Négo 2020 dans le secteur de la santé : dénoncer pour mobiliser

Selon le CPAS, le gouvernement Legault n’aura pas d’autre choix que de faire preuve de bonne foi lors des négociations 2020 dans le secteur public. Ce fort enthousiasme est alimenté par les sorties médiatiques du premier ministre ainsi que par les nouvelles dispositions concernant la loi sur les services essentiels. Le CPAS aurait-il concocté la stratégie du siècle?

Le Conseil provincial des affaires sociales (CPAS) voit avec enthousiasme les négociations du printemps prochain dans la fonction publique. Cette instance qui regroupe les syndicats du secteur de la santé et des services sociaux syndiqués auprès du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ) représente plus de 25 000 membres. Selon elle, une fenêtre s’est ouverte aux syndiqué·es du réseau de la santé.

Le premier ministre François Legault a réaffirmé ce printemps sa volonté de respecter ses engagements électoraux, notamment sur la question des augmentations salariales pour les préposé·es aux bénéficiaires. De plus, un jugement du tribunal administratif du travail (TAT) – estimant que la loi sur les services essentiels « porte atteinte plus qu’il n’est nécessaire au droit de grève » – a poussé le ministre du Travail, Jean Boulet, a déposé le projet de loi 33. Ce dernier redéfinit les services essentiels à maintenir en cas de grève dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic.

Pour le CPAS, Legault et son gouvernement sont coincés s’ils ne veulent pas affronter un mouvement de grève l’an prochain et conserver le pouvoir aux élections 2022.

Cachez ces demandes salariales que je ne saurai voir

Malgré cette supposée position de force, le CPAS préfère ne pas afficher les chiffres de ses demandes salariales. Le Conseil espère ainsi empêcher la partie patronale de développer un contre-argumentaire visant à discréditer le syndicat face à l’opinion publique. Le CPAS préfère laisser le gouvernement se compromettre et ainsi gagner la faveur des « contribuables québécois ».

Toutefois, cacher ses chiffres au gouvernement, c’est aussi les cacher à ses propres membres. Tout ce beau monde n’a ainsi pas de base pour commenter, évaluer ou critiquer les propositions salariales. La question salariale étant cruciale pour les travailleuses et les travailleurs syndiqués, la stratégie développée pour obtenir des hausses de salaire devrait l’être tout autant.

De son côté, la Fédération de la Santé et des Services sociaux (FSSS-CSN) propose des hausses salariales par montant fixe pour toutes ses personnes membres (+5$/h sur 3 ans) ainsi qu’une indexation automatique des salaires à la hausse de l’indice des prix à la consommation (IPC). La Fédération cherche une solution concrète à l’appauvrissement des personnes bas salariées. Pour les membres, ce type des revendications est facile à comprendre et donne des munitions aux militantes et aux militants syndicaux pour favoriser la mobilisation.

Sans chiffres sur lesquels se baser, les militantes et les militants du CPAS sont en position d’attente, n’ayant aucune revendication à fournir aux membres. Certes, le gouvernement pourra dire que la FSSS-CSN exagère. Mais, a-t-on déjà vu un gouvernement affirmer que nos demandes sont raisonnables? D’ailleurs, Legault a déjà averti les syndicats. « Les surplus appartiennent aux Québécois; ils n’appartiennent pas aux groupes de pression; ils n’appartiennent pas aux syndicats », alors que plus de 500 000 Québécoises et Québécois travaillent dans la fonction publique et parapublique…

Séduire « l’opinion publique »

Jusqu’ici, le CPAS a plutôt concentré ses efforts vers les médias de masse afin de séduire « l’opinion publique ». À plusieurs occasions, le président du CPAS Frédéric Brisson a dénoncé avec raison les positions de la CAQ sur des dossiers tels que la relativité salariale et la bourse d’études offerte aux personnes voulant devenir préposée aux bénéficiaires. Le CPAS poursuit également des campagnes grand public légitimes afin de valoriser les emplois de ses membres. Un peu dans la même optique que la campagne des périsoignants, le CPAS cherche à démontrer l’importance de nos métiers dans le réseau de la santé.

Dans ces spots publicitaires, les militantes et les militants dénoncent leurs conditions de travail de plus en plus difficiles. Dénoncer la situation actuelle sur la place publique est nécessaire. Sauf que ces campagnes ne semblent pas vouloir obtenir davantage que de la visibilité médiatique. Est-ce que la peur de « l’opinion publique » peut jouer un si grand rôle auprès du gouvernement?

Dénoncer publiquement pour mobiliser massivement

L’histoire des dernières décennies nous montre que les différents gouvernements ont toujours préféré s’en tenir à la rigueur budgétaire plutôt que d’améliorer les conditions de travail dans la fonction publique et parapublique. L’actuelle ministre de la Santé, Danielle McCann, a d’ailleurs causé un malaise cet automne à l’Assemblée nationale lorsqu’elle a admis avoir louangé la réforme de Gaétan Barrette en 2014.

Pour l’instant, les militants et militantes du CPAS doivent ronger leur frein. Aucun appel ne leur est destiné en rapport avec la détérioration de leurs conditions de travail. Involontairement, le CPAS laisse sa principale force de côté : sa capacité de mobiliser la masse des syndiqué·es. Seul ce type de mobilisation peut paralyser le système afin de faire plier le gouvernement et mettre un frein à la crise qui sévit.

Il serait naïf de croire que le gouvernement caquiste fera preuve d’indulgence envers les syndiqué·es du réseau de la santé. Les conflits de travail ne sont remportés par les syndicats à cause d’une « opinion publique » favorable. Les victoires sont remportées grâce à la mobilisation des travailleuses et des travailleurs.
Certes, les dispositions de la loi sur les services essentiels sont moins restrictives qu’avant. Mais, ces dispositions limitent tout de même l’exercice du droit de grève et diminuent le rapport de force. De toute évidence, avec une telle stratégie, on ne cherchera pas à dépasser le cadre légal du processus de négociation.

Si les sections locales du CPAS souhaitent que cette négociation soit l’occasion de résorber la crise du système de santé, il n’en tient qu’à elles de miser sur leur principale force : la mobilisation combative du plus grand nombre de syndiqué·es possible!

Rémi A.


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