Entrevue avec un soudeur: Retour sur la grève de la construction

Après une grève générale de 3 jours, le 24,25 et 26 mars dernier, le gouvernement a adopté une loi spéciale pour faire cesser le conflit. Le gouvernement péquiste avait fait la même chose durant l’été 2013. Laissons Carl Contant, soudeur, nous parler de la grève de la construction de mars dernier.

CARLO MOSTI: Depuis quand tu travailles dans la construction et quel métier fais-tu?

CARL CONTANT: Bon et bien je dirais que ça fait au moins 20 ans que je suis dans la construction. Plus précisément, j’ai 16 ans d’expérience comme soudeur. J’ai un DEP, je suis allé chercher mes cartes de la CCQ, j’ai toujours voulu travailler dans les structures, je travaille dans les fondations profondes, c’est-à-dire comme le CHUM, le CUSUM, les viaducs, ce genre de structures. Je suis dans les manœuvres spécialisées comme soudeur.

C-M : Quelles étaient vos revendications durant la grève?

C-C : Les boss veulent encore s’attaquer au salaire double les fins de semaine principalement. L’Alliance syndicale a voulu faire une campagne sur le thème de la famille pour défendre nos fins de semaine. Moi je trouvais que c’était un peu faible comme approche. On veut s’attaquer à l’overtime : au lieu de payer temps double, ils veulent payer en journées à temps simple. Ils ne veulent pas reconnaître notre ancienneté. Aussi, il y avait la loi 33 en 2013 qui faisait que lorsque des compagnies de l’extérieur venaient sur des chantiers ici, elles pouvaient amener des travailleurs étrangers avec des conditions inférieures, prétextant que les normes du Québec ne concordaient pas avec les leurs dans leur pays. Je me rappelle lorsque j’ai travaillé sur la 30 pour le tunnel Vaudreuil-Soulange, ils ont amené des travailleurs indonésiens. Mais ce que j’ai aimé c’est que, notre réponse à ça, au lieu d’avoir une réaction raciste contre ces travailleurs, on les a interpellé pour leur dire: «Voulez-vous avoir les mêmes conditions de travail que nous? Le même salaire? Ta citoyenneté?». C’est sûr qu’ils ont dit oui. On les a aidé, on a cassé les compagnies qui essayaient de faire de l’argent sur le dos de ce monde-là. Cette année, c’est quand même drôle, je trouve que la grève de 2017 c’est un copier-coller de celle de 2013. Les mêmes négos qui n’aboutissent pas. L’ACQ ne voulait pas céder parce qu’elle savait que la loi spéciale s’en venait. Ça permet de faire rentrer un arbitre qui lui va nécessairement trancher de leur bord, car les plus gros contrats de la construction, c’est le gouvernement qui les a, qu’il soit péquiste ou libéral. De quel côté tu penses l’arbitre va pencher? On dirait un scénario déjà préparé d’avance.

C-M : On sait comment la grève s’est terminé, mais c’était quoi votre sentiment avant que ça arrive, est-ce que vous étiez positifs et confiants qu’il y avait une possibilité que ça aille loin? Ou votre idée que ça planterait était déjà faite d’avance?

C-C : Je te dirais qu’on souhaitait que les leaders nous disent de rester dans la rue, même s’il y avait une loi spéciale. C’est c’qu’on aurait dû faire. C’est sûr que dans le meilleur des mondes, on souhaitait que ça se règle avant d’en arriver là. Mais on le savait que ça ne se réglerait pas.

C-M : Mais d’après toi, qu’est-ce que les travailleurs devraient faire pour reprendre en main le syndicat?

C-C : Dans le fond, c’est un travail de longue haleine. Faut commencer par le début : se présenter au conseil, être toujours là, être visible, poser des questions, pas avoir peur de poser les bonnes questions, pas faire confiance en un seul individu.

C-M : Bien si on veut terminer l’entrevue sur une note positive, qu’est-ce que tu voudrais ajouter à tout ça qui pourrait changer la situation?

C-C : Ça prend un réveil collectif, ça prend de la communication entre les travailleurs et travailleuses, s’organiser entre nous, parce que ça va venir de nous, pas des dirigeants syndicaux.

C-M : Qu’est-ce qu’un groupe comme Alternative Socialiste pourrait apporter à cette lutte d’après toi?

C-C : Rencontrer les travailleurs et travailleuses et établir des contacts, prendre le pouls sans préjugés. Mais il faut arriver sans couleurs et sans partisanerie avant tout. Faut continuer d’écrire des articles sur les enjeux politiques dans vos journaux pour que les travailleurs et travailleuses sachent qu’il y a des appuis parmi les groupes comme vous. Mon optimisme vient à travers des groupes comme vous qui essaient de réveiller les gens, de les sensibiliser à la révolution. Les gens pensent que la révolution ça veut dire se promener avec une mitraillette à la main. Des fois, la révolution c’est dans ta tête, quand tu te lèves le matin, comment tu décides de mener ta vie. Faut que le monde lise plus, s’informe. Le jour que les gens vont réaliser qu’on est tous et chacun notre propre leader, on va pouvoir avancer. La loi spéciale, c’est pas un champ avec des mines pis tu ne te feras pas tirer dessus. La loi est illégale, ç’a déjà été contesté, vous pouvez vous levez contre ça. Les étudiants se sont levés contre la loi spéciale, ils ont passé à travers avec courage et détermination, ils n’en sont pas morts. On est loin de la révolution, les gens ont peur. Alors faut continuer à se parler et à s’informer.


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