Les socialistes et la construction d’un nouveau parti des travailleurs et travailleuses

Des couches de plus en plus importantes de travailleurs et de travailleuses réalisent le rôle qu’ont les dirigeant·e·s politiques et syndicaux·ales procapitalistes dans la dégradation de leurs conditions de vie. Ceux et celles qui veulent sortir de cette situation d’appauvrissement optent pour différentes pratiques de lutte et de résistance, souvent de manière combinée. L’une de ses pratiques est l’action politique électorale.

La stratégie du « moins pire » au provincial…
Durant la première décennie des années 2000, l’une des expressions à l’échelle mondiale de la résistance aux attaques des élites consiste, pour de larges couches de la population, à revenir à un vote en faveur des partis traditionnels qui sont le relais historique de la classe ouvrière (ex. Parti travailliste au Royaume-Uni, Parti socialiste en France, Parti social-démocrate en Grèce).

Au Québec, il n’y existe pas de parti traditionnel de la classe ouvrière étant donné l’emprise des nationalistes capitalistes sur la sphère politique. Depuis les années 80, le vote populaire exprime la stratégie du « moins pire » par l’élection en alternance du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti québécois (PQ), porteur du projet nationaliste.

Par manque d’alternative de gauche, le mécontentement populaire s’est progressivement exprimé à travers le vote pour des alternatives de droite populistes. L’arrivée de l’Action démocratique du Québec (ADQ) au milieu des années 90 offre une nouvelle voie politique pour exprimer le ressentiment populaire contre les pratiques déficientes des institutions politiques, économiques et sociales. De moins en moins clair sur la question de l’indépendance du Québec, ce parti populiste de droite mise sur un nationalisme conservateur de plus en plus identitaire. Propulsée par un scandale monté de toute pièce visant les communautés juives et musulmanes – celui des accommodements raisonnables – l’ADQ devient pour la première fois l’opposition officielle à l’Assemblée nationale lors des élections générales de 2007. Les élections de l’année suivante lui font perdre ce statut. L’ADQ renoue ensuite avec son score habituel sous les 20 %.

En 2012, la lutte populaire du printemps-été favorise l’élection du PQ de Pauline Marois. Ce parti est alors perçu comme la seule alternative valable pour sortir de la crise politique engendrée par l’intransigeance du PLQ. Or, la Coalition Avenir Québec (CAQ, refonte de l’ADQ) voit son score presque doubler et talonne le PLQ dans l’opposition officielle (27 % vs 31 %). Le populisme de droite de la CAQ lui permet de canaliser une bonne partie de la grogne de la classe travailleuse contre la dégradation de ses conditions de vie.

Depuis janvier 2018, la CAQ s’est hissée en tête des sondages en vue des élections de l’automne. Il est le seul parti dont la pente est ascendante. De son côté, Québec solidaire, une formation large de gauche, se maintient à environ 10 % des voix.

…et au fédéral
Au niveau fédéral, la stratégie du « moins pire » s’exprime dans l’appui populaire au Bloc québécois (BQ) depuis le début des années 90. Le supposé porteur des intérêts du Québec à Ottawa est pratiquement rayé de la carte en 2011 avec le vote massif pour le Nouveau Parti Démocratique (NPD) de Jack Layton. La « vague orange », nouvelle expression populaire de la stratégie du « moins pire », fait passer le BQ de 49 à 4 député·e·s au Québec, tandis que le NPD passe de 1 à 59.

Bien que le NPD soit le parti travailliste anglo-canadien historiquement lié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la « vague orange » ne constitue pas un retour au vote pour un parti traditionnel de la classe travailleuse. Malgré les efforts de la FTQ durant les décennies 60, 70 et 80, le NPD n’a jamais réussi à construire une base militante massive au Québec ou à faire élire une députation représentant une tendance de la classe travailleuse québécoise. Après la mort de Layton, Thomas Mulcair – député libéral de 1994 à 2007 – prend la tête du NPD en 2012. Il opère un virage à droite dans le parti, notamment en faisant retirer toute mention au socialisme de sa constitution.

