Retour sur le Front commun:Les journées de grèves à l’hopital LaSalle

Les négociations de 2015 dans la fonction publique n’ont pas été de tout repos. Les travailleuses et travailleurs du réseau de la santé ont dû faire preuve de détermination lors de ce bras de fer avec le gouvernement. Malgré des résultats mitigés et décevants pour certains, une mobilisation historique est venue marquer les luttes sociales au Québec, dont une participation de 150 000 manifestantes et manifestants lors de la manifestation du 3 octobre du Front commun. C’est dans ce contexte que les membres de la section locale 2881 du SCFP luttèrent pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Un parcours intéressant pour les militantes et les militants qui aspirent à un syndicalisme combatif pour les luttes à venir.

Un comité de grève

Au cours des cinq années précédentes, l’exécutif syndical fit face à un employeur ayant pris un virage autoritaire. Plusieurs luttes furent menées par le syndicat et, à quelques occasions, l’équipe syndicale eut à faire appel aux syndiqués. Devant l’intransigeance et l’ampleur des attaques du gouvernement, on comprit toute l’importance d’une forte mobilisation. C’est ainsi qu’à la fin de l’été 2015, les représentants proposèrent aux membres de former un comité de grève. Une idée audacieuse, puisque lors des dernières négociations (2010 et 2005), la mobilisation était la chasse gardée des officiers syndicaux. Plus d’une vingtaine de travailleuses et travailleurs répondirent à l’appel. Leurs responsabilités consistaient à animer les différents piquets de grève, s’assurer du bon fonctionnement du temps de grève et diffuser l’information aux membres sur les milieux de travail. On pourrait dire mission accomplie, car la participation sur les piquets de grève oscillait dans les alentours de 90%.

Les jours de grève

Les syndiquées durent débrayer quatre jours, soit le 29 octobre, le 16 et 17 novembre et le 9 décembre. Bien conscients que la loi sur les services essentiels affaiblit leur rapport de force, les militantes et militants ont su faire preuve d’originalité. À partir du 29 octobre, il n’était plus possible de circuler dans le CSSS Dorval-Lachine-Lasalle sans apercevoir des autocollants « En grève » au grand dam de l’employeur. Effectivement, les salariées s’en donnèrent à cœur joie, démontrant ainsi leur rancune à cet employeur devenu méprisant à leur égard au fil des ans. Puis le 16 novembre, l’heure de régler les comptes arriva. Alors que des gestionnaires d’un département de soins de longue durée avaient au cours des années précédentes mené la vie dure aux salariées, quelques militantes et militants du SCFP décidèrent de placarder d’autocollants la fenêtre du bureau des coordonnateurs. Sortant de leurs gonds, deux gestionnaires sortirent à l’extérieur et enguirlandèrent les militantes et militants menant ainsi à une altercation. Les syndiqués ne purent réprimer leur fou rire. Lors de la même journée, un rassemblement du Front Commun eut lieu à l’hôpital LaSalle. Gonflés à bloc devant l’arrivée des autres militantes et militants du Front commun et faisant fi du corporatisme syndical, certains membres de la section locale marchèrent aux côtés des syndiquées de la CSN et n’hésitèrent pas à porter les couleurs de la CSN.

Le 17 novembre, après une journée haute en couleurs, les grévistes restaient toujours sur leur faim. Une dizaine de militantes et militants, sous les encouragements de leurs confrères et consoeurs, bloquèrent le quai de marchandises et empêchèrent cinq ou six camions de décharger leurs marchandises. Abasourdi devant une telle audace, l’employeur fit appel à la police. Une dizaine de policiers fut

dépêchée sur les lieux et les travailleuses et travailleurs expliquèrent aux policiers l’importance de leur lutte. Au bout d’une heure, alors que l’employeur était sur les dents et fit plusieurs appels à la présidente du syndicat l’implorant de lever le blocus, les grévistes obtempérèrent et comprirent l’importance de leur force.

Le 9 décembre, alors que les directions syndicales reportèrent les trois journées de grèves nationales prévues, les syndiqués souhaitaient démontrer leur détermination autant à l’employeur qu’à la direction syndicale. Effectivement, devant une armée déchaînée qui n’hésitait pas à coller des autocollants sur n’importe quelle surface, le ministère fit deux appels au syndicat afin de l’avertir qu’au troisième appel, l’employeur déposerait une injonction au syndicat. Les travailleuses et les travailleurs en avaient bavé au cours des dernières années et ils voulurent le démontrer à leur employeur. C’est ainsi qu’ils et elles défièrent l’employeur et firent une manifestation avec drapeaux et bannières à l’intérieur de l’hôpital. Fou de colère, un gestionnaire suivit les grévistes en les menaçant de représailles. On nomma cette manifestation la marche silencieuse (aucun son ne fut émis lors de cette marche) et 26 travailleurs et travailleuses participèrent à cette action. Elle restera gravée dans les mémoires.

Une entente qui ne faisait pas unanimité

Le 20 décembre 2015, une entente de principe fut conclue entre la direction du Front commun et le gouvernement du PLQ. Le conseil provincial des affaires sociales du SCFP recommanda l’adoption de cette entente de principe. C’est ainsi que l’équipe syndicale de la section locale 2881 présenta cette entente de principe à ses membres lors d’une assemblée générale tenue en janvier 2016. Contre toute attente, cette entente fut rejetée par les membres dans un vote serré sous prétexte qu’elle ne correspondait pas aux objectifs initiaux, c’est-à-dire contrer l’appauvrissement des travailleuses et travailleurs des services publics et la sous-traitance. N’ayant pas transmis les résultats, c’est probablement la seule section locale de la FTQ à avoir refusé cette entente.

Pour conclure, cet exemple de ténacité et de détermination ne doit pas tomber dans l’oubli. À l’aube des états généraux sur le syndicalisme, le parcours de ces militantes et militants offre une nouvelle alternative au syndicalisme de concertation par nos leaders syndicaux. Alors que le mouvement syndical semble s’embourber dans des défaites constantes, un syndicat local qui ose défier le patronat est salutaire. Un exemple à suivre pour les prochaines négos.


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