Grève des employé·es de soutien de l’UQAM : 2 000 personnes manifestent en solidarité

Les employé·e·s de soutien de l’UQAM ont fait monter la pression d’un cran dans leur négociation en organisant la plus grande manifestation intersyndicale de l’histoire du l’UQAM. Le 12 septembre dernier, plus de 2 000 personnes ont participé à une marche afin de réclamer la juste rémunération des grévistes. Le trajet s’est terminé devant les bureaux montréalais du Ministère de l’Éducation. Alternative socialiste a recueilli plusieurs témoignages de grévistes concernant les difficultés vécues au travail au fil des ans.

Affilié au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP 1294), le Syndicat des employées et employés de l’UQAM (SEUQAM) regroupe autant le personnel de la cafétéria de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) que les architectes, en passant par les cols blancs des bureaux et les cols bleus des terrains et bâtiments.

Pour son 8e jour de grève, le 12 septembre, le SEUQAM a organisé une grande marche unitaire en compagnie d’autres syndicats, d’associations étudiantes et de partis politiques. L’atmosphère y était combative. « En 14 ans à l’UQAM, je n’ai jamais vu le SEUQAM aussi galvanisé, affirme un technicien aux travaux pratiques. À l’assemblée générale du 9 septembre, une proposition de grève générale illimitée a recueilli le tiers des appuis! »

Grande solidarité

Des collègues du SCFP provenant de syndicats d’employé·es d’universités situées à Trois-Rivières, Québec et Montréal se sont déplacé·es pour afficher leur solidarité. La marche a même compté des chauffeurs d’autobus, des professeurs, des chargé·es de cours et des employé·es des services de santé et des services sociaux de la Montérégie. « Nous avons beaucoup de soutien, souligne une secrétaire de l’UQAM. Plusieurs employés d’universités seront bientôt en négo. Ils savent que quand ça va être leur tour, on sera là pour les appuyer et leur donner des fonds. »

Invité à prendre la parole à la fin de la marche, le député solidaire critique en matière de travail, Alexandre Leduc, a souligné que cette lutte est celle de toute la « classe moyenne », celle qui fait vivre l’UQAM. Pour sa part, le président du Conseil régional FTQ Montréal métropolitain, Marc-Édouard Joubert, a sommé le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, d’écouter « cette classe ouvrière qui réclame le respect et la dignité ».

L’appui est aussi venu de plusieurs associations facultaires de l’UQAM, notamment celle des arts, d’éducation et de sciences humaines. Le représentant de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines, Vincent Pouliot, a livré un témoignage bien senti en s’adressant aux grévistes. « Comme étudiant, on ressent votre absence. Plusieurs n’ont pas de réponse pour leurs prêts et bourses ou leur stage. Quand on se plaint à l’administration, elle nous répond On a ça sous contrôle. C’est faux! Il nous faut des employés de soutien! »

Jusqu’ici, plusieurs éléments des propositions syndicales ont été acceptés, notamment les cursus de carrières à l’UQAM, les horaires, les congés personnels et de maladie ainsi que pour le travail à distance. Or, si les négociations entre l’UQAM et le SEUQAM sur les conditions générales de travail se sont bien passées, ce n’est pas le cas de celles concernant la question des salaires.

Des augmentations qui appauvrissent

L’offre monétaire proposée par l’UQAM en juillet comprenait des augmentations de 1% pour 2019 et 2020, puis de 1,25% de 2021 à 2024. Insatisfaisante aux yeux des syndiqué·es, cette offre a été modifiée en septembre. Pour la majorité des membres, la nouvelle proposition est encore pire que la première. L’UQAM recommande maintenant des augmentations salariales minimales de 1,5%/an, pour les trois prochaines années. Si les négociations du secteur public 2020 débouchent à des augmentations plus élevées, c’est cette politique salariale gouvernementale (PSG) qui prévaudra.

Or, les banques canadiennes prévoient un taux d’inflation d’environ 2% pour 2019 et 2020. Dans les faits, la proposition de 1,5% de l’UQAM engendrerait une perte du pouvoir d’achat des employé·es de soutien.

« J’ai des collègues qui ont 25, 30 ans d’expérience et qui ont vécu des gels de salaires dans les années 90. Je ne peux pas croire qu’on est encore là, à se battre contre l’appauvrissement » lance une secrétaire de direction de l’UQAM. « Les employés de soutien de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ont eu 2% d’augmentation par année pendant 6 ans. Je ne vois pas pourquoi on aurait moins » estime quant à lui un technicien rencontré par Alternative socialiste.