Lors des élections de 2015, le nombre de député·e·s NPD tombe à 16 au Québec. La rhétorique plus à gauche du nouveau chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, constitue un des facteurs de cette déconfiture. Le BQ remonte à 10 sièges et tend de plus en plus vers un nationalisme conservateur.

La stratégie du « moins pire » – tout comme celle du boycottage des élections d’ailleurs – condamne ses tenants et ses tenantes à une stratégie de lobbying auprès des patron·ne·s et de leurs partis politiques. L’échec de cette stratégie pousse la classe travailleuse à tirer plusieurs conclusions. D’une part, une partie de la classe se décourage, tombe dans le cynisme ou opte pour les populistes de droite. D’autre part, une autre partie réalise la nécessité de construire un véhicule politique de gauche alternatif. Finalement, une minorité réalise la nécessité de construire un nouveau parti des travailleurs et des travailleuses.

Les formations larges de gauche
La chute du bloc soviétique au début des années 90 entraîne une déroute des projets politiques de la gauche partout dans le monde. Durant les années 2000, des forces de gauches se recomposent à l’intérieur de nouvelles formations larges de gauche comme Rifoudazione Communista en Italie, DIE LINKE en Allemagne, SYRIZA en Grèce, PODEMOS en Espagne ou Québec solidaire au Québec. Durant les années 2010, ce phénomène s’observe aussi avec la montée en popularité de Bernie Sanders aux États-Unis, de Jeremy Corbyn en Angleterre et de Jean-Luc Mélenchon en France. Dans la plupart des pays où cela se produit, ces formations de gauche bénéficient d’un appui populaire relativement important, sans pour autant se transformer en parti de masse. Cet appui représente l’une plus importante expression de recherche d’alternative politique à la logique capitaliste des dernières décennies.

Au Québec, QS n’a pas connu l’engouement populaire de ses homologues internationaux. Depuis sa création en 2006, QS canalise une partie croissante, mais faible, du vote anti-establishment. De 4 % des voix en 2007-2008, la formation est passée à 8 % en 2014. Le soutien à QS a notamment pu croître sur le discrédit du PQ, dont le projet nationaliste de plus en plus identitaire et les politiques néolibérales drastiques ont été rejetés massivement. Le vote pour QS se concentre dans la région de Montréal, parmi les jeunes et les couches sociales les plus scolarisées. Ce vote représente celui des couches à la recherche d’alternative politique parmi la classe travailleuse, en particulier la petite-bourgeoise.

Le développement de QS, comme celui de ses homologues internationaux, constitue une expérimentation politique confuse et instable. QS concentre l’énergie de militant·e·s provenant de tous les mouvements sociaux, dont une partie de l’avant-garde du mouvement syndical. L’appui de syndicats locaux[1] aux candidatures QS, bien que marginal, s’affirme de plus en plus.

QS concentre et structure un flux de personnes nouvellement conscientisées à la nécessité d’une alternative politique. L’arrivée en 2017 de Gabriel Nadeau-Dubois (GND) comme porte-parole et député a fait bondir le membership de près de 20 % pour s’établir à environ 17 000 personnes[2].

Du socialisme au populisme radical
Contrairement aux partis traditionnels de la classe ouvrière qui tirent leurs racines dans la IIe ou la IIIe Internationale (et malgré leur histoire subséquente), les formations larges de gauche ne basent pas leur soutien initial sur :

  • une opposition claire au capitalisme en faveur du socialisme;
  • la participation aux luttes des travailleurs et travailleuses;
  • leur implantation dans la classe ouvrière;
  • le refus de compromissions avec la classe dirigeante.

Le développement des formations larges de gauche a plutôt donné place à des pratiques sans opposition claire au capitalisme et sans revendications ou stratégies de classe. Les programmes politiques de ces partis, bien que radical en apparence pour l’air du temps, n’arrivent souvent même pas à la cheville de ceux des anciens partis réformistes en termes de mesure qui s’attaquent au capitalisme (ex. nationalisations expropriatrices). La politique de leur direction se caractérise par la négociation, sans construction d’un rapport de force extraparlementaire, d’ententes pourries avec les anciens partis réformistes désormais pleinement néolibéraux. Au Québec, la pratique de QS est également marquée par ce populisme de gauche confus.

