Royaume Uni : Le manifeste électoral du Labour met la barre à gauche

Luttons contre les conservateurs et pour une alternative socialiste!

Jeremy Corbyn a lancé cette semaine le manifeste électoral du parti travailliste à l’université de Birmingham. Dans son discours, il est revenu sur les 9 dernières années d’austérité. Commentant les promesses contenues dans ce manifeste, il a expliqué qu’elles seraient immanquablement considérées comme impossibles par les élites dirigeantes car elles refusent tout changement d’un système truqué en leur faveur. Il a encore souligné qu’un tiers des milliardaires du pays ont fait des donations électorales au Parti conservateur, ce qui contraste avec le Parti travailliste qui est maintenant de votre côté.

Ce manifeste est effectivement radical au regard des dix dernières années d’austérité et des trois dernières décennies de politiques néolibérales appliquées tant par les travaillistes que par les conservateurs. Ce programme représente une rupture avec l’orthodoxie selon laquelle il n’existe pas d’alternative au marché libre et sans entraves.

Il est également vrai de dire qu’il est rempli de politiques populaires. Les sondages ont démontré à maintes reprises que des mesures telles que la renationalisation des chemins de fer, de la poste et des services publics ; la fin des coupes budgétaires ; l’arrêt de la privatisation du service national de soins de santé (NHS) et la suppression des frais de scolarité représentent des atouts gagnants.

La promesse de créer un million d’emplois verts se lie naturellement à la colère et à la volonté dont les jeunes ont fait preuve lors des récentes grèves pour le climat. Il est également bienvenu que le plan travailliste pour une économie zéro carbone comprenne un volet de transition juste pour que les travailleurs des secteurs du gaz et du pétrole se voient offrir d’autres emplois, afin que leurs compétences soient mises à profit.

La mesure qui a récemment fait la une des journaux, celle de nationaliser le service Openreach de BT (British Telecom) et de fournir gratuitement le haut débit à tous les foyers et entreprises du Royaume-Uni, est un autre indicateur de la pensée radicale exprimée dans ce manifeste.

Toutefois, le discours de Jeremy Corbyn a également permis de mettre en lumière certaines lacunes dans l’approche du dirigeant travailliste.

Corbyn a raison de souligner que Johnson veut détourner le Brexit pour déchaîner un thatchérisme sous stéroïdes et que les discussions commerciales avec les États-Unis ouvrent le service national de soins de santé aux entreprises américaines. Sa propre position à ce sujet s’est une fois de plus révélée confuse, car il ne précise pas quel type de Brexit il essaiera de mettre en œuvre et s’est limité à dire qu’il fallait retirer le Brexit des mains des politiques.

Corbyn a parlé d’un blitz d’investissements pour financer des projets d’infrastructure. Le manifeste réaffirme la politique de création d’une Banque nationale d’investissement pour financer ce projet et les services publics. Toutefois, comme nous Socialist Alternative l’a précédemment souligné, cela ne permettra pas d’atteindre le niveau d’investissement requis.

La plus grande lacune du manifeste est l’absence de promesse de nationalisation des grandes banques. Cette mesure n’est pas seulement vitale pour le financement des projets du parti travailliste. Corbyn a très justement abordé l’hostilité que ce manifeste suscitera à droite et parmi les puissants, mais cette hostilité ne prendra pas seulement la forme de mots.

Tous les outils à leur disposition seront utilisés pour empêcher la mise en œuvre de politiques radicales de lutte contre l’austérité. Les banques joueront un rôle clé à cet égard. Un gouvernement travailliste devra empêcher que son programme ne soit saboté, par exemple par des grèves d’investissement de la part des riches, ou par la fuite des capitaux détenus par ces banques. Faire face à cette menace exige de nationaliser les banques sous le contrôle démocratique des travailleurs afin d’instaure ainsi un contrôle des capitaux pour éviter que cet argent ne disparaisse.

Il ne suffit pas non plus de dire que seuls les services d’approvisionnement des six grands groupes énergétiques seront nationalisés. Les entreprises privées conserveraient ainsi le contrôle d’une grande partie du secteur de l’énergie. Il est nécessaire de nationaliser purement et simplement ces entreprises et leurs actifs.

Nous appelons à la nationalisation des 100 premiers monopoles qui contrôlent 80% de l’économie du pays. Laissés aux mains du secteur privé, beaucoup d’entre eux délocaliseront pour éviter toute hausse d’impôts et de salaire dans le cas où le Labour arriverait au pouvoir. Prises en charge par l’État, ces entreprises offriraient des emplois avec de bons salaires et de bonnes conditions de travail. Les richesses et ressources technologiques et autres de ces entreprises pourraient permettre de démocratiquement planifier notre économie afin de satisfaire les besoins et désirs de la société dans son ensemble.

Dans son discours, Corbyn a affirmé qu’il suffit de voter. Ce n’est pas le cas. Aux dernières élections générales, le Labour a largement dépassé les attentes en mobilisant grâce à une campagne de masse faite de meetings et de moments de tractage. Il faut reproduire cette dynamique.

D’autre part, comme l’illustrent les grèves à l’entreprise de courrier Royal Mail, dans l’enseignement ou encore parmi le personnel d’entretien à bas salaires qui fait grève pour les 15 £, il nous faudra nous battre pour faire une réalité du programme de Corbyn. Les grèves pour le climat ont frappé les esprits cette année en Grande-Bretagne et dans le monde entier. De pareilles mobilisations de masse seront également nécessaires une fois les élections passée, que Corbyn l’emporte ou non, contre le sabotage de la classe dirigeante dans la première option, contre un gouvernement conservateur austéritaire dans l’autre.

Nous devons nous mobiliser dès maintenant pour expulser les Conservateurs du gouvernement le 12 décembre. Le manifeste du Parti travailliste a le potentiel de susciter l’enthousiasme et d’inciter les gens à se battre dans la rue et sur leurs lieux de travail. Mais ce mouvement a besoin d’être armé d’un programme socialiste audacieux pour affronter les patrons après les élections.


Paul Callanan, Socialist Alternative (CIO Angleterre et Pays de Galles)

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