Salvail/Rozon : La pointe de l’iceberg d’un système

Dans la foulée du scandale des inconduites sexuelles du richissime producteur Harvey Weinstein,  le mot-clic #moiAussi (ou #meToo en anglais) a fait surface dans les médias sociaux. La campagne s’est propagée au Québec et ailleurs. L’une des répercussions au Québec: la chute vertigineuse d’Éric Salvail et de Gilbert Rozon. De nombreuses victimes, femmes et hommes, ont dénoncé les gestes déplacés, les blagues de mauvais goût, le harcèlement et les viols. La machine à rumeurs va bon train, il semblerait que d’autres noms dans le monde du showbiz québécois font surface dans les milieux bien informés. L’avenir nous dira s’ils seront dénoncés publiquement.

Comment interpréter ces gestes et surtout les répercussions qu’ils peuvent avoir? Force est de constater qu’il y a plusieurs points communs entre les agresseurs: des hommes, souvent blanc, ayant du pouvoir dans leur milieu et, souvent, ayant aussi un bon potentiel de sympathie du auprès du public. Autre point commun: certaines personnes de leur entourage se disent « trahies », « dévastées » ou « attristées » par les allégations des victimes. Vraiment? Dans les différents milieux de travail, l’information circule, on connaît la réputation des patrons. Si le patron commet un geste déplacé, les employé·e·s vont souvent choisir de ricaner et de détourner le regard, question d’éviter les problèmes avec celui qui détient le pouvoir suprême: licencier le ou la coupable d’insubordination. Oui, c’est très triste que les témoins n’interviennent pas. Mais est-ce vraiment si surprenant?

Le monde du travail et la société capitaliste sont ainsi faites que les boss ont le pouvoir sur l’avenir de leurs subordonné·e·s. Les victimes d’abus hésitent à dénoncer par peur de perdre leurs emplois, leurs réputations et leurs chances d’avancement. Les travailleurs et travailleuses sont obligé·e·s de subir beaucoup d’humiliations, voire de menaces de leurs employeurs pour s’assurer un certain confort au travail. La loi du silence est de mise, le système oppressif est bien en place. Et cette réalité est encore pire pour les personnes racisées, en situation de handicap, de la communauté LGBTQIA+ ou subissant d’autres formes d’oppression. Les cas de viols et d’agressions de femmes autochtones en sont un exemple évident.

Dans la foulée de la chute de Salvail et de Rozon, la maison de production Salvail & Co  a été vendue à des proches d’Éric Salvail et on discute encore de l’avenir de Juste pour rire. Les travailleuses et travailleurs sont encore aujourd’hui lié·e·s à ce point à leurs  patrons que leurs dégringolades a des répercussions importantes sur les conditions de vie de ceux et celles qu’ils employaient. Les émissions produites par Salvail & Co ne sont plus diffusées, ce qui entraîne la mise à pied d’une cinquantaine d’employé·e·s. L’avenir des travailleuses et travailleurs de Juste pour rire est encore incertain.

Le moment est idéal pour les travailleuses et travailleurs de reprendre en main leur travail et de faire rouler la machine collectivement, sans dépendre d’une tête d’affiche. Transformer l’entreprise en coopérative de travail, par exemple, pourrait leur permettre d’avoir un contrôle sur leur environnement.

L’oppression restera tant que la corruption donnera aux patrons tant de pouvoir.

L’oppression restera tant que les travailleuses et les travailleurs auront les mains liées à leurs employeurs.

L’oppression restera tant que les conditions de travail ne seront pas décentes.

L’oppression restera tant que les offres d’emplois seront restreintes par un marché basé sur l’exploitation.

L’oppression restera tant que les patrons se donneront le pouvoir de faire tout ce qu’ils désirent.

Alors organisons-nous pour que disparaisse cette oppression !

– Créons des comités Femmes dans nos milieux de travail et valorisons l’échange, la solidarité et l’organisation !

– Créons des lieux d’échanges afin de partager nos expériences et nos ressources et ce, pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses !

– Exigeons des syndicats des commissions d’enquête sur les agressions sexuelles en milieu de travail !

La lutte paie ! Les femmes n’ont pas toujours pu se défendre, mais nous avons gagné du terrain grâce à celles qui ont lutté ! Continuons ce combat avec l’ensemble de la classe des travailleurs et des travailleuses, car nous avons encore d’autres gains à faire!

Offrons-nous enfin des conditions de travail décentes et sécuritaires pour toutes et tous !


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