Le rôle des socialistes dans les nouvelles formations de gauche

Malgré leurs défauts, les nouvelles formations de gauche comme QS constituent des expérimentations politiques réelles de la classe des travailleurs et travailleuses. Elles suscitent au minimum l’enthousiasme parmi son avant-garde. Depuis la chute du bloc soviétique, le Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) – dont Alternative socialiste (AS) est la branche au Québec – appelle d’une part à la formation de nouveaux partis de masse des travailleurs et travailleuses comme étape nécessaire au développement de la conscience socialiste. D’autre part, le CIO appelle à la création de partis révolutionnaires qui constitueraient la tendance révolutionnaire de ces nouveaux partis des travailleurs et travailleuses. Le CIO et ses sections à travers le monde ont adopté cette approche dite de « double tâche » face à la question des nouvelles formations de gauche. Il s’agit d’à la fois construire des partis marxistes révolutionnaires autonomes et de participer au développement de la conscience de classe dans les organisations de la classe travailleuse, dont les nouvelles formations de gauche.

D’une part, l’approche de la double tâche est différente de celle de l’« entrisme profond » pratiqué notamment par certains groupes écosocialistes. Dans la pratique, ces groupes dissolvent presque totalement leur organisation dans les formations larges, évacuant du même coup leur approche révolutionnaire et leur posture critique par rapport à ces dernières. La double tâche se distingue également de l’approche sectaire des groupes staliniens et ultra-gauchistes. Ces derniers refusent tout contact avec les groupes réformistes étant donné qu’ils prétendent déjà être l’authentique parti des travailleurs et travailleuses. Dans le meilleur des cas, ces groupes agissent comme des gérant·e·s d’estrade, loin du contact avec les couches de la classe travailleuse intéressée par les formations larges de gauche.

Les socialistes doivent être présent·e·s là où la classe travailleuse se radicalise afin d’entrer en discussion avec elle et lui présenter leurs perspectives de lutte. QS n’est pas un « obstacle » dans la création d’un nouveau parti de masse des travailleurs et travailleuses. QS n’est pas non plus l’incarnation de ce parti de masse. QS constitue une étape de développement obligée dans le contexte québécois actuel de la conscience de classe. Les socialistes qui veulent influencer la lutte des classes et son auto-organisation politique ne peuvent faire l’économie de l’intervention dans QS sans se condamner à l’isolement. Les socialistes doivent élaborer une réponse stratégique et cohérente afin d’élever la conscience de classe à partir des exigences de la situation actuelle, mais sans jamais faire de concession sur le programme.

L’intervention des marxistes révolutionnaires dans QS est cruciale pour que ce parti dépasse ses contradictions et que ses meilleurs éléments joignent les socialistes dans la construction d’un véritable parti de masse des travailleurs et des travailleuses doté d’un programme socialiste. De manière générale, de plus en plus de personnes, en particulier des jeunes, s’intéressent aux idées socialistes. Le succès de la série de conférences de gauche de l’événement La Grande Transition à Montréal – où plus de 1 200 personnes ont participé – démontre cet intérêt. Ces conditions montrent une situation où les idées marxistes peuvent croître parmi les couches les plus radicalisées.

La lutte des classes se mène aussi à l’intérieur de QS. Comme l’a montré notamment les camarades du CIO en Irlande dans l’Anti Austerity Alliance[3], la présence d’un noyau de militant·e·s marxistes révolutionnaires dans une formation de gauche peut faire une différence fondamentale dans la création de l’embryon d’un parti de classe.

