Journée des Patriotes et fête nationale : Un héritage révolutionnaire à réclamer!

Les festivités de la Fête nationale dans l’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal auront pris le nom Festival du solstice d’été pendant trois jours! Cette rectitude politique a valu à l’équipe d’organisation un rappel à l’ordre du premier ministre Legault et de la mairesse Plante. Tout le monde a tenté de repolitiser l’événement en parlant de « fierté nationale ». Mais de quoi parle-t-on au juste?

Partout dans le monde, les partis nationalistes de droite ont connu un développement phénoménal depuis l’éclatement de la crise économique de 2007 et son expression à travers la crise des migrants. Au Québec, le Parti québécois (PQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont surfé sur cette vague. Ils proposent une vision de la nation articulée autour de la figure de la Québécoise et du Québécois « de souche », catholique et francophone.

L’épisode de la « Charte des valeurs québécoises » du PQ et les récents projets de loi de la CAQ sur l’immigration, l’industrie du taxi et la « laïcité de l’État » montrent bien comment cette division sert les intérêts des patrons. En s’attaquant au droit au travail de milliers de personnes – en particulier issues de l’immigration – ces lois vont permettre de faire davantage d’argent sur leur dos, en les sous-payant.

Jouer le jeu de la réaction

La « fierté nationale » du PQ et de la CAQ renvoie à un repli identitaire. Faut-il alors s’étonner du retour d’un « politiquement correct » libéral comme contrepoids antinationaliste? Or, renommer pour des raisons d’inclusion les célébrations de la Fête nationale Festival du solstice d’été équivaut à tenter d’éteindre un feu qui n’existe pas. Des milliers d’événements se déroulent dans toutes les municipalités du Québec lors de la Saint-Jean-Baptiste. Ils constituent, à l’échelle du Québec, la série de célébrations culturelles la plus massive et inclusive de toute l’année.

Prétendre le contraire dénote une incapacité de constater que la majorité de la population peut célébrer, dans toute sa diversité, une identité commune. De tels gestes de rectitude politique ratent leur cible. L’odieux du changement de nom retombe sur des communautés culturelles qui n’ont rien demandé. Cela ne fait qu’attiser les braises des réactionnaires, pour qui les bobos de gauche de Montréal assimilent la fierté nationale au racisme.

D’un côté comme de l’autre, ces conceptions de la nation trompent et désorientent la classe laborieuse. Malgré ce qu’on tente de nous faire croire, les projets de construction collective d’une nation au Québec se sont bâtis sur la solidarité, et non pas sur des divisions ethniques, religieuses ou linguistiques. C’est le cas des Rébellions patriotes de 1837-38.

De quel héritage se réclamer?

À partir des années 60, l’élite politique nationaliste québécoise s’est mise à utiliser l’exemple des Patriotes pour légitimer une lutte entre francophones et anglophones. A-t-elle oublié la participation d’anglophones originaires d’Irlande et d’Angleterre (tels O’Callaghan, Brown et les frères Nelson) à la lutte? A-t-elle oublié les relations qu’a eues Louis-Joseph Papineau avec les rebelles et leur chef (W.L Mackenzie) dans le Haut-Canada majoritairement anglophone? Le PQ et la CAQ tentent désormais de sauvegarder la culture catholique dans l’État tout en réclamant une « laïcité » qui interdit aux individus de porter des signes religieux. Ont-ils oublié que les Patriotes se sont battus pour un État complètement laïc et républicain? Ont-ils oublié que les Patriotes ont été les premiers en Amérique à instaurer les droits civils et politiques pour les Juifs?

Un projet politique, pas une culture ou un territoire

Mettre en opposition des cultures ou soutirer des droits aux minorités n’a jamais été le combat des Patriotes. Leur projet politique révolutionnaire a unifié les populations du Bas et du Haut-Canada. Il les a unifiés contre une classe d’exploiteurs composée d’administrateurs et de commerçants anglais, appuyés par des seigneurs et le clergé canadien-français.

Ce projet unificateur vise la prise du pouvoir politique des mains des élites dominées par Londres. Le mouvement des Patriotes ne s’est pas battu pour une culture linguistique unique ou pour un territoire précis. Certains ont vu la République du Bas-Canada dans les limites du Québec actuel (comme l’a proclamé Robert Nelson en février 1838). D’autres, comme Chevalier de Lorimier, ont préféré faire la promotion d’une République canadienne unissant le Haut et le Bas-Canada. Quant à Louis-Joseph Papineau, il a plutôt propagé l’idée d’une annexion aux États-Unis d’Amérique.

Le pays de l’époque restait à définir en fonction de l’appui populaire au projet politique républicain. D’abord et avant tout, les Patriotes ont voulu couper avec la domination étrangère. Ce projet reste à faire. La république à laquelle les Patriotes ont aspiré ne s’est toujours pas réalisée. L’évolution des classes sociales et l’expérience accumulée par le mouvement ouvrier et socialiste permettent toutefois de dépasser ce projet politique issu du XIXe siècle. La vision républicaine Patriote a eu de nombreuses failles, en particulier dans son approche des droits des femmes. Bien que toujours pertinent dans sa dimension anti-impérialiste, le projet patriote d’aujourd’hui est résolument différent de ce qu’il était.

Un héritage à se réapproprier

Les drapeaux patriotes ont flotté constamment lors des manifestations de masse en 2012. Désormais, on les voit lors des actions des groupes d’extrême droite racistes comme La Meute. Le nationalisme identitaire du PQ et de la CAQ y est pour quelque chose. Ne laissons pas les intolérants récupérer notre symbole! Ce symbole, c’est celui de l’union républicaine des différents peuples contre la domination étrangère et pour la libération nationale! Pas celui d’une pureté ethnique qui n’a jamais existé.

Dans le concret, c’est la marche du capitalisme néolibéral qui menace l’économie et la culture du Québec. Les traités de libre-échange diminuent la souveraineté des États, favorisent les produits étrangers, entraînent la délocalisation massive d’emplois, etc. Les politiques de l’État fédéral canadien nous enferment de plus en plus dans une économie pétrolière et gazière polluante qui ne bénéficie qu’aux entreprises étrangères.

Brisons la prison fédérale!

L’État fédéral canadien tire son pouvoir économique de l’exploitation qu’il fait des ressources de son territoire. Cette exploitation se fait aux dépens de l’environnement et de la souveraineté politique des peuples qui y vivent. Aujourd’hui comme hier, la lutte pour l’indépendance du Québec et l’autodétermination des peuples autochtones est essentielle pour briser l’État capitaliste canadien et son oppression.

À l’image des Patriotes, nous devons avoir le même courage de lutter pour un projet national qui unit les exploité·es, peu importe leur langue, leur religion ou la couleur de leur peau. Cette unité, c’est celle de la classe des travailleurs et des travailleuses. Cette unité concerne tout autant la classe laborieuse du Canada anglais et celle des États-Unis. Nos luttes pour une gestion démocratique des ressources naturelles, contre la pollution ou pour de meilleures conditions de travail se buteront au pouvoir du fédéral. Nos intérêts de classe s’opposent à ceux de la classe dirigeante, peu importe qui la représente.

Contre le pillage, la corruption et l’austérité de l’État fédéral canadien:

● Nationalisons les principaux leviers de l’économie québécoise sous contrôle démocratique!
● Luttons pour un Québec républicain, socialiste et indépendant!
● Luttons pour le droit à l’autodétermination et à la souveraineté des Peuples autochtones!
● Luttons pour une fédération socialiste libre et volontaire des peuples et des nations présentes sur le territoire de l’État canadien et celui des États-Unis!


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