L’histoire du Comité pour une Internationale Ouvrière

Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale : le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs·euses du monde entier pour une société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

Le CIO est une organisation socialiste internationale qui comprend des sections dans environ quarante pays sur tous les continents.

Lors du Congrès de fondation du CIO en avril 1974, quatre sections existaient alors (Grande-Bretagne, Allemagne, Irlande et Suède) et des membres étaient présents de Belgique, d’Inde, d’Espagne et du Sri Lanka, des pays où aucune section n’existait encore.

Au moment de notre neuvième Congrès Mondial (en janvier 2007), des représentants de sections du CIO de tous les continents étaient là : d’Allemagne, d’Angleterre et Pays de Galles, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Brésil, du Cachemire, du Chili, de Chypre, d’Ecosse, des Etats-Unis, de France, de Grèce, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakstan, de Malaisie, du Pakistan, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Tchéquie, d’Ukraine et du Venezuela.

Les origines du CIO sont ancrées dans la lutte menée par Léon Trotsky contre la progression du Stalinisme. L’isolement de l’Union soviétique combinée à l’arriération du pays héritée du tsarisme a permis l’émergence du régime totalitaire stalinien. La lutte de Trotsky et de ses partisans contre ce régime a conduit à la fondation de la Quatrième Internationale, organisation internationale créée pour la défense de la démocratie ouvrière et du socialisme. Peu de temps après la fondation de la Quatrième Internationale a éclaté la seconde guerre mondiale et de nombreux militant·e·s, dont Trotsky lui-même, ont été assassiné·e·s tant par les fascistes que par les stalinien·ne·s.

La dégénérescence de la Quatrième Internationale

Après la guerre, les dirigeant·e·s de la Quatrième Internationale survivant·e·s ont été·e confrontés à d’énormes difficultés dans la compréhension des changements qui étaient survenus dans la situation mondiale. Ils/elles n’ont pas réussi à saisir le caractère de la croissance économique d’après-guerre en Occident, ni à comprendre les raisons du renforcement du stalinisme en Russie et en Europe de l’Est. Cette incompréhension s’est également vue dans l’analyse des révolutions du monde néo-colonial ainsi que dans l’analyse du rôle décisif de la classe ouvrière dans le changement de société.

En effet, la longue croissance économique exceptionnelle de l’après-guerre amena de substantielles améliorations dans le niveau de vie de la classe ouvrière, tout au moins dans les pays capitalistes développés. Beaucoup de ‘marxistes’ en tirèrent un peu vite la conclusion que les travailleurs·euses salarié·e·s s’étaient ‘embourgeoisé·e·s’, et ne pouvaient dès lors plus constituer le moteur d’un changement socialiste de société. Ce fatalisme les poussa vers la recherche de nouvelles forces sociales pouvant se substituer au mouvement ouvrier.

Sous l’impulsion des mouvements de libération nationale qui explosèrent dans le monde colonial et semi-colonial (Asie, Afrique, Amérique Latine) dans les années’50 et ’60, les dirigeant·e·s de la Quatrième Internationale glissèrent vers un soutien acritique à la direction – souvent fortement influencée par le stalinisme – de ces mouvements. Les mouvements à prédominance paysanne et les méthodes de guérilla furent ainsi érigés en modèles, tandis que l’épicentre de la révolution mondiale fut déplacé vers le monde colonial et semi-colonial. Mao Zedong (en Chine), Fidel Castro (à Cuba) ou Hô Chi Minh (au Vietnam) furent ainsi présentés comme des « trotskistes inconscients », pendant que le réveil de la classe ouvrière en Europe, exprimé à merveille par l’immense grève générale des travailleurs·euses français·es en mai’68, prit de court les dirigeant·e·s de la Quatrième Internationale, aveuglé·e·s par des perspectives erronées.

Une série d’erreurs politiques de ce type eurent comme conséquence l’effondrement de l’organisation et un fractionnement de celle-ci dans des dizaines de groupes différents.

Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) puise quant à lui ses racines chez des trotskistes britanniques qui n’ont pas ignoré la nouvelle situation, mais n’ont pas cherché à l’exploiter de façon opportuniste pour obtenir des succès faciles ou chercher des raccourcis. Nous ne nous sommes pas non plus limités à l’analyse de la situation, mais avons cherché sans cesse à intervenir autant que possible dans les luttes pour diffuser les idées du marxisme parmi les travailleurs·euses et la jeunesse.

Notre organisation a pendant longtemps été très petite et uniquement active en Grande-Bretagne ; pour autant, nous avons toujours conservé et exprimé sur le terrain une attitude internationaliste intransigeante. Dès ses débuts, notre journal anglais « The Militant » consacrait un nombre significatif de ses colonnes à la couverture des luttes au niveau international. Nous avons ainsi gagné davantage de militant·e·s, établi des contacts successifs dans d’autres pays, et à la fin des années ‘60, la possibilité de mettre en place les fondations qui ont été à la base de la création et de la croissance ultérieure du Comité pour une Internationale Ouvrière.