QS doit rompre avec le capitalisme

Le niveau de conscience politique au sein de QS est faible et essentiellement réformiste. Son programme reflète cette volonté de réformer le capitalisme afin qu’il soit plus avantageux pour le « peuple ». Certes, le programme de QS et son député Amir Khadir parlent de « dépasser » le capitalisme, mais leur vision confuse de la lutte des classes laisse le projet de société alternative tout aussi confus. Par exemple, la direction de QS parle de rompre avec l’État canadien dans l’intérêt de la majorité d’une part, mais fait la promotion d’un Québec indépendant capitaliste avec Le Livre qui fait dire oui d’autre part. De plus, comme dans les autres formations de gauche, la direction de QS met de l’avant les éléments du programme de manière à les concilier avec le capitalisme. Par exemple, lorsque GND parle d’un salaire minimum à 15 $/h, il promet du même souffle 100 millions $ en subventions gouvernementales pour aider les employeurs·euses à s’adapter. La direction de QS passe également sous silence les éléments les plus radicaux du programme et va jusqu’à déformer ou contredire certains d’entre eux pour des considérations tactiques. C’est notamment le cas de l’assurance dentaire qui est passée tout bonnement de gratuite pour tout le monde à partiellement gratuite. GND peut bien emprunter le discours d’un Bernie Sanders lorsqu’il dénonce les « partis traditionnels » et affirme sa volonté de « sortir la classe politique actuelle », mais ce discours sonne faux lorsqu’il dénonce dans les médias bourgeois les « communistes » dans les rangs de QS.

Au-delà des réformes, des mesures socialistes durables
Depuis plusieurs années, l’expérience des camarades d’AS dans les différentes instances et événements de QS montre l’appétit des membres de la base pour les idées socialistes. Ces idées se retrouvent notamment dans les éléments de programme qui s’attaquent directement aux privilèges des élites. Face à la quasi-absence d’intérêt de QS pour la formation politique de ses membres, le rôle des socialistes est crucial pour les outiller politiquement. Cette intervention vise à doter le parti d’une pratique et d’un programme pleinement socialiste. Cette éducation socialiste est essentielle, sans quoi les membres qui se buteront aux limites réformistes de QS tendront à être dégoûté·e·s par l’action politique plutôt qu’à construire un nouveau parti des travailleurs et travailleuses. En outre, surenchérir sur la radicalité du programme de QS n’est pas suffisant pour convaincre ses membres de construire un parti de classe. Il faut démontrer patiemment, par la théorie et dans la pratique, qu’il est impossible de transformer la société durablement en se limitant au cadre réformiste. Dans le contexte actuel, il est impossible d’obtenir des réformes d’envergure sans développer une conscience et un mouvement socialiste révolutionnaire. Alors, comment appliquer le programme de QS?

QS doit s’investir dans les luttes des travailleurs et travailleuses
L’une des répercussions du bas niveau de conscience politique dans QS s’observe par l’inaction des associations locales entre les périodes électorales ou par l’absence et le suivisme de QS par rapport aux autres acteurs sociaux en lutte. Étant donné que les comités, les associations locales ou les instances ne sont pas assez dynamiques politiquement pour remettre en cause l’orientation réformiste de la direction, ce sont les équipes de direction qui prennent les décisions d’action politique du parti. Le faible niveau politique entraîne un faible militantisme qui pave la voie à une gestion top-down, et la roue tourne…

Les stratégies de communication politique de QS reposent presque exclusivement sur l’accès aux médias de masse. Pour les élections 2018, la nouvelle stratégie de mobilisation développée par QS consiste à transformer le parti en « mouvement politique » à l’aide d’outils technologiques dernier cri inspirés des campagnes de Sanders aux États-Unis et de Mélenchon en France. Or, la dimension de formation politique qui a garanti le succès de ces campagnes ne fait pas partie de la stratégie des solidaires. Au contraire de la France Insoumise, QS n’a pas fait circuler et débattre ses revendications de campagne parmi sa base. Contrairement à ceux de Sanders, les grands événements publics de QS ne s’articulent pas autour de revendications et ne servent pas à mobiliser, encore moins à organiser, les communautés. Jusqu’ici, les pétitions que QS met en circulation ne servent qu’à garnir ses banques de données, non pas à organiser les gens sur le terrain. Cette stratégie électoraliste mise d’abord et avant tout sur la forme plutôt que le fond. Pourtant, les thèmes électoraux choisis par la direction de QS et les revendications qui en découlent possèdent le même potentiel que ceux des campagnes de Sanders ou Mélenchon.

