« Parce que le loyer ne se paye pas tout seul…nous voulons 15$ maintenant! »

Lutte pour l’augmentation du salaire minimum aux États-Unis

La lutte pour l’augmentation du salaire minimum qui agite les États-Unis est, avec Black Lives Matter, le plus grand soulèvement des milieux populaires depuis le mouvement des droits civiques dans les années 60.

Seattle a été la première ville à augmenter le salaire à 15$ l’heure, en juin 2014, suivi par San Francisco, en novembre de la même année. En 2015, ce fut l’État de New York et Los Angeles. Cela ne s’arrête pas là, St-Louis et Philadelphie risquent d’adopter cette mesure dans la prochaine année. L’idée a traversé la frontière et les syndicats de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ont déjà lancé leur campagne. Le NPD albertain s’est fait élire en misant sur cet enjeu.

Il est impossible d’énumérer ici l’ensemble des luttes en cours, mais chose certaine, cela ne s’est pas fait spontanément. Ce mouvement a été patiemment construit depuis près de quatre ans.

Une lutte de longue haleine

C’est le Service Employees International Union (SEIU) qui lance le mouvement 15 Now and a Union en 2012. Très rapidement, il est rejoint par d’autres syndicats et des mouvements sociaux.

Le 27 novembre 2012, les employé-es de plus d’une centaine de commerces de restauration rapide débraient à New York. Le 29 août 2013, une journée d’action est organisée dans 60 villes américaines. Le 4 septembre 2014, c’est plus de 150 villes qui participent au mouvement. Les manifestations seront ponctuées de plusieurs actions de désobéissance civile, et d’arrestations.

Le 15 avril 2015, des actions se déroulent dans plus de 200 villes et seront qualifiées par le journal britannique The Guardian, de « plus grandes manifestations des bas salariés dans l’histoire américaine ». Le 2 mai 2015, des centaines de personnes bloquent le quartier général de McDonald’s.

Élection d’une socialiste à Seattle

Parallèlement, l’organisation Socialist Alternative (SA) porte cette revendication dans l’arène politique.

Elle fera campagne avec le slogan « Faire de Seattle une ville abordable » et trois revendications : 15$ maintenant, pour une politique de contrôle des loyers et une taxe sur les super-riches pour financer le transport en commun et l’éducation. Elle est élue en novembre 2013 avec 50% des voix.

Avant cette élection de novembre, SA avait construit un mouvement pour le 15$. Tous les quartiers de Seattle avaient leur comité d’action. Ce mouvement populaire est devenu la colonne vertébrale pour les élections municipales. En juin 2014, l’augmentation à 15$ a été votée à Seattle.

La victoire de Kshama Sawant et l’adoption, quelques mois plus tard, de la hausse du salaire minimum a eu l’effet d’un coup de tonnerre partout aux États-Unis et a donné un second souffle au mouvement.

Une inspiration pour le Québec?

Aucune ville n’a augmenté le salaire minimum du jour au lendemain. Elles y vont par étape avec des hausses déterminées chaque année. Par exemple à Seattle, les employe-és d’entreprises de plus de 500 personnes auront 15$ dès 2017. Le salaire minimum sera de 18,13$ pour tous en 2025. Alors qu’à Chicago, le salaire minimum va passer de 8,25$ à 13$ en 2019.

L’une des leçons que nous offre le mouvement pour l’augmentation du salaire minimum aux États-Unis est de ne pas se limiter à 15$. Si nous voulons faire la même chose ici, le 15$ doit être un objectif à court terme, et non une fin en soi. S’attacher à un chiffre donne la possibilité au patronat d’accorder le 15$ dans cinq ans, de présenter cela comme une victoire et ainsi couper les ailes au mouvement.

Proposer l’augmentation du salaire minimum à 15$ l’heure maintenant, dans une perspective d’indexation des salaires au coût de la vie, pourrait nous permettre d’aller chercher des gains substantiels dans certains secteurs à court terme. Tout en tuant dans l’œuf les tentatives du patronat d’étaler abusivement dans le temps les augmentations salariales.

Il reste qu’il s’agit de gains indéniables pour des millions de travailleurs et travailleuses américains qui verront un bond appréciable de leur pouvoir d’achat ces prochaines années. En ramenant la question du coût de la vie au devant de la scène, la gauche américaine a réussi à mettre la question des inégalités sociales au centre du débat politique et à forcer la classe dominante à être sur la défensive. Cela a également démontré qu’en s’organisant sérieusement, sur la base d’objectifs clairs, tout est possible.


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