L’entrisme

Pour construire ses forces, le CIO a appliqué différentes tactiques à différents stades de son évolution, en fonction des conditions objectives du moment, tout en maintenant à tout moment une orientation consciente vers le mouvement ouvrier, en particulier vers ses couches les plus combatives.

Avant que la vague néo-libérale des années ’80, puis le tournant majeur représenté par la chute du stalinisme dans les années ’90, ne viennent affecter durablement la composition et le programme des partis sociaux-démocrates, ces derniers exerçaient encore une grande attraction sur un nombre important de travailleurs·euses et de jeunes. Les partis sociaux-démocrates correspondaient typiquement à la définition que donnait Lénine de « partis ouvriers bourgeois » : des partis ouvriers de masse, bien que dominés par une direction réformiste et bureaucratique. À la base, les rangs de la social-démocratie comprenaient encore beaucoup de travailleurs·euses activement engagé·e·s pour le parti, et étaient encore traversés de vifs débats politiques. Ceux et celles qui voulait être actif·ve dans le mouvement ouvrier pouvait difficilement passer à côté de cette réalité.

La tâche des révolutionnaires demande d’être en contact le plus étroit possible avec les travailleurs·euses. Par conséquent, les militant·e·s du CIO étaient d’avis qu’il était préférable de militer à l’intérieur même de la social-démocratie, en défendant conséquemment et ouvertement un programme marxiste, plutôt que de s’isoler en dehors de ces partis. À l’inverse d’autres groupes, cette tactique d’« entrisme » dans la social-démocratie n’a jamais été pour nous une panacée, ou un prétexte pour succomber aux idées réformistes et masquer le programme révolutionnaire. Bien au contraire, nous avons toujours mené notre travail drapeau déployé, défendant nos positions marxistes dans le but de combattre l’influence exercée par la direction bureaucratique sur ces partis d’une part, afin de gagner les travailleurs·euses et les jeunes organisé·e·s dans ces partis à nos positions d’autre part. C’est ainsi que nous avons par exemple acquis une solide base de soutien au sein des Jeunesses Socialistes du Labour Party en Angleterre dans les années ‘70, ou de celle du SP en Flandre dans les années ‘80.

Pourtant, dès le milieu des années ’80, mais surtout après la chute du mur de Berlin, la situation a commencé à tourner. La chute des régimes staliniens a ouvert la voie à une offensive idéologique majeure de la part des représentant·e·s du capitalisme, et a servi d’excuse aux dirigeant·e·s des organisations de la social-démocratie pour retourner définitivement leurs vestes. Les idées de lutte, de solidarité et de socialisme furent mises de côté au profit d’une adhésion aux principes du libre-marché. La trahison des directions ouvrières traditionnelles a laissé place à un vide et à la confusion politique.

Dans ces conditions, l’idée selon laquelle les travailleurs·euses et les jeunes en lutte se dirigeraient en premier lieu vers la social-démocratie devenait de plus en plus invraisemblable. C’est pourquoi petit à petit, la plupart des sections du CIO ont opté pour la création d’organisations révolutionnaires indépendantes et ouvertes, tout en appelant, dès le début des années ’90, à la formation de nouveaux partis larges des travailleurs·euses, sur base de l’analyse de cet embourgeoisement des anciens partis ouvriers.

Liverpool et la lutte contre la Poll Tax

Un élément important dans le développement de quasiment toutes nos sections est notre engagement dans les différentes formes de lutte. Notre rôle n’a d’ailleurs pas seulement été limité à une participation active aux luttes car dans beaucoup de cas, notre organisation a su jouer un rôle crucial.

Les mouvements de lutte les plus importants que nous avons eu à diriger jusqu’à présent se sont déroulés en Grande-Bretagne, notamment contre Margaret Thatcher lorsqu’elle était Première ministre. Au milieu des années ‘80, nos camarades (dont l’organisation s’appelait à ce moment-là Militant) ont dirigé la lutte de la commune de Liverpool contre les plans d’assainissement, une lutte accompagnée d’actions de grève et de manifestations massives. Plus tard, nous avons aussi été fortement impliqués dans la campagne contre la Poll Tax (un impôt introduit par Thatcher mais rejeté en masse par la population). Une campagne massive de désobéissance civile avait été organisée à tel point que 18 millions de personnes n’ont pas payé la Poll Tax. Les manifestations ont rassemblé jusqu’à 250 000 personnes. Grace à cela Thatcher a été contrainte de retirer cette taxe et même de prendre la porte.

Cette lutte avait été organisée en opposition à la direction du Labour Party (le parti travailliste) et à la plupart des dirigeant·e·s syndicaux·ales. A Liverpool, ils/elles ont même appelé les Conservateurs en soutien pour combattre la protestation. Avec la Poll Tax, ils/elles n’ont pas réussi à en faire autant. Notre lutte contre les dirigeant·e·s pro-capitalistes du mouvement ouvrier a toujours été une donnée importante dans le développement de notre organisation.

