et travailleuses du monde. Il a appuyé la guerre en Irak et plaidé à maintes reprises en faveur de coupes dans la sécurité sociale. Il a été l’architecte du projet de loi de 1994 sur la criminalité ayant mené à l’état d’incarcération raciste de masse actuel. Il s’oppose à l’annulation de la dette étudiante. Dans les années qui ont suivi son adoption, il a dit de l’arrêt Roe v. Wade (sur le droit à l’avortement) qu’il « va trop loin ». Et il est heureux d’avoir voté pour la suppression des protections de la classe ouvrière contre la faillite.

En plus de ce bilan désastreux s’ajoutent les doutes sur ses facultés intellectuelles actuelles. Pendant son discours de victoire du Super mardi, il a confondu sa femme et sa sœur. Quelques jours plus tôt, il a parlé du « Super jeudi » et a annoncé qu’il « se présentait au Sénat des États-Unis. » Encore une fois, que se passera-t-il si Biden devient le candidat démocrate devant débattre avec Trump à la télévision nationale? C’est une démonstration de la faiblesse générale de l’élite du Parti démocrate que d’avoir misé sur Biden comme meilleur candidat pour faire tomber Bernie.

À cette étape, si notre mouvement pour une révolution politique est en voie de gagner, Bernie Sanders doit cesser de parler de Biden comme de « son ami ». Il doit enlever d’urgence ses gants blancs et exposer aux millions d’Américains et d’Américaines quel piètre adversaire Biden serait face à Trump et à quel point une présidence Biden serait désastreuse pour la classe ouvrière.

Qu’est-ce que ça signifie pour Bernie?

Les primaires ne sont jamais le terrain idéal pour les personnes représentant la classe ouvrière. L’électorat à tendance à être plus âgé et mieux nantis que celui d’une élection générale, ce qui a sans doute contribué aux résultats du Super mardi. Malgré l’avance de Biden, les deux tiers des délégué·es sont toujours à gagner et la course est loin d’être terminée. Ce moment aura été le point culminant de la campagne de Joe Biden. Bernie peut encore gagner une pluralité de délégué·es à la Convention nationale démocrate. Il est probable que Bernie gagne si Biden s’écroule de lui-même. Mais il est beaucoup plus probable que ni Biden ni Sanders remportent une majorité absolue de délégué·es à cette étape. Cela signifie que – comme nous l’avons déjà indiqué – une épreuve de force soit nécessaire lors de la Convention.

La conclusion du Super mardi devrait servir de cri de ralliement à la classe ouvrière et aux jeunes de tous les États-Unis. Ils doivent férocement construire un mouvement derrière Sanders. L’élite démocrate a d’énormes outils à sa disposition, y compris son emprise sur les médias corporatifs. La seule défense que nous avons contre un nouveau vol des primaires par l’establishment du parti est un mouvement populaire de masse.

Un des éléments clés dans la stratégie de Sanders pour gagner en Californie a été l’organisation populaire de la communauté latino-américaine. De jeunes partisans latino-américains de Bernie ont organisé des repas « Tamales por Tío Bernie » et des réunions de quartier pour convaincre leurs amis et leurs familles de voter pour Bernie. Nous devons étendre cette stratégie à l’ensemble du pays.

Vaincre l’establishment démocrate

Nous ne pouvons pas gagner une révolution politique les mains liées dans le dos. Il n’y a pas de preuve plus évidente que la conclusion du Super mardi. Le Parti démocrate est un outil des grandes entreprises et nous avons besoin d’un nouveau parti pour les travailleurs et travailleuses des États-Unis.

À partir de maintenant, la bataille deviendra plus vicieuse et intense. Nous devons nous préparer pour une épreuve de force à la Convention nationale démocrate de juillet. Si Sanders entre dans la Convention avec une pluralité de délégué·es, l’establishment tentera par tous les moyens de lui refuser la nomination.

L’appel #Million2milwaukee de Socialist Alternative vise a mobiliser massivement la population en soutien à Bernie dans les rues de Milwaukee lors de la Convention démocrate. Nous devons répondre aux tentatives de sabotage de l’establishment avec une démonstration de force prouvant que nous n’accepterons pas le résultat d’une primaire et d’une Convention truquées.

Au-delà de la Convention, que Sanders gagne ou perde, nous devons organiser à travers le pays des conférences avec ses partisans et partisanes afin de discuter de comment mener la lutte pour une révolution politique. Ces conférences pourraient ouvrir une discussion sérieuse sur la construction d’une force politique ouvrière indépendante du Parti démocrate.

Maintenant, alors que la course se réduit à ses deux pôles politiques, l’un avec le soutien de l’ensemble de l’establishment et l’autre avec le soutien d’un mouvement de masse, nous devons redoubler d’efforts pour faire élire Bernie Sanders.

Version éditée du texte de Keely Mullen, Socialist Alternative (ISA aux États-Unis)


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