Au-delà de l’électoralisme, une organisation des luttes enracinée dans les milieux
Combattre les dérives électoralistes dans QS est un travail révolutionnaire. Se borner à l’écrire dans des publications socialistes est toutefois insuffisant. Une pratique anticapitaliste consiste à lutter contre le capitalisme. Il s’agit d’avoir une influence dans la lutte des classes à travers des campagnes d’organisation de lutte dans les milieux de travail, dans les quartiers ou encore dans les milieux étudiants. Le rôle des socialistes consiste à s’enraciner dans la classe travailleuse en l’outillant pour combattre. L’organisation de luttes les plus larges possible vise à démasquer les privilèges et l’exploitation exercée par les élites et proposer des revendications qui font le lien entre les besoins concrets des gens et la nécessité de bâtir le socialisme pour combler ces besoins à long terme. Le programme de QS ne pourra être imposé aux élites qu’avec la mobilisation massive de la population.

QS est un cadre d’intervention démocratique où un groupe comme AS peut faire falloir son approche socialiste des campagnes de terrain. Le meilleur exemple est la campagne 15plus.org initiée par AS pour l’augmentation du salaire minimum à 15 $/h. L’expérience prouve que QS peut servir à relayer les luttes sociales et à leur donner une visibilité et une aide stratégique. Un autre exemple positif du rôle que QS doit assumer afin de bâtir le rapport de force nécessaire pour imposer ses réformes est la Grande Marche Dehors Barrette! organisée par le parti pour canaliser politiquement la colère des employé.es du secteur de la santé à l’hiver 2018.

De manière complémentaire à l’organisation de campagnes, l’action des socialistes dans les réseaux et les comités de gauche radicale de QS est intéressante pour faire cheminer les idées et les pratiques socialistes. L’action interne dans le comité intersyndical de QS vise les militant·e·s les plus politisé·e·s. Elle doit cependant se faire dans l’optique de redéployer l’action de ces groupes vers la base du parti et la population en général. Ces regroupements ont le potentiel de devenir des plates-formes de défense de revendications ouvertement socialistes pour faire contrepoids aux positions réformistes.

QS doit s’implanter chez les travailleurs et travailleuses
QS n’est pas, proprement dit, un parti des travailleurs et des travailleuses. Considérant son approche de classe confuse, QS n’est pas en rupture complète avec le capitalisme. Il n’est donc pas uniquement commis aux intérêts de la classe travailleuse. Par exemple, sa santé financière dépend fortement de l’argent octroyé par l’État québécois à la suite de ses résultats électoraux plutôt que de s’appuyer d’abord et avant tout sur les dons de ses membres.

La direction du parti est partiellement issue de professions libérales et des milieux les plus favorisés de la classe travailleuse. Elle a une tendance nationaliste de gauche, mais qui prône la collaboration de classe et qui combat les idées les plus radicales du programme. Critiquer cette ligne droitière de la direction n’est pas incompatible avec le fait de reconnaître que QS est le meilleur outil, à ce moment précis, pour bâtir une opposition aux politiques antisociales et en faveur des travailleurs et travailleuses. Même si le programme et la pratique de QS sont réformistes, ils favorisent les intérêts des classes opprimées, et non pas ceux des membres du Collège des médecins, de l’Ordre des ingénieurs ou des Chambres de commerce.

La meilleure manière de contrecarrer cette tendance dans QS consiste à y mener la lutte pour des politiques socialistes. La pratique politique concrète d’un parti, sa réelle défense d’intérêts de classe précis et concrets, dépend de ses structures démocratiques, de la conscience politique de ses membres et de sa direction politique ainsi que d’un programme correct et de méthodes justes. Une prédominance de travailleurs et de travailleuses dans le membership de QS ne garantit pas forcément la défense de positions en faveur des intérêts de la classe ouvrière. L’exemple du PQ suffit à le démontrer. L’état de la conscience politique dépend de la lutte des classes au sein même du parti. Cette lutte vise notamment à ce que les éléments prolétariens de QS s’emparent des rennes du parti.

