Il y a 20 ans, la première réunion des 12 présidents d’Amérique du Sud s’est tenue à Brasilia en compagnie de 350 entrepreneurs latino-américains. De cette importante rencontre a surgi l’Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (IIRSA). Cette dernière a ouvert la porte au capital privé et a engendré des désastres pour les peuples autochtones et la population d’Amérique latine en général. Les inégalités croissantes à l’origine des mouvements de contestation actuels y tirent leurs racines.
L’IIRSA est un mécanisme de coordination intergouvernemental pour la promotion de projets communs en infrastructure de transport, de communications et d’énergie. L’idée derrière cette initiative continentale est de positionner l’Amérique du Sud à un niveau de compétitivité économique et commerciale plus élevé. À la suite de cet accord, les chefs d’États et d’entreprises rassemblés à Brasilia ont créé l’Agenda des projets prioritaires d’intégration de l’Amérique du Sud. Le Conseil sud-américain des infrastructures et de la planification a été chargé de discuter, de planifier les stratégies et d’implémenter les projets d’infrastructures en l’Amérique du Sud.
Un plan dirigé par la grande finance
Ces projets ont été signés et approuvés par les ministres des Transports, des Télécommunications et de l’Énergie des 12 pays sud-américains. Sa coordination technique a été déléguée à trois organismes financiers : la Banque interaméricaine de développement (BID), la Corporation andine de développement (CAF) et le Fonds financier pour le développement du bassin du Rio de la Plata (FONTPLATA). Ces organismes ont élaboré un plan d’action ajusté aux intérêts du capital.
À première vue, l’IIRSA semblait pouvoir apporter de grands bénéfices pour l’Amérique du Sud. En y regardant de plus près, on a pu découvrir la vraie intention. Dès le début, l’objectif de l’IIRSA consistait à faciliter l’exploitation des gisements d’hydrocarbures, de minéraux, des ressources en eau, des ressources énergétiques et des infrastructures de transports par les multinationales.
Division géostratégique de l’Amérique du Sud
Les projets découlant de l’IIRSA ont permis de mettre sur pied une stratégie géoéconomique de division de la carte sud-américaine selon des axes et priorités de développement. On y compte :
- l’axe Amazonie (Brésil, Colombie, Pérou, Équateur) ;
- l’axe andin (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Venezuela) ;
- l’axe de Capricornio (Argentine, Brésil, Chili, Paraguay) ;
- l’axe du Bouclier de la Guyane (Brésil, Guyane, Suriname, Venezuela) ;
- l’axe de l’Hydro-vie Paraguay-Parana (Argentine, Brésil, Bolivie, Uruguay, Paraguay) ;
- l’axe interocéanique Centrale (Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay, Pérou) ;
- l’axe Mercosur-Chile (Argentine, Chili, Paraguay, Brésil, Uruguay) ;
- l’axe Pérou-Brésil-Bolivie (Pérou, Brésil, Bolivie).
Chacun des axes comprend divers projets comme la création de ponts, de tunnels, de gazoducs, de couloirs ferroviaires ainsi que la construction de grands aéroports de frets et celui de l’accès nord-est au fleuve Amazone. On retrouve également de vastes projets de travaux de construction d’autoroutes se dirigeant vers la mer. Ces projets causeraient une des pires dévastations des ressources naturelles, en particulier en Amazonie.
Résistance de la population locale
Malgré l’imposition de ces énormes projets, les différentes communautés d’Amérique latine résistent. Ces projets affectent leurs traditions, leur façon de vivre, leur souveraineté et mettent en danger leur coexistence avec la nature.
Les populations autochtones et paysannes sont témoins de la manière dont leurs territoires ancestraux sont volés et contaminés tandis que les plans destructifs de l’IIRSA continuent d’être déployé sans respecter ni consulter les communautés.
Même si un grand nombre de gouvernements d’Amérique latine ont signé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ils continuent de soutenir les projets de l’IIRSA.
En 2008 à Bogota, Colombie, près de 500 délégué·es se sont présenté·es au Forum Andin afin de manifester contre l’extractivisme. Des représentant·es de communautés autochtones d’Amérique latine, de petites entreprises minières et de travailleurs de mines se sont uni·es pour faire une déclaration qui a dénoncé les intentions douteuses et les graves conséquences des actions de l’IIRSA.
Il est évident que la vague des protestations actuelles en Amérique du Sud, les soulèvements des communautés autochtones, les grèves des travailleurs et travailleuses des mines, les pétitions des paysan·es et des défenseurs de l’environnement tirent leurs racines dans les projets économiques néolibéraux planifiés dès l’an 2000.
Sara E. Cifuentes Ortiz