France : Des journées cruciales pour l’extension et à la généralisation de la grève

Ce jeudi 9 janvier, le conflit sur les retraites atteint son 36e jour de lutte sans interruption depuis le 5 décembre, avec déjà 4 journée nationales de grève et de manifestation interprofessionnelles tandis que différents secteurs sont en grève par intermittence ou depuis le début du mouvement. Un record jamais vu en France depuis 1968. Après avoir perdu la bataille de l’opinion publique, qui reste résolument du côté du mouvement et des syndicats même après la période des fêtes, Emmanuel Macron et son gouvernement attendent l’épuisement des ressources des grévistes et donc des mobilisations.

Lors des vœux du président de la république, Macron avait encore confirmé l’obstination du gouvernement concernant son projet de réforme antisocial des retraites et sa stratégie de pourrissement. Les trois journées de mobilisations interprofessionnelles de ces 9, 10 et 11 janvier lancées par les syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU visent donc à frapper un grand coup après les deux semaines de fêtes de fin d’année.

Ces organisations syndicales avaient appelé à « mettre en débat, dès lundi [6 janvier], dans toutes les entreprises, services et lieux d’études en organisant des assemblées générales de salarié·es, d’étudiant·es et de lycéen·nes, les conditions de la réussite du 9 janvier et de ses suites dès le lendemain ». Après le 9 et le 10 janvier, ces syndicats appellent à faire du samedi 11 janvier, « une journée de manifestation dans tout le pays ». Il s’agit d’une première dans l’histoire syndicale de ces quarante dernières années.

Contrairement à ce qu’affirment les médias et le gouvernement, les travailleurs et travailleuses de la RATP et de la SNCF ne sont pas seul·es à poursuivre la lutte. Dans l’énergie, les raffineries, les ports et docks, l’enseignement, la santé, chez les pompiers, à la BNF, à l’Opéra de Paris, dans beaucoup d’entreprises du secteur privé… la mobilisation est forte et la grève est suivie.

Des fêtes passée sous le signe de la lutte

Des centaines d’initiatives combatives se sont tenues un peu partout dans le pays durant la période des fêtes. Dans l’agglomération parisienne, la CGT énergie a fait basculer près de 500 000 foyers au tarif des heures creuses durant la mâtinée du réveillon de Noël. « C’était notre cadeau de Noël », expliquait le représentant CGT Nicolas Noguès, « Pour l’usager, ça se compte en centimes, mais pour l’entreprise, ça va faire un gros manque à gagner ». A Béziers également, les grévistes se sont introduit·es dans la centrale d’alimentation électrique afin de basculer l’ensemble des clients du réseau en « heures creuses ».

Ailleurs, d’autres travailleurs et travailleuses ont coupé l’électricité des riches pour la redistribuer aux pauvres, comme à Bordeaux où les grévistes ont coupé l’électricité à Cdiscount (entreprise française de commerce en ligne) et la mairie pour la redistribuer : « On prend les kilowatts des plus riches et on les redonne aux plus pauvres »

Ces initiatives ont sans aucun doute permis de continuer à marquer des points auprès de l’opinion. Mais elles ont aussi permis de donner un aperçu de ce qui est possible quand ce sont les travailleurs et travailleuses qui sont aux commandes et non plus les patron·es et actionnaires.

Des travailleurs et travailleuses remotivé·es par la dynamique en cours

Depuis que le mouvement en défense des retraite a commencé le 5 décembre dernier, plusieurs raffineries avaient rejoint la lutte, mais sans véritable coordination : certaines n’étaient pas en grève tandis que d’autres ne l’étaient que par intermittence. Cela avait aidé le gouvernement à réorganiser les flux d’approvisionnement en coordination avec les directions d’entreprises pétrolières. Mais, depuis ce mardi 7 janvier, à midi, c’est la totalité des raffineries du pays qui est entrée en grève à l’appel de la CGT Chimie. Cela ne s’était plus produit depuis 2010. En 2016, dans le mouvement contre la Loi travail, une des raffineries n’avait pas suivi, contrairement à aujourd’hui. Cette situation illustre que le mouvement a un impact pour remotiver et remobiliser des travailleurs après la défaite de luttes passées.