Pousser les travailleurs et les travailleuses à développer QS comme outil politique ne s’accomplit pas principalement en faisant la promotion des idées du parti dans les médias de masse. QS doit avoir un programme et une pratique claire et cohérente dirigée vers la défense des travailleurs et des travailleuses. Cela peut prendre la forme de campagnes dans la rue, dans les milieux en lutte ou encore la forme de projets de loi qui participent à construire un rapport de force sur le terrain. L’engagement des socialistes est déterminant pour orienter l’action du parti là où la classe se trouve. Par exemple, les assemblées par secteur de travail du comité intersyndical de QS, sous l’impulsion notable des camarades d’AS, permettent de développer les liens entre le parti et les syndiqué·e·s les plus conscient·e·s.

QS doit mener une politique indépendante dans l’intérêt des travailleurs et travailleuses
Depuis ses premières années d’existence, la direction de QS défend ouvertement la collaboration de classe sous la forme d’alliances électorales avec le PQ. Les député·e·s Françoise David, Amir Khadir et GND y sont tous allé·e·s de leurs propositions d’alliance avec le PQ, malgré le refus systématique et répété des membres de QS en congrès. La direction a toutefois marqué un point à la fin 2017 grâce à la fusion avec Option nationale (ON), un parti nationaliste, issu d’une scission de gauche du PQ, qui fait la promotion d’un capitalisme québécois. Avec la débandade du PQ, il est possible que l’ancien chef de ON, Jean-Martin Aussant, réussisse à se hisser à la tête du PQ. Considérant ses liens avec GND et son flirt avec QS, Aussant pourrait revenir à la charge avec une alliance QS-PQ qui fixerait le projet de pays sur une base nationaliste.

Les socialistes doivent dénoncer ces projets d’alliance de classe et expliquer la nécessité de construire un rapport de force en faveur des travailleurs et des travailleuses capable de transformer la société en dépassant les limites du capitalisme. Les socialistes doivent développer une pratique socialiste dans QS afin d’y défendre la création d’un parti de masse des travailleurs et travailleuses muni d’un programme correct et de méthode justes, préalable nécessaire pour une révolution socialiste victorieuse.

Bien que cela ne soit pas impossible, il est peu probable que QS devienne un nouveau parti de masse des travailleurs et travailleuses. Toutefois, si l’on se fie à l’évolution des autres formations de gauche dans le monde, l’éventualité d’une scission de gauche résolue à construire un parti de classe est plus probable. Dans une telle éventualité, les éléments les plus conscients et les plus combatifs de la classe travailleuse joindra ses forces aux militant·e·s socialistes avec lesquel·le·s ils et elles ont noué des liens de confiance dans la lutte. Ils et elles n’iront pas rejoindre les organisations sectaires qui pestent depuis des années contre leurs efforts. Ces militant·e·s combatifs·ves seront ensuite rejoint·e·s par le reste de l’avant-garde qui n’était pas impliquée auprès de QS.

En vue des élections provinciales de 2018, AS appelle à voter pour QS afin de renforcer le rapport de force contre l’austérité. C’est toutefois uniquement sur la base d’un programme socialiste et d’une approche de classe que QS réussira à imposer ses réformes. Pour y arriver, joignez les rangs d’AS afin d’aider à construire des mouvements de lutte combatifs et à poser les bases du futur parti des travailleurs et travailleuses!

Julien D.

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[1] Notamment du Conseil central Montréal métropolitain (CCMM-CSN), du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP-FTQ) et du Conseil régional Montréal métropolitain (CRMM-FTQ)
[2] Par rapport à 80 000 au PQ, 30 000 au PLQ et 12 000 à la CAQ
[3] Fusionnée par la suite avec People before profit pour devenir Solidarity


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