Abolition des commissions scolaires: une réforme antidémocratique au profit du privé

Dans la nuit du 7 au 8 février 2020, la Coalition Avenir Québec (CAQ) a fait adopter sous le bâillon le projet de loi 40. Il s’agit d’un projet de loi mammouth qui ouvre davantage la porte au privé en éducation tout en sabrant dans la démocratie scolaire québécoise.

Ce projet de loi vient principalement modifier la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaire. Pas moins de 84 lois seront modifiées, parfois simplement pour des raisons de concordance, incluant la Charte de la langue française. En gros, cette loi abolit les commissions scolaires pour faciliter davantage l’intégration du privé dans les nouvelles structures en plus de se débarrasser d’une structure démocratique (les élections aux postes de commissaires scolaires) gênante pour les plans du gouvernement .

Ce n’est pas nouveau que les néo-libéraux attaquent les commissions scolaires. Déjà, en 2015, le gouvernement libéral de Phillipe Couillard a tenté de les abolir en déposant le projet de loi 86. Les libéraux se sont rétractés devant le tollé. La CAQ, alors dans l’opposition, a déchiré sa chemise et, lors de la campagne électorale de 2018, en a fait une de ses promesses électorales.

Précariser les conditions de travail

Ce projet de loi va, entre autres, éliminer les commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires décentralisés. Les élèves seront maintenant considéré·es comme une clientèle que va recevoir des services d’éducation. En décentralisant les services, les employé·es qui s’occupent de nos enfants seront appelé·es à travailler dans divers établissements scolaires, rendant plus difficile le suivi de dossier, l’établissement de liens de confiance, l’intérêt, etc.

La nouvelle loi impose le regroupement de certains services offerts par différentes organisations, notamment avec le secteur privé ou entre les différents centres de services scolaires. Cela ouvre toute grande la porte à la sous-traitance et à des partenariats publics-privés (PPP). Sachant ce que nous coûtent les PPP en santé, comment ne pas s’inquiéter de la facture lorsqu’il s’agit de notre système scolaire? Sachant comment le regroupement des services d’entretien, de restauration ou de buanderie a fait diminuer la qualité des services en santé, comment ne pas craindre la même chose en éducation?

Atteinte à la démocratie

Le PL40 a été adopté sous le bâillon. Pour la 4e fois en huit mois, la CAQ a utilisé cette procédure antidémocratique pour faire passer des projets de loi contestés. Que ce soit pour la loi sur la laïcité de l’état (PL21), le projet de loi 9 sur l’immigration ou la déréglementation des tarifs d’Hydro-Québec, lorsque la CAQ sent que le vent ne tourne pas en sa faveur, le bâillon est imposé.

Imposer le bâillon en démocratie devrait être un geste extrêmement rare et justifié par des circonstances exceptionnelles. Le premier ministre François Legault a justifié sa décision en prétextant que 70 heures de débats en commission parlementaire, c’était suffisant. Or, 167 pages d’amendements ont été déposées en début de semaine par le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, rendant impossible d’étudier et de débattre démocratiquement sur le contenu et la valeur de ces amendements. Non seulement Legault et la CAQ gèrent le gouvernement du Québec comme s’il s’agissait d’une entreprise, mais il pousse l’arrogance jusqu’à dire que le processus parlementaire doit être revu pour empêcher les élu·es de débattre le temps nécessaire. Cette réforme du parlementarisme québécois a été confiée au ministre de l’Immigration Jolin-Barrette qui a déjà démontré à plusieurs reprises son amateurisme et son mépris du processus démocratique.

Un palier démocratique disparaît

En supprimant les élections scolaires, cette réforme vient supprimer un palier démocratique de notre société. Faire disparaître ces élections sous prétexte que les gens ne participent pas assez est un déni de démocratie grave. Depuis plusieurs années, différents groupes (commissions scolaires, syndicats, etc.) proposent différentes solutions pour stimuler la participation citoyenne aux élections scolaires.

Que ce soit en tenant les élections scolaires au printemps, par vote électronique ou en même temps que les élections municipales (comme ça se fait ailleurs au Canada), les idées ne manquent pas. Mais il semble que la CAQ ait préféré faire fi du processus démocratique et simplement supprimé les gêneurs que sont les commissaires scolaires. D’ailleurs, le ministre Roberge a glissé parmi les 82 amendements déposés celui qui va abolir les postes de commissaire scolaire dès l’entrée en vigueur de la loi.

Sachant que la CAQ veut maintenant réformer le processus parlementaire, c’est une situation très inquiétante.

Instrumentalisation linguistique

Pour ajouter l’insulte à l’injure, la suppression de ce palier démocratique ne touchera pas les commissions scolaires anglophones. En effet, la Charte canadienne des droits et libertés garantit à la minorité anglophone québécoise le droit à l’éducation dans sa langue, comme c’est le cas pour les minorités francophones hors Québec. Cette instrumentalisation orchestrée par un gouvernement autoritaire ne va servir qu’à diviser les travailleuses et travailleurs du Québec sur des bases linguistiques plutôt que de mettre l’emphase sur la disparition de processus démocratiques. La classe ouvrière à tout à perdre en contestant la loi sur ces bases plutôt que sur celui d’un processus démocratique qui disparaît et du privé qui accoure.

Un système scolaire pour la majorité

Nous avons besoin d’un système scolaire administré par la classe ouvrière, offrant des conditions de travail décentes au personnel enseignant, administratif et de soutien. Le système d’éducation doit voir aux besoins des élèves, pas à l’arbitraire d’un gouvernement de patrons et de banquiers.

Les écoles ne peuvent être gérées comme des entreprises privées. L’éducation est un droit universel à défendre contre la volonté de profits d’une minorité de possédants. Il est essentiel pour la classe ouvrière d’avoir accès à un système d’éducation gratuit, de la maternelle à l’université. Les structures démocratiques au niveau scolaire font partie des moyens pour défendre ce droit. Les groupes concernés par les enjeux en éducation, à commencer par les syndicats, sont les mieux placés pour trouver les solutions adéquates aux défis de la démocratie scolaire et municipale. Et elles ne passent pas par les projets des entreprises privées et de leurs partis politiques.


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