La dynamique de structuration de la lutte touche bien d’autres secteurs, comme celui des avocat·es, qui sont entré·es en grève pour toute la semaine pour dénoncer le projet de réforme des retraites. Ce mercredi matin, ils et elles ont retiré leur robe noire pour la jeter aux pieds de la ministre de la Justice en déplacement à Caen.

Toute la question est de s’appuyer sur ces 3 jours de mobilisations nationales pour renforcer le mouvement de grève et l’étendre jusqu’à une véritable grève générale reconductible par les assemblées générales des travailleurs et travailleuses.

C’est tout le système qui doit dégager!

La productivité au travail a grandement augmenté ces dernières décennies : nous produisons plus, avec moins de travailleurs et travailleuses. Il est faux de dire que les retraites sont impayables : il n’y a jamais eu autant de richesses qu’aujourd’hui. Il y a non seulement moyen de payer nos retraites, mais aussi de répondre aux nombreuses pénuries qui font craquer la société de partout.

Les assemblées locales de travailleurs et travailleuses et de jeunes (sur les lieux de travail, dans les quartiers…) peuvent non seulement permettre de démocratiquement décider de la reconduction de la grève et des mesures qui s’imposent pour la renforcer, mais aussi débattre collectivement de l’élaboration d’un cahier de revendications plus large tel que celui-ci :

  • La baisse immédiate et le blocage des prix de l’essence et de l’énergie ;
  • Des revenus pour vivre, pas pour survivre : augmentation des salaires et des allocations sociales et leur indexation sur les prix, y compris du carburant ;
  • Une sécurité d’emploi avec de vrais contrats de travail à durée indéterminée ;
  • C’est au chômage qu’il faut s’en prendre, pas aux chômeurs et chômeuses : réduction du temps de travail à 32 heures par semaine sans perte de salaire et avec embauche compensatoire ;
  • Mettre les besoins au centre de la politique : transports publics gratuits et non polluants, services publics (notamment de proximité : crèches, écoles, maternités, bureaux de poste, logements publics sociaux…) ;
  • La (re)mise en place de l’impôt sur la fortune, la lutte contre l’évasion fiscale par les ultra-riches et les multinationales, y compris par la réquisition sous contrôle démocratique des entreprises, la fin des taxes indirectes (TVA, etc.) remplacées par une imposition forte des riches et des grandes entreprises ;
  • Un grand service public environnemental pour créer des centaines de milliers d’emplois nécessaires à la transition énergétique et écologique (agriculture écologique, alimentation en circuits courts, énergies renouvelables…) ;

Réaliser un tel programme nécessite des mesures réellement socialistes telles que la nationalisation et l’unification de tous le secteur financier dans un service national d’investissement et de financement sous contrôle démocratique de la collectivité, de même que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie afin que les grandes entreprises ne puissent continuer à saboter la transition écologique et que la planification démocratique et écologique, basée sur les besoins y compris écologiques, devienne possible.

Si la France se soulève aujourd’hui, elle est loin d’être la seule. Depuis les premiers pas de la révolte des Gilets jaunes, le développement des luttes de masse et des grèves générales aux caractéristiques révolutionnaires fut puissant à travers le monde. Et la liste des pays aux prises avec un soulèvement de masse n’est pas encore terminée. Engageons-nous avec confiance dans cette nouvelle ère de lutte avec l’ambition de conduire les travailleurs et travailleuses et les masses à renverser le système d’exploitation capitaliste pour que l’humanité toute entière puisse accéder à une véritable émancipation au travers de la construction d’une société socialiste démocratique.

Nicolas Croes, Parti Socialiste de Lutte (CIO Belgique)


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