D’autre part, l’arrimage à la PSG en laisse plusieurs perplexes considérant le fiasco des négociations du secteur public en 2015. « On est un peu les premiers à aller au bat sur cette question-là », pense un agent de recherche. Il croit que l’issue du conflit en dira long sur les négociations à venir dans le secteur public. Le premier ministre Legault vient d’ailleurs de déclarer que les prochaines augmentations salariales de la majorité des employé·es de l’État se limiteront à l’inflation.

De plus, les augmentations proposées par l’UQAM pour les années 2019 et 2023 sont à forfait. Cette formule de style « bonus » représente un montant d’argent fixé par rapport à l’année 2019 (2% et 1,5%). Au final, ces montants forfaitaires s’avèrent moins élevés que ceux qui découleraient des augmentations cumulatives de 1,5%.

Toujours moins de postes…

Le technicien auquel nous avons parlé souligne qu’après 15 ans de coupures, la situation ne fait qu’empirer à l’UQAM. « Durant l’ère du recteur Roch Denis, 1 départ à la retraite sur 3 a été remplacé. Ces postes n’ont pas été comblés depuis », soutient-il. Dans son unité, le poste de secrétaire à l’accueil n’est plus permanent. Il n’est pleinement assumé par une personne qu’un mois par année. Selon le technicien, cette situation engendre une surcharge de travail qui empoisonne l’ambiance de travail.

… toujours plus de travail

Une agente d’étude renchérit : « Je suis arrivée à l’UQAM il y a 6 mois. En raison des abolitions de postes, je me retrouve à faire le travail de deux employées en même temps. » Elle signale que le travail est « hyper demandant », mais qu’elle est quand même capable de l’assurer étant donné qu’elle possède 25 ans d’expérience en administration. En revanche, « la direction n’a pas tenu compte de ça pour déterminer mon salaire », souligne-t-elle. Si l’UQAM vit des problèmes de recrutement, c’est notamment en raison du faible attrait des salaires, estime l’agente d’étude.

Une situation en chute libre

« On vit notre plus grosse grève en 25 ans sous le règne de la « rectrice du peuple », ironise le technicien de l’UQAM, en référence à un article de la web radio étudiante de l’UQAM sur Magda Fusaro. La direction n’est plus celle de l’université de gauche des débuts. Les années Charest ont rendues les choses bien verticales et centralisées. »

Le technicien comprend que l’enveloppe budgétaire dont dispose le rectorat pour payer les salaires est fixée d’avance. « Mais, c’est la job de la rectrice d’aller à Québec pour demander plus! On est en train de faire sa job à sa place! », lance-t-il hors de lui.

Le technicien souligne que le gouvernement du Québec nage dans les plus gros surplus budgétaires de son histoire. De plus, les négociations avec les chargé·es de cours de l’UQAM, puis celles avec les étudiant·es employé·es suivront les siennes. « Le refinancement de l’éducation ne se fera du jour au lendemain, soutient-il. Tout le monde est écœuré. Tout le monde est prêt. Tout le monde est mobilisé. »

Il signale que la grève est un moment de réseautage important entre employé·es. « On se parle entre nous. On sait que les cadres l’ont eue, eux, leur augmentation de salaire, dit-il l’air sévère. C’est rassurant de sentir que son syndicat est prêt à se battre ».

Retour sur le conflit

En négociation depuis 2 ans, les membres du SEUQAM sont en moyen de pression depuis la mi-juillet. Au début du mois, la direction de l’UQAM présente une « offre monétaire finale » au syndicat. Jugée insatisfaisante, les 679 membres du SEUQAM réuni·es en assemblée générale décident à 93% de se doter d’un mandat de grève de 5 jours applicables au moment jugé opportun. La direction rompt les négociations et l’escalade des moyens de pression débute.

Sous le thème du flamant rose, les chaudes journées de juillet sont ponctuées de deux « pauses cocketel » d’environ 1h . La première action regroupe près de 300 employé·es devant les bureaux de l’administration de l’UQAM.

Avec la rentrée, les 1 800 syndiqué·es se mettent en grève dès le 3 septembre. Les membres tiennent des piquets devant la plupart des entrées des pavillons de l’UQAM depuis. Les grévistes ne bloquent toutefois pas les entrées afin d’éviter une injonction de l’UQAM qui les obligerait à faire pression hors du terrain de l’université.

Le 6 septembre, l’employeur dévoile une nouvelle « offre monétaire finale » en rencontre paritaire. Les syndiqué·es réuni·es en assemblée générale trois jours plus tard rejettent la nouvelle proposition. Un vote de reconduction de grève pour 10 jours supplémentaires est adopté à 73%.

Le lendemain de la manifestation intersyndicale, une séance de conciliation se tient au Tribunal administratif du travail.

Julien D.


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