Mais ce genre de lutte est bien plus difficile dans beaucoup de pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Afrique du Sud et la Suède. La direction des organisations ouvrières établies avait peur d’une répétition du succès rencontré en Grande Bretagne où, durant plus de 15 ans, nous avons pu diriger les sections jeunes du parti travailliste et où, dans les années ’80, nous avons pu faire élire trois camarades au parlement sous le slogan : « un parlementaire ouvrier·ère à un salaire d’ouvrier·ère ».

Le Comité pour une Internationale Ouvrière a toujours été impliqué dans différents domaines des luttes. Parfois, nous avons même été les précurseurs autour de nouveaux thèmes, comme pour une campagne contre la violence domestique. D’autres initiatives ont également été très importantes, comme la fondation de « Youth against Racism in Europe » (« Jeunes contre le racisme en Europe », en Belgique : « Blobuster » et « Résistance Internationale »), une organisation anti-fasciste internationale qui avait organisé une manifestation européenne à Bruxelles en octobre 1992 à laquelle 40 000 manifestant·e·s avaient participé.

À côté de nos campagnes sur les lieux de travail et dans les quartiers, les membres du CIO participent aussi aux élections. Dans ce cadre là, nous insistons sur le fait que les élu·e·s du CIO participent activement aux mouvements de lutte et gagnent un salaire identique à celui des travailleurs·euses qui les ont élu·e·s. En ce moment, différents membres du CIO sont élu·e·s dans des conseils communaux en Grande Bretagne, en Irlande, en Suède et en Allemagne. Jusqu’il y a peu, nous avons également eu un député au parlement irlandais, Joe Higgins.

Lutter contre les dictatures et la division de la classe ouvrière

Dans d’autres pays, nous avons activement contribué à la lutte contre les dictatures, comme lorsque nous nous sommes impliqués pour la construction de syndicats combatifs en Afrique du Sud à l’époque du régime de l’apartheid. D’autres camarades ont clandestinement milité au Chili contre le régime de Pinochet. Au Nigéria, après l’annulation des élections présidentielles de 1993 par les généraux, l’opposition démocratique a soutenu l’appel de nos camarades pour une grève générale.

Dans certains pays, nous avons été confrontés à des situations extrêmement difficiles. Ainsi nos camarades d’Irlande du Nord et du Sri Lanka ont dû s’opposer à la division nationale ou religieuse. Nous avons toujours défendu la nécessité de l’unité des travailleurs·euses dans les luttes et la résistance contre la répression d’Etat. Nous avons été les seuls dans la gauche à défendre une position constante et principielle à propos de la question nationale en partant des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble.

La chute de l’Union Soviétique a conduit à une situation mondiale fondamentalement différente et a eu d’énormes répercussions sur toutes les organisations politiques. Face à ces événements, bon nombre d’organisations et d’individus ont été désorientés, confus, et ont abandonné la lutte pour le socialisme en capitulant face à l’idéologie de la classe dominante. Le CIO a analysé et tenté de comprendre la signification de la chute du bloc de l’Est : entre autres le renforcement de la position de l’impérialisme américain et le virage à droite de nombreuses organisations ouvrières. Mais nous avons toujours défendu la nécessité du socialisme comme seule alternative au capitalisme et avons toujours cherché à l’expliquer le plus largement possible.

Le CIO a utilisé la méthode d’analyse marxiste pour approfondir la compréhension des événements et des processus qui se sont développés depuis les années ‘90. Contrairement à beaucoup d’autres groupes de gauche, nous avons ainsi non seulement pu conserver nos membres au cours des très dures années ’90, mais nous avons en outre beaucoup renforcé nos organisations ainsi que gagné de nouvelles forces dans différentes régions du monde. La nouvelle période qui se trouve face à nous aujourd’hui va nous permettre de mettre bien plus en avant le précieux héritage que nous avons préservé dans ces années bien difficiles.

Rejoignez le CIO!

Mais la construction de nos propres forces ne nous a pas empêché d’avoir des discussions avec d’autres groupes pour, si possible, mener des actions en commun. Si ces discussions conduisent à un accord politique sur les principes fondamentaux, une organisation commune peut alors naître, comme cela s’est passé notamment en Belgique ou en France au cours des années ‘90.

Le CIO est ouvert à toute personne qui veut lutter pour un monde meilleur, un monde socialiste, et qui est ouverte à discuter de nos idées. Nous avons toujours été préparé·e·s à discuter avec différents groupes et individus qui ont acquis une autre expérience que la nôtre dans les différentes luttes et qui veulent construire un mouvement socialiste.

Alors si vous êtes intéressés par les idées du CIO, n’hésitez pas à nous contacter et à nous rejoindre!

Québec : Alternative socialiste (info@alternativesocialiste.org)


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