6000 grévistes de Postes Canada à Montréal

Contre les conditions dangereuses et précaires

Les 6 000 employé·e·s de Postes Canada réparti·e·s dans la grande région de Montréal ont débuté lundi soir leur participation à la grève tournante pancanadienne de leur syndicat. Les facteurs et les factrices du pays dénoncent les méthodes de travail dangereuses et inefficaces imposées par l’Employeur, tout comme sa proposition de ne pas indexer les salaires au coût de la vie.

Rencontrée par OFFENSIVE au centre de distribution de la rue Bridge à Montréal, la présidente de la section locale de Montréal du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Lise-Lyne Gélineau, explique que cette grève survient après 10 mois de négociation infructueuse. Le 16 octobre dernier, le syndicat a remis à Postes Canada un préavis de grève tournante pancanadienne endossé par plus de 90 % de ses 50 000 membres. Les employé·e·s ont débuté la grève le 22 octobre. Ce lundi, la grève a touché l’île de Montréal, la Rive-Sud et la Rive-Nord en plus de se poursuivre dans 12 villes situées au Manitoba, en Ontario, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. « La durée des grèves fluctue, c’est la stratégie qui a été choisie », affirme la présidente.

Haut taux d’accidents de travail

Le directeur régional des griefs au STTP, Yves Chaloux, souligne que « 25 % des facteurs et factrices ont subi une blessure en 2017 ». Le dernier rapport sur la responsabilité sociale de Postes Canada révèle que le nombre d’accidents de travail les plus graves a grimpé de 36 % entre 2016 et 2017. « Ça nous place au premier rang du pays en termes d’accidents de travail », soutient Chaloux. Les travailleurs et les travailleuses blessé·e·s manquent 46 % plus d’heures de travail qu’en 2015. Le rapport démontre que la mise en œuvre de la « transformation postale » est à l’origine de la hausse du nombre de blessures.

Surcharge de travail

Facteur depuis 36 ans et délégué syndical depuis 30 ans, Daniel Gendron travaille au centre de distribution Bridge où œuvrent près de 300 employé·e·s. Il a constaté une augmentation de la charge de travail avec les restructurations des dernières années. « L’envoi de lettres a un peu diminué, c’est vrai, mais l’envoi de colis a explosé, souligne-t-il. Les méthodes de travail n’ont pas été mises à jour depuis les années 80. On se ramasse à se blesser et à faire du surtemps. »

Temps supplémentaire obligatoire

« Avec les coupures de postes, une équipe de travail pouvait passer de 50 à 35 employé·e·s. Mais, le volume de travail restait le même, explique-t-il. Au début des années 1980, une route de livraison pouvait compter entre 300 et 600 portes. Aujourd’hui, ça arrive d’avoir des routes de 1200 et 1500 portes. »

« Depuis quelques années, on fait la livraison à la noirceur, parfois jusqu’à 20 h, affirme Gendron. On utilise des lampes frontales pour voir les adresses! » Le vétéran des postes raconte le passage de son neveu au centre de distribution. « Il a étudié pour être pompier, il avait 29 ans et il courrait des marathons. Il a travaillé durant un été. Il était trop brûlé en rentrant chez lui le soir pour faire quoi que ce soit. Il n’avait plus de vie. Il faisait des journées de 12 h. »

Le délégué estime que beaucoup de nouveaux employé·e·s se blessent en voulant finir leurs tâches à temps. Il n’est pas rare de voir des facteurs et des factrices faire des journées de 10, voire 12 heures. Sylvain Dallaire, également délégué syndical, souligne que dans le cas des facteurs et factrices ruraux et suburbains (FFRS), les horaires fixes font en sorte que les heures supplémentaires prises pour compléter une route ne sont pas payées. Le syndicat se bat pour que toutes les heures travaillées soient payées, comme c’est le cas pour les facteurs et factrices urbaines.

Travail précaire

Les restructurations ont aussi accentué le travail précaire. Certaines installations de Postes Canada comptent près d’un employé·e·s sur trois à temps partiel et sur appel. « Les employé·e·s temporaires demeurent à l’échelon salarial minimal, soutient Yves Chaloux. Certaines personnes sont temporaires 10-12 ans. On a besoin de bons emplois à temps plein. » Les syndiqué·e·s revendiquent également la fin d’une « clause orphelin » qui fait en sorte que les nouveaux et les nouvelles gagnent 6 $/h de moins que les employé·e·s engagé·e·s avant février 2013.

Méthodes de travail désuètes

La surcharge du travail découle en bonne partie du temps perdu à classer le courrier. « Postes Canada a investi des millions de dollars dans des machines de séquençage », affirme Chaloux. Toutefois, cette mécanisation couplée à la méthode de livraison à liasses multiples est inefficace en plus d’être nuisible pour la santé des employé·e·s. Différentes études commandées par le syndicat montrent néanmoins qu’une méthode de livraison à une liasse et un triage d’environ 20 minutes fait par les employé·e·s permettrait de sauver temps et argent. « Ils ne veulent pas perdre la face », souffle Chaloux pour expliquer la réticence de la direction.

Les méthodes de travail actuelles, héritées des réalités des décennies précédentes, ne sont pas performantes pour la livraison de colis. Les durées des routes et des volumes de colis sont ainsi mal évaluées, ce qui engendre du temps supplémentaire obligatoire et des blessures.

L’Employeur propose l’appauvrissement

Les facteurs et factrices font également grève pour dénoncer les offres salariales patronales d’augmentation de 1,5 % sur quatre ans. « C’est sous la hausse du coût de vie, signale Chaloux. Les retraité·e·s ont une meilleure indexation que nous! » Le syndicat propose au minimum une indexation de 3,5 % sur quatre ans pour suivre le coût de la vie et éviter l’appauvrissement. Les négociations de 2011 se sont soldées par un recul. « En 2018, nous n’accepterons pas de recul! Les facteurs et les factrices sont solidaires, mobilisé·e·s et derrière leur comité de négociation, tonne Chaloux. »

Pour une poste publique et une Banque postale!

En 2016, le député fédéral libertarien Maxime Bernier et l’Institut économique de Montréal ont défendu l’idée de privatiser Postes Canada afin d’améliorer le service. Le directeur régional des griefs du STTP rappelle que la population a été claire lors des consultations sur le mandat de la société d’État. « Les gens veulent un service universel et une livraison à domicile, soutient Chaloux. Postes Canada dessert les petites communautés aux mêmes coûts que les grandes, ce que ne ferait pas le privé. Un des meilleurs moyens d’améliorer le service est de créer une banque postale, comme en Suisse. » Selon le syndicat, la mise sur pied de services bancaires dans les bureaux de poste permettrait d’offrir des services financiers abordables, accessibles et en mesure de soutenir les autres services postaux.

Les membres d’Alternative socialiste offrent leur solidarité aux facteurs et aux factrices en grève. Pour des conditions de travail modernisées, sécuritaires et décentes! Pour la création d’une banque postale!

Julien D.


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